Photo Finish

Tito Topin

Rivages / Noir - Mai 2008

Tags :  Roman noir Polamour Quidam Afrique du Nord Années 1950 Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 14 juin 2008

Recommandé Valentine et Christian, qu'on imagine comme un vieux couple complice, sont dans un avion qui va bientôt atterrir à Casablanca. La dernière fois que ces deux-là ont foulé la terre marocaine, c'était il y a quarante ans, au moment de l'indépendance. Quarante ans sans jamais savoir vraiment ce qui était arrivé à l'époque à leur ami André Delpierre et comment il est mort. Ensemble, à la demande expresse de Valentine, ils vont tenter de reconstituer les souvenirs…

— Qu'est-ce que tu espères apprendre des circonstances de sa mort ? dit Chritian.
— Tout. Je en sais rien.
— Pendant quarante ans nous n'avons jamais prononcé le nom d'André, pendant quarante ans tu t'es efforcée d'oublier pour survivre, ou pour vivre tout simplement, alors pourquoi maintenant ? Tout à coup ?
— Parce que je ne risque plus rien, je crois.
— Tu risques de te détruire.
Elle éclata de rire.
— C'est déjà fait, tu le sais bien, Christian. Je suis comme cette femme qui arrête de fumer très tôt parce que son docteur lui prédit un cancer dans les mois qui viennent et qui, à la fin de sa vie, quand le cancer est là pour de bon, rallume une clope.

Avec Photo Finish, Tito Topin revient une nouvelle fois que les terres marocaines qui l'ont vu naître et sur l'histoire récente de ce pays qui, en 1956, accédait à l'indépendance. Attention, il ne s'agit pas là d'un roman historique, mais bien plutôt, comme avec 55 de Fièvre, de "petites" histoires qui viennent s'inscrire dans la grande.
Tito Topin nous ramène fin septembre 1955. L'indépendance, inévitable, approche, et avec elle s'organise le départ des colons et en particulier de toute la jeunesse qui en fait partie. C'est là qu'on retrouve Valentine, Christian, mais aussi André et quelques autres.
À travers des allers et retours répétés entre 1955 et aujourd'hui, Tito Topin éclaire le passé ; les souvenirs se font vivants. Par son style, son écriture, sa simplicité apparente, sa limpidité, son efficacité, il nous absorbe, nous immerge dans ces (ses ?) souvenirs.

Ici, pas d'intrigue policière. On sait juste qu'André est mort, subitement, et que quarante ans plus tard, Valentine, qui l'a profondément aimé, ne veut pas croire au suicide.
Fidèle à sa méthode qui assemble de nombreuses scènes (ou saynètes) indépendantes, Tito Topin dresse le portrait en creux de cette jeunesse des années cinquante qui allait vivre la décolonisation après avoir espéré un avenir radieux et nonchalant. Panique à bord… Certains "rats" tentent de s'accrocher au navire qui coule.
André est de ceux dont la conscience politique le pousse à accepter, à vouloir, l'indépendance du Maroc, au point qu'il semble bien qu'il se soit engagé, physiquement et intellectuellement, dans ce combat, quand d'autres n'envisageaient que la perte de leurs propres privilèges.

Tel est le contexte de ce roman, mais je l'ai déjà souligné, Photo Finish n'est pas un roman historique. C'est aussi une histoire d'amour fougueuse — celle de Valentine, d'André, de Christian — un regard nostalgique sur le passé, le temps qui file, tout en émotion et en pudeur, un regard sur la jeunesse et ses espoirs.
Photo Finish, le titre choisi, fait référence aux polaroïds que prend régulièrement Valentine au cours de son voyage marocain, mais ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler à quel point ce détail a son importance. Pour cela, il vous faudra aller au bout de ce magnifique roman, et en sortir avec, je l'espère, cet étrange mélange de plaisir et de frustration que l'on ressent à l'issue de certaine lecture. Plaisir d'y avoir plongé, de s'y être laissé aller ; frustration de devoir déjà la quitter.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Les autres romans de la période dite "marocaine" de Tito Topin, plus anciens, comme Piano Barjo ou plus encore 55 de Fièvre qui, écrit vingt ans plus tôt, évoque la même période historique.

Le début...

Les dix premières lignes...

— On l'aimait tant, dit Valentine à mi-voix en tournant la tête vers le hublot.
L'avion amorça sa descente. In différente aux secousses, l'hôtesse de l'air passait dans la rangée pour vérifier les ceintures des passagers.
Christian se pinça le nez et souffla pour se déboucher les oreilles, sans résultat.
— Il ne voulait pas devenir une grande personne dit-il.
— Personne à l'âge que nous avions n'avait envie de devenir adulte, répondit Valentine (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Valentine et Christian atterrissent à Casablanca où ils n’avaient pas remis les pieds depuis quarante ans. Ils veulent retrouver la trace d’André, un homme qui a beaucoup compté dans leur vie. S’est-il vraiment donné la mort comme on l’a pensé à l’époque ? C’est ce mystère que vont tenter de résoudre Valentine et Christian. En retournant sur les lieux de leur jeunesse. En renouant avec d’anciennes connaissances. En prenant des photos.
Peu à peu se dessine en creux le portrait d’André, mais plus les souvenirs affluent, plus cet homme apparaît insaisissable et porteur de lourds secrets.
Voyage nostalgique dans le Maroc à la veille de l’indépendance, roman noir sur la mémoire, Photo Finish est tout cela. Mais surtout, ce livre nous parle avec pudeur et émotion du crime commis par une société qui n’a pu éviter le naufrage de sa jeunesse.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Tito Topin










Edition(s)...

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Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

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