Piano Barjo

Tito Topin

Gallimard / Série Noire - Novembre 1983

Tags :  Roman noir Crime organisé Corruption Flic Quidam Afrique du Nord Années 1950 Populaire Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 05 juin 2007

Charles Edmond Lepetit, avocat, est bloqué par un barrage routier sur une petite départementale à la sortie de Rabat. La nuit est noire, mais la lumière des torches des gendarmes révèlent une fuite d'huile qu'ils lui conseillent de réparer au plus vite en faisant un arrêt à Port-Lyautey, la ville de garnison voisine, où malgré l'heure tardive il trouvera sûrement quelqu'un au garage.
L'avocat, qui s'est retrouvé sur cette petite route pour éviter une filature — "un tueur à la solde de Lanucci. Ou un flic. Difficile de les distinguer par les temps qui courent" — arrive cependant à bon port. Cependant, il n'a semé personne. Jacques Missel vient de le voir pénétrer dans ce bar de marins qui affiche Bart Wallens au piano, accompagnant la fameuse Églantine.
Repérant le tueur, et après qu'une bagarre générale ait été déclenchée plus ou moins intentionnellement, l'avocat s'enfuit vers le port en compagnie d'un jeune militaire, Diego. C'est alors que surgit une voiture dont le conducteur abat froidement l'homme de loi.
Diego récupère sur le corps une liasse de billets et un briquet en or et calte vite fait avant l'arrivée de la police...

Tito Topin retrouve avec Piano Barjo le Maroc qui l'a vu naître et grandir. Nous sommes en 1955 — même si l'époque, au début de l'intrigue, n'est pas clairement définie — à quelques mois de la déclaration d'indépendance.
Il met en scène cette période charnière qui marque la fin de l'histoire coloniale de la France dans ce pays. On démarre à Port-Lyautey, ville de garnison, ville de marins, ville de bars, dans laquelle se croisent ceux qui "savent" que le temps est venu de quitter le navire après avoir profité de la richesse de l'endroit. Les temps changent. Dans les rues, les marocains crient « Yahia l' Malik » et attendent fébrilement le retour du sultan Mohammed Ben Youssef, pendant que d'autres s'accrochent encore à leurs privilèges.
Pourtant, il ne s'agit-là que d'une toile de fond, qu'on devine au fur et à mesure de la lecture, mais qui en constitue pourtant la trame principale.

Tito Topin biaise. Pour évoquer ces événements, montrer cette atmosphère de fin de règne, il choisit de mettre en scène le meurtre d'un avocat, mais pas n'importe lequel : Charles Edmond Lepetit "l'avocat des bicots, des terroristes et des communistes". Qui a descendu cet homme-là ? Pourquoi ?
Comme souvent avec cet auteur, les avancées dans l'intrigue se font avec les découvertes successives de nouveaux personnages, nombreux, qui vont tisser, peu à peu, cette fameuse toile de fond.
On rencontrera des truands, un pianiste de bar désœuvré, une chanteuse transsexuelle névrosée, un jeune séducteur voleur, un directeur de casino, on croisera à nouveau l'inspecteur Émile Gonzalès assistant à la passation de pouvoir entre une hiérarchie française et une autre marocaine, mais pas plus respectable l'une que l'autre. On évoquera les traffics, la corruption.
Comme dans 55 de Fièvre, Tito Topin montre deux mondes qui partagent le même sol, mais quasiment rien d'autre. L'un arrive, renaît, tandis que l'autre meurt, s'en va.
Les personnages de Piano Barjo, pour la plupart, subissent cette mutation. Et si dans la rue la liesse est au final au rendez-vous, pour ceux-là, les choses tournent plutôt mal.

— J'ai aimé un pays, dit-il, et tout d'un coup, on me dit que ce n'est plus le mien. Un peu comme si vous êtes marié, et que la femme que vous aimez passionnément vous annonce qu'elle a déjà été mariée avant vous et qu'elle retourne avec son ancien jules... J'aime pas être cocu.
— Ce n'est pas de notre faute si vous êtes cocu... On ne vous avait jamais dit que les Arabes étaient ici avant vous ?
— Je sais bien, mais ne demandez pas à un cocu d'être raisonnable. Pas quand il souffre...


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Ne manquez pas, dans ce qu'on a appelé les romans "marocains" de Tito Topin, 55 de Fièvre, encore plus puissant.
Et si cette période charnière pour l'Afrique du Nord vous attire, laissez vous aller à la lecture de Yasmina Khadra qui évoque, quant à lui, le côté algérien de cette Histoire, comme dans l'excellent La Part du Mort.

Le début...

Les dix premières lignes...

Une bande de mauvais goudron s'accrochait encore à la partie bombée de la route, sur le sommet, mais de chaque côté le revêtement se décroûtait comme de vieilles escarres séchées. Les amortisseurs gémissaient dans les nids-de-poule que le sable n'avait pas remplis. « Saleté de route », grogna l'homme.
La nuit était vraiment noire, sans une étoile dans le ciel, ni rien pour distraire le regard que ces deux phares qui argentaient le bitume devant le museau de la Studebaker (...)


La fin...

Quatrième de couverture...

« Remplis mon verre, Sam », chantait Bart en s'accompagnant au piano. Dans cette minable boîte à matelots au Maroc, s'aventurent un avocat qui n'aura plus l'occasion d'être bavard ; une chanteuse transsexuelle qui déclenche des émeutes ; un bidasse trop séducteur ; un croupier qui en croque et un tas de gens qu'il vaut mieux éviter si on tient à sa peau.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Tito Topin










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