Les Jardins de la Mort

George Pelecanos

Seuil Policiers - Mars 2008 - Traduction (anglais) : Etienne Menanteau

Tags :  Roman d'enquête Polar social Polar urbain Flic Washington Années 2000 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 11 mars 2008

Recommandé 1985. À proximité des jardins municipaux, le cadavre d'une jeune fille de quatorze ans, assassinée d'une balle dans la tête, vient d'être découvert. C'est le troisième d'une série. Sur la scène de crime, T.C. Cook, sergent noir de la police locale, respecté par l'ensemble des flics, y compris les blancs, surnommé "le zélé" eu égard à son acharnement à résoudre les affaires ; un taux d'élucidation qui avoisine les quatre-vingt-dix pour cent. Au même endroit, deux agents en tenue, deux jeunes blancs à peine sortis de l'école de police : Gus Ramone et Dan Holiday. Deux visions du métier de flic :

Ramone, lui, avait sa propre déontologie : jouer son rôle, ne pas se mouiller, donner vingt-cinq ans à la maison et basta. Il ne débordait pas de sympathie pour Cook ou n'importe quel autre non-conformiste, "cow-boy" ou légende vivante de la police de Washington. Ce n'était pas en idéalisant ce métier qu'on pouvait lui conférer une dimension qu'il ne possédait pas. Il s'agissait d'un boulot, pas d'une vocation. En revanche, Holiday, lui, vivait un rêve, bandait comme un cerf et avait la foi du charbonnier.

Vingt ans plus tard, Gus Ramone est toujours dans la police. C'est un "bon" flic du genre humaniste, pas "sheriff" pour un sou. Il connaît la vie locale, il a grandi et vit toujours à Washington qu'il voit se transformer, repoussant toujours plus loin du centre les plus démunis. Il sait à quel point cette ville est violente, à quelles extrémités cette violence, tant physique que sociale, peut amener n'importe quel quidam. Gus est aussi un bon père, un bon mari, qui tente de garder tout son petit monde dans le droit chemin, à l'abri de cette violent, et au premier chef son fils Diego, adolescent de quatorze ans.
Dan Holiday quant à lui a quitté la grande maison. Il a lâché son rêve en démissionnant après avoir été mis en cause dans une affaire de flics ripoux. Depuis, il a monté une entreprise de sécurité, genre chauffeur de maître et protection associé, loin de ses ambitions premières.
Le meurtre d'un jeune adolescent, découvert à proximité des jardins municipaux, va bientôt réunir à nouveau ces trois protagonistes, chacun pour des raisons différentes, tandis qu'en parallèle, un jeune branleur qui veut se faire une réputation de dur à cuire décide de s'immiscer dans une transaction de dope dont il a eu vent afin de gruger le dealer qu'il croit travailler en solo. Sauf qu'en s'emparant de l'argent, il ne sait pas qu'il vient de voler un gros bonnet…

George Pelecanos ne quitte pas Washington. Il met en scène le quotidien de ses personnages, jouant sur l'accumulation de détails pour ancrer son récit dans une réalité des plus concrètes. On connaît les noms et prénoms de tous ceux qui traversent ce roman, quand bien même ils ne font qu'une apparition ; on sait quels itinéraires ils empruntent, quels bars ils fréquentent, les marques de leurs accessoires vestimentaires, et la musique qu'ils écoutent bien sûr… C'est comme une marque de fabrique chez l'auteur, et c'est ainsi qu'il dresse avec une extrême précision toujours renouvelée le décor réaliste au milieu duquel va se tramer l'intrigue.
Les Jardins de la Mort est un roman à multiples facettes qui ne s'encombre pas de super-héros ou de situations exceptionnelles. Sous divers angles, il s'agit juste d'une caméra braquée sur une ville et ses habitants, miroir d'une frange de la société américaine. Pour autant, il ne s'agit pas d'un ouvrage de sociologie, et on sait déjà la qualité des intrigues, des histoires, que développe l'auteur, son art maîtrisé de la construction. George Pelecanos est aussi et avant tout un formidable conteur. C'est son support, fiable et solide, mais le plus intéressant est ailleurs…

À travers son intrigue, ses personnages, Pelecanos nous montre une ville et ses communautés qui ont évolué. 1985, ce sont les années Reagan, l'avènement du libéralisme outrancier, mais aussi le déferlement du crack – la drogue du pauvre – et les conséquences qui s'en sont suivies, notamment en terme de violence.
Vingt ans plus tard, cette violence ne s'exprime plus de la même manière et pour un peu la ville retrouverait presque un semblant de calme. La ville, peut-être, qui se transforme et accueille dans ses quartier autrefois mal famés de nouveaux habitants issus de la middle-class qui ont besoin de sécurité, mais pas les banlieues plus lointaines vers lesquelles sont repoussés petit à petit les plus démunis.
À travers Gus Ramone et d'autres personnages, Pelecanos montre aussi cette évolution dans les mentalités :

(…) il ne pensait pas que tuer quelqu'un faisait de vous un homme. Ça, c'était la mentalité du ghetto, qui s'apparentait le plus souvent à un tissu d'inepties. Le recours à la violence avait fait le malheur de sa mère et volé la jeunesse de son frère. Il était bien placé pour le savoir. Il n'allait pas en être victime à son tour.

Les pères tentent de tenir leurs fils dans le droit chemin à grand renfort d'exigence. Gus à peur pour l'avenir de Diego. Leur relation est l'occasion d'évoquer la mixité raciale. Gus est d'origine italienne, marié à une femme noire, et leur fils, bien que métis, subit à sa manière le racisme ordinaire, ambiant, inscrit profondément dans les mentalités de cette middle-class citée plus haut et qui affiche pourtant son ouverture d'esprit à grands coups d'autocollants placés à l'arrière de leurs voitures rutilantes :

— Je n'aime pas ce quartier, avait déclaré Regina. Avec tous ces autocollants sur les voitures.
— "Vive la diversité !", embraya Ramone. Sauf évidemment si la "diversité" en question se balade dans votre rue le samedi soir…

Et qui fait d'un jeune noir un délinquant potentiel dans cette société à deux vitesses.

Mais cette exigence, prêtée à Ramone, a aussi ses limites. Poussée à l'extrême, elle peut engendrer autant de dégâts qu'elle cherche à en éviter. Asa, ce jeune adolescent, ami de Diego, en subira toutes les conséquences.

À la fois, il ne s'agit là que d'un des pans du roman, d'une de ses facettes. Restent le personnage de Dan Holiday, son approche du rôle de policier, sa vocation ; tout comme celui du sergent T.C. Cook qui, vingt ans après les faits, cherche toujours le coupable de ces meurtres qu'il n'a jamais élucidé. Cook, Holiday, Ramone ; trois flics, trois visions pour un seul métier.

Les Jardins de la Mort recèle encore bien des surprises que je me garderais bien de vous révéler. George Pelecanos, tout en poursuivant sa quête de "vérité", arrive à renouveler une nouvelle fois son approche, révélant toujours un peu plus les secrets de cette société américaine en mouvement qui, par certains côtés, apparaît bien peu éloignée de la nôtre. Mais s'il décrit les situations les plus sombres, il reste malgré tout chez lui, comme chez ses personnages, cet humanisme, cette absence de manichéisme et cette lueur d'espoir qui résiste à tous les vents mauvais.
Un grand cru !


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Pelecanos… encore Pelecanos…
Chaque nouveau titre vient peaufiner le tableau d'ensemble d'un œuvre maîtresse. Il serait dommage d'en laisser certains à l'écart.

Le début...

Les dix premières lignes...

La scène de crime se trouvait juste après la 30e rue, du côté d'E Street, tout prêt de Fort Dupont Park, dans le quartier de Greenway qui fait partie du 6e district du sud-est de la ville de Washington. On avait retrouvé une fille de quatorze ans dans l'herbe, au bord des jardins communautaires convertis en potagers et invisibles depuis ceux des habitants du coin, qui jouxtaient les bois environnants. Des perles de couleur accrochées aux nattes, elle avait été abattue d'une balle dans la tête. Un quinquagénaire des Homicides avait posé un genou en terre et la contemplait, comme s'il attendait qu'elle se réveille. C'était T.C. Cook, un sergent avec vingt-quatre ans de maison. Il était en train de réfléchir (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

1985, Washington. Un troisième enfant est retrouvé dans un jardin ouvrier, tué d'une balle dans la tête. Le "Tueur au Palindrome" a encore frappé.
Le Sergent T.C. Cook, un Noir réputé pour son taux élevé d'élucidation des meurtres, Gus Ramone, un jeune flic blasé mais droit, et son collègue Dan Holiday, idéaliste accro aux filles et à l' alcool, se lancent dans une enquête qui malheureusement échouera.

2005, Washington. Un jeune ado, Asa, est retrouvé mort dans un jardin, tué d'une balle dans la tête. Le "Tueur au Palindrome" aurait-il à nouveau sévi ?
Pour des raisons différentes, Ramone, Cook et Holiday sont bien décidés à faire la lumière sur cette affaire : Cook entend élucider un des rares meurtres qu'il n'a pu résoudre, Ramone, retrouver l'assassin avant qu'il ne s'en prenne à son fils qui était un ami d' Asa, et Holiday, montrer à ses anciens collègues l'officier de police qu'il fut jadis.
Pendant ce temps-là, un jeune délinquant, Romeo Brock, interfère dans un deal de drogue et dérobe l'argent avant de s'enfuir avec la petite amie du trafiquant…


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

George Pelecanos










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Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

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