Des Rats et des Hommes

Tito Topin

Rivages / Noir - Mars 2011

Tags :  Roman noir Quidam Paris Années 2010 Littéraire Populaire Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 14 mai 2011

Nous sommes à Paris sous les fenêtres de Kubitschek et tout commence par une incroyable procession rassemblant en un seul cortège toutes les croyances, en un dieu ou pas :

Et d'autres chants brouillons s'élèvent et se chevauchent en queue de cortège, ceux des derviches tourneurs aux longs bonnets rouges et ceux des confréries chrétiennes aux limites de l'extase et aussi les braillements des mormons gris et les pleurs des adventistes du septième jour et les cris farouches des sunnites accompagnés à la darbouka et ceux des pentecôtistes et ceux des bonzes safranés et des shamanistes à clochettes affichant l'effigie dodue du Dalaï-Lama et ceux des bouddhistes anémiés et ceux des animistes boudinés brandissant des totems polychromes et ceux des gnaouas bondissant au rythme des crotales de fer et tous réclament le retour du Seigneur pour mettre fin à leur douleur.

Les gens ont peur et se cherchent un guide, manifestant au milieu des monceaux d'ordures qui encombrent la capitale, immenses. Mais Kubitschek n'est pas de ceux-là :

Ils oublient que depuis que la terre est ronde ceux qui viennent les secourir sont toujours des petits crétins avec des moustaches ridicules qui ne pensent qu'à les baiser.

D'entrée, le ton est donné, dans la continuité du précédent roman de Tito Topin, Parfois je me Sens comme un Enfant sans Mère : l'ambiance est au plus sombre, pessimiste, le regard bien sombre, dans un univers à la limite de l'apocalypse mais pourtant à peine futuriste. Une appréciation pas vraiment enjouée et totalement subjective de l'évolution de notre monde, avec toujours cette nostalgie du temps passé, comme une sorte de refuge face à l'absence de repères. On sent cela au détour des phrases, en creux : « au début du siècle dernier, celui où les guerres avaient encore des vainqueurs. »
Pour autant, il ne s'agit pas vraiment de glorifier ce passé, mais plutôt de l'opposer à l'idée de la déliquescence que défend Tito Topin.

Mais revenons à Kubitschek, personnage central. C'est un vieil homme qui a pris sa retraite à Paris et vit dans un appartement assez luxueux en compagnie de ses deux grands enfants et de la "bonne", Farida. Kubitschek est acariâtre, ne supporte plus rien ni personne, encore moins le monde tal qu'il est devenu. Ses enfants l'exaspèrent et voilà quatre ans que sa chambre d'ami n'a plus été visitée ; ses amis sont soit morts, soit en prison, soit trop vieux pour se déplacer. Précisons que Kubitschek est un ancien trafiquant d'armes qui se serait embourgeoisé…

Le soir de la manifestation, malgré les mouches, les rats qui pullulent, la pourriture et les tas de déchets, d'immondices, qui encombrent les rues, Kubitschek ne renonce pas à sortir pour rejoindre son cercle de jeu privé. Sur le trajet, il vient en aide à une jeune femme albanaise, cachée parmi les ordures, Olga, l'invitant à l'accompagner (Kubitschek est d'un autre âge…) et la présentant comme sa femme.
Mais ce soir-là, le cercle est attaqué par une bande cagoulée. Parmi les agresseurs, Kubitsckek reconnaît une voix, une voix qu'il n'a jamais oublié et lui rappelle un passé douloureux, une trahison, celle des frères Canetti.
La police arrive sur place, personnifiée par le commissaire Boniface, une vieille connaissance et bientôt un arrangement se profile. Kubitschek a été humilié, il doit laver l'affront et propose à Boniface de s'occuper personnellement de Canetti.

Kubitschek relance ses réseaux, mais c'est aux maisons de retraite qu'il est contraint de s'adresser, ou à la descendance de ses anciens complices. Et la traque commence…

S'il se situe dans la continuité du précédent roman de Tito Topin paru chez Rivages, Des Rats et des Hommes est sans doute moins sombre dans son ensemble que Parfois je me Sens comme un Enfant sans Mère même si l'environnement général est similaire. Entendons-nous bien : on est loin de la légèreté, mais sans doute est-ce dû au personnage de Kubitschek ou, plus exactement, à la forme prise par la course-poursuite engagée qui n'est pas sans rappeler les "folies" de ses romans des années quatre-vingt. Là encore, on est dans la continuité, dans la cohérence. La différence, c'est que le temps a passé, que le monde a glissé dans une direction opposée à celle empruntée par le personnage principal, que le décalage s'est accentué.
Les idéaux, s'ils existent encore, ne sont plus les mêmes.
Kubitschek est un parmi les autres. Un dinosaure. Lui aussi, au fond, à sa manière, partage la peur. En restant fidèle à ses engagements, il mènera son dernier combat à l'ancienne : droit dans ses bottes, et avec style.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Dans la série sombre engagée par Tito Topin, il faut lire Parfois je me Sens comme un Enfant sans Mère.

Le début...

Les dix premières lignes...

En tête du cortège, ils évoluent en sarouel vert retenu à la taille par un cordon torsadé de la même couleur, les torse nu, les épaules ondulantes, la tête recouverte d'une cagoule noire zébrée de rouge avec deux fentes en amande pour les yeux et ils se flagellent le dos sur un rythme d'une lenteur tragique. Les fouets ont une douzaine de queues, le manche est en couilles de taureau séchées et tressées, le cuir est parsemé de clous. À chaque coup de lanière la chair se lacère, elle se boursoufle, elle éclate, l'air n'est que sang pulvérisé. Ils marmonnent des chants d'esclaves dans une langue inconnue, la litanie est pauvre, gutturale, scandée à l'infini, il y est question de Dieu et il est dit qu'il est grand (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

« Tu sais quoi, Kubitschek ? T'as beau porter le smoking pour faire croire que t'appartiens au beau monde, t'es qu'un rat. Ches les rats, il y a ceux qu'ont les yeux noirs, et il y a ceux qu'ont les yeux rouges et ils ont beau être de la même race, ils ont des comptes à régler entre eux… Et toi, t'es pareil. Tu veux faire la guerre à un autre rat et vous allez vous battre à mort partout, dans les égouts, dans les ordures, dans le moindre trou de cette putain de ville qu'est devenue une immense décharge, vous allez vous entre-tuer et il n'y aura aucun survivant, ni dans le camp des perdants, ni dans le camp des gagnants. »


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Tito Topin










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