Gallimard / Série Noire - Janvier 1986
Tags : Roman noir Arnaque Quidam France Années 1980 Populaire Moins de 250 pages
Publié le : 26 avril 2008
Nous sommes au milieu des années quatre-vingts, la crise guète, et Armand Lebras, patron d'un entreprise de mécanique de précision dans la région d'Avignon, homme cynique et autoritaire, n'en peut plus de devoir négocier avec les syndicats pour faire la loi dans sa propre maison. Il a décidé de changer de vie et de disparaître avec le magot qu'il a détourné depuis quelques mois des caisses de l'usine à coup d'escroqueries diverses et variées, laissant là l'ensemble du personnel — tous des pouilleux —, sa femme — qui a trop vieilli à son goût —, son fils — qui après tout n'est pas tout à fait le sien. Table rase, il ne laissera rien derrière lui. Pas une miette.
De l'autre côté du Rhône, Skipper est un marin perdu, naufragé à terre qui rêve d'ailleurs lointains. Squattant un bâtiment administratif en attente de réhabilitation, vois destruction, il s'est acoquiné avec Betty — qu'il appelle Virus. Mais l'heure de la rupture a sonné entre les deux tourtereaux marginaux. Après un mois de vie commune, Skipper se fait virer de son gourbi par la belle, aidée en cela par Jean-Baptiste, minable dealer et accessoirement son mac, et sa grosse brute de frère, Pogna.
La rencontre de tout ce petit monde se fera grâce à Marie-Lotte, la secrétaire de Lebras, qui surprend une conversation de son patron et apprend sa fuite programmée. Désœuvrée — elle est aussi la maîtresse de son patron — elle croisera la route de Skipper, gardien de nuit à l'usine, tandis que Betty et sa bande projette, connaissant l'emploi du temps de Skipper et son penchant pour la bouteille, d'y dérober quelques matériels de bureau facile à revendre justement la nuit où Labras organise son envol et récupère les quatre milliards d'anciens francs détournés…
Shanghai Skipper, c'est une partie de flipper. Mais de ces appareils apparus justement au détour des années quatre-vingts et qui proposaient une variante multi-balles, voire multi-niveaux. Ça commence tranquille ; on se renvoie la balle, et puis d'un coup, le grand carambolage, sans qu'on sache vraiment ce qui l'a provoqué. Ça part dans tous les sens, il faut avoir les yeux partout et le cœur bien accroché.
Cette nuit dans l'usine de Lebras, avec Skipper, Betty et sa bande, Marie-Lotte, c'est un peu de ça… Un rythme effréné. Allez savoir quelle boule restera la dernière en piste…
Construit autour de nombreux dialogues, Tito Topin y fait preuve d'un réel talent en la matière et d'un indéniable sens de la formule que ne renierait pas un Michel Audiard. Le personnage de Skipper est savoureux à souhait en marin à quai qui n'est pas sans rappeler le personnage incarné par Belmondo dans Un Singe en Hiver (réalisé par Henri Verneuil sur une adaptation d'un roman d'Antoine Blondin) :
Un naufragé volontaire, voilà ce que je suis. À part que je préfère le whisky au plancton.
Reste que cette nuit de folie, dans toutes les exagérations de sa mise en scène, dresse aussi, en fond, le portrait d'une France en crise dans le milieu des années quatre-vingts où le chômage se fait latent, les patrons de plus en plus cyniques, et Tito Topin plein d'une énergie dévastatrice…
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Pour le scénario catastrophe et l'accumulation de gamelles, de galères, Lilian Bathelot, avec Spécial Dédicace.
Pour les portraits et des dialogues pas piqués des hannetons, Typhon-Gazoline de Jean Vautrin.
À noter que Shanghai Skipper est à l'origine le scénario d'un film de télévision co-écrit avec Jean Andrieu et qui fut diffusé pour la première fois en 1985. Claude Nougaro y tenait le rôle principal.
Les dix premières lignes...
Armand Lebras abaissa une lame du store vénitien et jeta un regard sur les bâtiments gris qui encadraient sur trois côtés la cour intérieure de son usine, le quatrième étant le Rhône qu'on devinait à peine derrière le rideau bruissant des peupliers d'Italie.
Combien de temps ? se demanda-t-il en glissant un rond de fumée entre deux lames du store. Voyons… Les travaux s'étaient terminés un mois avant le Grand Bordel, il s'en souvenait parfaitement. Avril 1968. Le mois suivant son ouverture, la grève générale et l'usine occupée par-dessus le marché. Son usine ! Fumiers, va (…)
Quatrième de couverture...
Dans les veines de Skipper, marin déjanté reconverti veilleur de nuit, c’est l’Orénoque qui coule à flot sur un tempo tumultueux… Pour Arnaud Lebras, PDG ripoux en rupture de ban, les rêves prennent la forme d’un matelas de dollars. Marie-Lotte, elle, sa revanche serait de claquer sa fortune dans des palaces exotiques… Robert l’avorton, lui, se verrait bien calife à la place du calife. Quant à Betty, Pogna et les autres, seules la connerie et la rage animent ces allumés en perdition…
Ainsi va le monde, absurde et tourmenté sauf que…
Sauf que parfois, quand la furia s’en mêle, la vie prend alors des allures shakespeariennes !
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...