Mauvais Fils

George Pelecanos

Seuil Policiers - Février 2011 - Traduction (anglais) : Etienne Menanteau

Tags :  Roman noir Polar social Psychologie Quidam Washington Années 2000 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 23 février 2011

Recommandé Chris Flynn a dix-sept ans. Il vient d'intégrer la prison pour mineurs de Pine Ridge, seul enfant blanc parmi une population quasiment exclusivement noire. Ses parents, Thomas et Amanda, sont désespérés, chacun à leur manière. Ils ont "perdu" leur fils en une année — entre quinze et seize ans — lorsque la marijuana a pris le dessus sur les études, le basket, le football, au point de remplir la vie de Chris.

Comme si quelque chose s'était éteint dans sa tête, au moment où s'était allumé autre chose, un truc plus excitant. Il considérait toujours sa mère et son père comme ses parents, mais ça ne l'intéressait plus de leur faire plaisir ou de se comporter comme ils estimaient qu'il le fallait. Il n'en avait rien à cirer.

Chris n'est pas bien méchant. Il a cependant beaucoup d'hormones à brûler, et fait des conneries d'adolescent. Il ne manque de rien, mais aime la bagarre et ne se prive pas d'un vol par-ci par-là, quand l'occasion se présente, tout en passant son temps à fumer. N'empêche, à la suite d'une rixe qui se termine en course poursuite avec les flics, le voilà pris comme exemple par le juge — un jeune Blanc châtié comme n'importe quel Noir — et envoyé derrière les barreaux…

Dans la première partie de son roman, située en 1999, George Pelecanos nous montre la prison de Pine Ridge et ses habitants, quasiment tous noirs, pour la plupart sans éducation, quelques uns analphabètes. Chris fait figure ici d'extra terrestre. Issu d'un milieu relativement aisé, on sent bien qu'ils ne sont pas nombreux comme lui à arpenter la cour de promenade. Quant aux autres, on tente, malgré l'enfermement, de leur inculquer quelques bribes de culture. Au moins ne sont-ils pas retenus en compagnie de délinquants plus âgés, plus aguerris, plus durs, avec pour conséquence d'apprendre le "métier". Pine Ridge n'est pas une sinécure, pour autant elle offre les prémisses d'une seconde chance à ceux qui en ont la volonté, et surtout les moyens.

Dix ans ont passé lorsqu'on aborde la seconde partie du roman. Chris est sorti de prison et travaille désormais à poser des moquettes dans l'entreprise de son père. Il fait équipe avec Ben, un de ses anciens condisciples, et tente, malgré son passé, de vivre une vie normale. Ben est dans le même cas, quoique sans doute plus fragile. Un autre de leurs co-détenus, Ali, a lui aussi saisi sa chance et œuvre maintenant à la réinsertion des jeunes en difficulté. Chacun mène sa barque comme il peut, mais les actes laissent des traces. Même si Thomas Flynn, son père, est un bon bougre, le fil de la confiance qu'il avait en son fils s'est cassé lorsque Chris est entré en prison, et bien qu'il l'aide de son mieux, il n'a jamais réussi au fond à renouer cette confiance.

En regardant son fils, Thomas voyait un échec et un problème insoluble.

Georges Pelecanos insiste sur le rapport père-fils, en l'inscrivant aussi dans l'évolution de la société. Du côté de Thomas, le père, on en est encore au schéma classique de l'ascenseur social qui fonctionne et ce dernier a bien du mal à se défaire de son modèle. Pour Chris, la réalité est tout autre, et d'autant plus pour ses anciens compères issus de milieux plus défavorisés. Leur "espérance" de vie se situe forcément ailleurs. Il y a bien longtemps que ceux-là ne croient plus à l'histoire de l'ascenseur…

Arrive alors le déclencheur qui va bouleverser la routine de chacun.
Lors d'un chantier, Chris et Ben découvrent sous une vieille moquette qu'ils doivent changer une cache renfermant un sac rempli de dollars. Beaucoup de dollars. L'argent n'est semble-t-il à personne — la maison n'a plus de propriétaire — pour autant, après réflexion et quelques tergiversations de la part de Ben — deux ans de salaire d'un coup, c'est quand même tentant — ils décident de laisser le sac à sa place.
Malheureusement, Ben raconte son histoire à Lawrence, un ancien de Pine Ridge, lors d'une soirée trop arrosée, trop enfumée, et la maison est cambriolée.
Cet épisode ravive la méfiance de Thomas envers son fils et fragilise l'amitié de Chris envers Ben. Et bien sûr deux "méchants" se pointent bientôt pour récupérer l'argent…

Deux choses sont au cœur de ce roman : les rapports entre le père et le fils bien sûr, mais aussi les modèles qui les accompagnent, avec un accent et une mise en perspective sur les difficultés de l'adolescence, cette période si particulière où la passion prend le pas sur la raison.

— Ton père est un mec bien.
— Il ressemble à la plupart des gens. Il essaie d'être bien et, en général, il y arrive.
— Comme toi.
— Mais il voulait que je sois meilleur que lui. Il se trouve que je suis un être humain, exactement comme lui.
— Tout ça c'est du passé, pour vous.
— Pour moi, oui.

D'autre part, c'est le système carcéral américain appliqué aux mineurs qui est exploré, de manière diffuse, mais en profondeur ; le sentiment de l'auteur s'exprimant plus à travers les personnages mis en scène qu'au moyen de longs discours. Ainsi, on comprend aisément, par exemple, que les "méchants" n'ont pas eu droit à leur seconde chance en passant une partie de leur adolescence dans une prison pour adultes.

L'intrigue du roman tient au fond peu de place dans le récit et ne prend réellement son importance que dans le final. Pour autant, on ne s'ennuie jamais dans cette lecture même si le rythme paraît lent. Sans doute est-ce dû à la finesse de l'analyse menée par George Pelecanos, à son souci du détail, à son absence de manichéisme et à la vérité qui habite ses personnages.
Chez Pelecanos, tout est "normal", sauf son talent à rendre cette normalité captivante.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Si ça n'était pas déjà le cas, n'hésitez pas. Lisez Pelecanos !

Le début...

Les dix premières lignes...

Personne ne savait pourquoi ça s'appelait Pine Ridge. Pour Chris, il n'y avait pas de pins en vue. Rien qu'un ensemble d'immeubles de plain-pied en briques rouges et en forme de L, construits dans une clairière plate envahie par la terre et la boue, et entourés d'un grillage surmonté de barbelés tranchants. Derrière la clôture, des bois. Des chênes, des érables, des cornouillers sauvages et des herbes arborescentes, mais pas de pins. Quelque part dans la forêt, la prison pour filles (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Lorsque Thomas Flynn abandonne son fils de 17 ans à la prison pour jeunes de Pine Ridge, dans la banlieue de Washington, il est désespéré mais résolu à lui mettre du plomb dans la cervelle : de bagarres en abus de marijuana, de petits casses en altercations avec les flics, Chris est devenu un parfait étranger, indifférent à l’affection et à la peine des siens.
Dix ans plus tard, Chris a choisi : il travaille dans l’entreprise de pose de sols et moquettes de son père, mène une vie sans surprise. Ou presque. Sous le parquet d’une paisible maison de banlieue, le jeune homme découvre un sac contenant 50 000 dollars. Pas question de replonger… Mais choisit-on toujours ?


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

George Pelecanos










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