Editions de l'Olivier - Mai 2004 - Traduction (anglais) : François Lasquin - Lise Dufaux
Tags : Roman d'enquête Détective privé Washington Années 2000 Entre 250 et 400 pages
Publié le : 30 octobre 2005
Grand Prix du Roman Noir Étranger au festival de Cognac 2005.
À travers le procès du dealer et assassin Granville Oliver, George
Pelecanos nous invite une nouvelle fois à suivre le regard qu'il porte
sur la ville de Washington en particulier et sur la société américaine
en général. Il poursuit à cette occasion les aventures de son duo
d'enquêteurs privés, ex-flics, rencontrés pour la première fois dans Blanc Comme Neige : Derek Strange, la cinquantaine, l'humaniste et Terry Quinn, l'homme
en colère, toujours à cran. L'un est blanc, d'origine irlandaise, avec
des idées bien en place, carrées, l'autre est noir et préfère toujours
voir l'étincelle au fond de l'œil plutôt que le regard perdu. Ces
deux-là forme une équipe solide, soudée, et traitent leurs affaires
dans le quartier noir de Southeast, l'un des plus mal famés de la
ville :
(...) ici il y a plus de braves gens que de salauds. Le jour où t'en auras pris conscience, la colère que tu trimballes partout avec toi finira par disparaître.
Même les enfoirés de bourges qui habitaient ce coin, les salariés qui avaient des gosses et toutes ces conneries, s'étaient habitués aux détonations occasionnelles.
George Pelecanos nous propose dans la première partie de son roman un plongée
documentaire ultra réaliste au cœur des bandes organisées qui se
partagent le territoire de tels quartiers à coup de trafics en tous
genres. L'auteur y décrit le quotidien d'adolescents à la dérive,
enrôlés par les dealers, sans autre avenir que la prison ou la mort
violente. Des gens dangereux qui manient les armes mais qui pour rien
au monde ne voudraient que leurs mères soient au courant qu'ils
traînent dans les rues à faire les cons...
Une fois le décor clairement planté, le propos change de ton et ce sont
cette fois les carences et les abandons des institutions qui sont mises
en avant. George Pelecanos, loin du politiquement correct, s'attaque
cette fois de front à un des fondements de la constitution américaine
qui autorise chacun à acquérir une arme pour sa propre défense ou la
protection de ses biens. Il démonte les trafics organisés, comment sont
détournées sans problème les lois édictées, inutiles, il montre
l'influence des lobbies des fabricants d'armes auprès des politiques,
leur corruption :
Soixante pour cent des armes qu'on retrouve dans les affaires de meurtre à Washington proviennent (légalement) d'armureries qui ont pignon sur rue.
Mais l'auteur ne s'arrête pas là. Il pose également le problème de la peine
de mort aux États-Unis, et plus particulièrement dans les districts
comme celui de Columbia où les électeurs se sont prononcés contre mais
où le gouvernement fédéral veut l'imposer, à grands coups de renfort
médiatique, en trafiquant les jurys, faisant fi du résultat des
consultations.
Une réflexion sur la peur, organisée, engendrée par ces quartiers décrits comme de véritables coupe-gorge mais qui s'avèrent, pour ceux qui les connaissent, beaucoup plus agréables à vivre qu'il n'y paraît et où, seule, la misère devrait être l'ennemie. Un peu comme nos banlieues peuplées de "racailles" chères aux édiles et aux médias qui les accompagnent.
Un roman dense, noir, aux frontières de l'étude sociologique, mais
dynamisé par une intrigue solide et irréprochable servie par une
construction imbriquée où s'alternent les points de vue et les
narrateurs. Sans oublier l'extrême tendresse de l'auteur pour sa ville
et ses habitants, ni le clin d'œil à quelques personnages croisés dans
d'autres romans puisque Nick Stefanos et même Marcus Gray sont tour à
tour évoqués. Indispensable !..
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Retrouvez Derek Strange et Terry Quinn, le duo magique, dans Blanc Comme Neige, leur première apparition, ou Tout se Paye qui les met également en scène.
Dans un autre genre, plus francophone, ce roman m'a rappelé celui de Jean-Hugues Oppel, French Tabloïds, à propos des manipulations politiques construites sur la peur.
Les dix premières lignes...
Les chaînes liant les poignets de Granville Oliver raclèrent la surface
pleine d'éraflures de la table devant laquelle il était assis. Il avait
aussi des chaînes aux chevilles. Ses épaules et ses pectoraux
saillaient dans la combinaison orange qu'il portait depuis six mois.
Ses yeux, presque dorés quand Strange et lui avaient fait connaissance,
étaient à présent d'une couleur café crème, sans éclat dans la lumière
artificielle du parloir de la prison centrale de Washington.
- Apparemment, vous vous débrouillez pour garder la forme, dit Strange, assis en face de lui.
- Grace aux pompes, dit Oliver. J'essaye d'en faire plusieurs centaines par jour (...).
Quatrième de couverture...
À Washington, on parle beaucoup du procès de Granville Oliver. Ce
caïd de la drogue est accusé de meurtre par son ancien bras droit,
Phillip Wood, et il risque la peine de mort. Ses avocats font appel au
détective Derek Strange pour retrouver l'ex-petite amie de Wood. Si
cette dernière vient témoigner au procès tout peut basculer... Strange,
pour qui la peine capitale est intolérable, n'est pas dupe des méfaits
d'Oliver. Mais on ne choisit pas toujours ses clients...
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...