Seuil Policiers - Octobre 2005 - Traduction (anglais) : Etienne Menanteau
Tags : Polar social Discrimination Washington Années 1960 Entre 250 et 400 pages
Publié le : 30 novembre 2005
Printemps 1959, le jeune Derek Strange vit son adolescence dans un quartier noir de Washington. C'est un grand gaillard en pleine forme qui découvre la
vie, il court le quartier en compagnie de ses amis et se laisse parfois
entraîner à quelques "conneries" de son âge. Heureusement, sa famille
l'entoure et lui fait sans cesse miroiter devant les yeux les rails qui
le mèneront à la respectabilité ; mais ce n'est pas le cas de tout le
monde...
Parallèlement, à seulement quelques kilomètres, d'autres adolescents grandissent. Ceux-là sont blancs, d'origine italienne, grecque, irlandaise ou juive, vivent leur jeunesse dans les années opulentes de l'après-guerre et noient leur ennui dans la bière et la contemplation des chromes des grosses américaines. Les deux communautés se côtoient difficilement et la ségrégation est
toujours une réalité...
George Pelecanos, à travers la jeunesse de son personnage Derek Strange, nous
propose avec ce roman une mise en perspective de la réalité "raciste"
en vigueur aux États-Unis. Il commence son récit en 1959, soit à
l'époque ou l'idée de la "déségrégation" commence à faire son chemin
dans le pays. La haine entretenue, institutionnalisée, est pourtant une
réalité incontournable. Les populations noires sont alors considérées
comme des sous-hommes ; la protestation gagne ; même les spéculateurs
commencent à s'emparer du "problème"...
Pelecanos décrit le quotidien des deux communautés, la difficulté des relations de l'une à l'autre, la violence qui couve, la montée en puissance des
revendications, la haine "culturelle" : les blancs boivent de la
bière, écoutent du rock et de la country, les noirs fument de la
marijuana, se ravissant sur des airs de rythm and blues ou de soul
music.
Puis le récit bascule en 1968, retrouvant dix ans plus tard les deux groupes de personnages qu'il a choisi de suivre. Les années ont passé, le Vietnam a laissé des traces dans les âmes de ceux qui en sont revenus et la loi promulguant
l'abolition de la ségrégation a été votée.
L'atmosphère avait changé. Les Noirs ne regardaient pas ailleurs quand on essayait de leur faire baisser les yeux. Ils traversaient tout doucement la rue, comme pour vous mettre au défi de les écraser, ou presque. Les jeunes, en particulier, avaient l'air de vous narguer, ça se voyait sur leurs figures. Il était clair qu'ils n'allaient plus se laisser emmerder par les Blancs.
George Pelecanos reprend sa description, entame en parallèle une intrigue qui mêlent tous les protagonistes. Il nous fait surtout vivre en direct la lutte de
résistance passive que tenta de mener Martin Luther King pour le
respect des droits civiques des noirs et qui aboutit à son assassinat
et à des journées d'émeutes à Washington.
L'auteur porte un éclairage extrêmement documenté sur cette période, l'intrigue policière devenant quasiment un prétexte secondaire. Ce roman s'ajoute à ses précédents écrits, il les complète, et ne peut être vraiment
compris que comme la suite de Soul Circus (même s'il le précède dans le temps). Mais l'impression qu'il laisse reste mitigée. Autant le constat qu'il dresse est édifiant, autant il
éclaire, à sa manière si efficace, ce "cancer" qui ronge l'Amérique,
autant son intrigue, trop en retrait, nuit à la puissance qu'on
trouvait dans ses autres écrits.
Ce roman se lit comme un récit historique, sociologique, une mise en perspective d'un fait de société et c'est ce qui fait sa qualité, mais pas vraiment comme un polar ou un roman noir.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Ne lisez pas ce roman sans avoir auparavant terminé Soul Circus, vous passeriez à côté de certains des ressorts de l'intrigue.
On peut rappeler que c'est en 1955 que Rosa Parks
refusait de céder sa place à un homme blanc dans un bus et que son
geste, parmi d'autres, allait aboutir à l'abolition de la ségrégation
en 1964. Elle a longuement combattu pour les droits civiques au côté de
Martin Luther King et est décédée, coïncidence, le 24 octobre 2005,
soient quelques jours seulement après la parution de ce roman en
France.
Les dix premières lignes...
Derek Strange adopta la position sur trois points d'appui, plié en deux, une
main tendue en avant. Il respira régulièrement, comme le lui avait
appris son père, huma les effluves agréables du mois d'avril. Dans
toute la ville, magnolias, cornouillers et cerisiers étaient en fleur.
Leur parfum et l'odeur entêtante d'un buisson de lilas poussant non
loin de là, contre le grillage d'une propriété, embaumaient.
- Tu gardes le dos bien droit, expliqua-t-il, comme si t'allais servir à
manger dessus. Faut pas non plus que tu tendes le cul en l'air. Du
coup, t'es prêt. Tu te lances, tu vois, et tu plonges dans l'ouverture.
Tu fonces (...) !
Quatrième de couverture...
Washington D.C., 1959. Deux jeunes Noirs, Derek et Dennis Strange, grandissent dans une famille qui lutte contre la misère, le racisme et la violence ambiants.
Washington D.C., printemps 68. Dennis, de retour du Vietnam, est sans avenir. Certes plein de bonnes intentions, il n'en prépare pas moins de mauvais coups et se sépare peu à peu de son frère Derek qui veut l'arracher aux griffes d'Alvin Jones, un trafiquant de drogue qui n'hésite pas à tuer.
Car Derek a maintenant réalisé son rêve de devenir flic, son chemin
croisant alors celui de Franck Vaughn, un policier blanc qui enquête
sur la mort d'un jeune Noir. Déjà lourde de conflits latents, cette
situation explose soudain lorsque, trois Blancs se préparant à
dévaliser une banque et un Noir à commettre un meurtre, Martin Luther
King est assassiné à Memphis et la capitale s'embrase.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...