Cool, Bentch !

Tito Topin

Fayard - Février 2008

Tags :  Roman noir Polar urbain Flic Paris Années 2000 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 29 avril 2008

C'est jour de manif autour des Invalides et les casseurs s'en donnent à cœur joie dans un déferlement de violence. Bentch est en place avec son co-équipier Grangier, celui qu'il a longtemps tenu pour responsable de la mort d'un autre "binôme" et qui lui a valu de se faire surnommer "le Déserteur" ; celui qui aujourd'hui veut épouser sa sœur, Rachel, même si cette dernière ne veut plus rien entendre de ce projet depuis qu'elle a surpris un coup de téléphone équivoque entre son futur époux et une femme qu'il appelait "chérie".
Leur mission consiste à infiltrer les bandes de casseurs. Ils se fondent dans la foule vociférantes et, à l'occasion d'une charge de CRS qui éparpillent les rangs des manifestants, Bentch assiste impuissant à la mort d'un homme qui s'écroule à terre, tué par balle. Grangier, de son côté, a disparu.

Bentch est toujours flic, toujours en poste à Paris, toujours juif et entouré de ses familles.
Cool, Bentch ! vient clore la trilogie consacrée par Tito Topin au commissaire Jacques Benchimoun et entamée avec Bentch et Cie. On y retrouve le schéma récurrent mis en place dans les précédents épisodes et qui consiste, après une brève présentation de l'intrigue policière qui sera développée dans la seconde partie du roman, à s'attacher plus précisément au personnage principal de la série et à ses familles.
Bentch a en effet deux familles. La première, de sang, juive séfarade (ne confondez surtout pas avec les ashkénazes !), comprend son père, Albert, patriarche qui observe le temps passer et ses valeurs s'envoler aux vents mauvais ; sa belle-mère Dora qui tente paisiblement de recoller les morceaux ; sa sœur, Rachel, farouchement indépendante et naturiste ; son frère Élie-David, homosexuel ; et quelques autres… Un ensemble qui donne lieu à quelques repas de famille croquignolets qui cernent les liens étroits qui unissent ceux-là et où l'auteur peut faire jouer son humour :

— Qu'est-ce que je vais dire à mes amis quand ils vont me demander : « Et Rachel, ta grande fille, si belle, comment elle va ? Qu'est-ce qu'elle devient ? » Je vais leur dire : Ma Rachel, les yeux de mes yeux, elle va bien, elle a trouvé une bonne place, elle s'occupe de tous ces antisémites qui descendent de l'Aurope du Nord pour se foutre à poil chez nous, et en plus, elle est bien payée, elle a un contrat, elle mange à la cantine du camp même si c'est pas casher et elle a pas de frais de vêtement, ça veut dire qu'elle fait aussi des économies de lessive. Qu'est-ce qu'ils vont dire, mes amis ? Ils vont se lamenter en disant, ce pauvre Albert, qu'est-ce qu'il a fait de mal pour avoir un fils avec des cheveux jaunes citron et une fille impudique, et ils vont faire une prière pour pas que je meure.

En face, la famille professionnelle, celle du commissariat, celle du quotidien d'un homme qui a un boulot, et où se tissent, là encore, des liens d'amitié ou d'inimitié, d'affection, où s'entretiennent les rapports humains. Qu'il s'agisse du divisionnaire Saintandré et de ses problèmes avec son fils, du brigadier Marouelle, de la lieutenant Marie-Justine de Fleury d'Amale, tous ont une vie propre, personnelle, en dehors de l'intrigue, avec bien sûr le rôle prépondérant de Grangier qui, en souhaitant épouser Rachel, la sœur de Bentch, établit le lien (encore !) entre ces deux familles.

Tito Topin, multiplie les scènes, de courts chapitres où la vie prend le pas sur l'enquête et où le cadavre de la manif du début prend son temps pour réapparaître. Les vivants intéressent plus Tito Topin que les morts, même s'il porte sur eux un regard bien sombre :

Un flic est un flic. Il fait un sale boulot. Il fouille les poubelles, il analyse la crotte d'un chien pour retrouver l'ADN de son maître, il renifle le cul du monde, et le pire, c'est qu'il ne le trouve pas, le monde n'a ni cœur ni cul, c'est le néant, le néant absolu, le vide total.

Bon Dieu, qu'est-ce qui était en train de changer sous ses semelles, à Paris comme ailleurs ? Ces jeunes sont violents mais n'ont aucune raison de l'être, ils sont moins pauvres que ne l'ont été les immigrés polonais, italiens ou espagnols en d'autres temps. Ils ont des portables, des iPod, du rap plein les oreilles et la télé allumée en permanence chez eux mais ils ne savent pas se tenir à table, s'asseoir sans se vautrer, dire une phrase sans des putain nique merde bouffon ch't'encule, c'est la génération du crack et de la bière chaude promise à toutes les misères, intellectuelles, sexuelles, financières. Quinze, seize ans et rien appris. Des QI de homard après cuisson.

Le regard noir, la rage au cœur, Bentch revient à son métier dans la seconde partie du roman. L'intrigue est là, construite. Ce qui n'était qu'un filigrane passe au premier plan. Le cadavre qu'on pensait être celui d'un SDF révèle une autre identité ; une journaliste biélorusse est abattue ; Grangier disparaît ; les services spéciaux sont sur le coup… et tout le monde sur les dents.
Reste que Tito Topin a cette particularité en matière de construction, de narration, qui consiste à procéder par juxtaposition de scènes qui, tout en s'enchaînant et en respectant une certaine chronologie, n'ont pas forcément de rapport les unes avec les autres. Sorties de leur contexte, elles constituent chacune une "petite" histoire indépendante.
Sans parler de narration éclatée, la cohérence naît en arrière-plan de cette juxtaposition. Une alchimie qui fait qu'en s'approchant au plus près à ses personnages, en s'attachant aux interactions, Tito Topin dresse un portrait, affiche une vision de notre société très pessimiste. De même, ce troisième volet, plus sombre que les précédents, apporte à la trilogie Bentch une cohérence, une touche finale qui jusque-là lui manquait. Sans s'imposer forcément, on peut cependant envisager une relecture d'ensemble.
Tito Topin n'a pas perdu la main.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Voilà plus de vingt-cinq ans que Tito Topin publie des polars, avec une "pause" littéraire qui l'a fait longtemps écrire pour la télévision (les aventures de Navarro).
La (re)lecture de "l'avant" et de "l'après" apporte un éclairage sur l'évolution de l'auteur et de son univers qui, s'il conserve quelques éléments récurrents, révèle aussi des différences notables. L'énergie habite ses écrits des années quatre-vingts (Shanghai Skipper vient à ce titre d'être réédité chez Jigal), tandis que ce sont le pessimisme et le côté noir qu'on retrouvent prépondérants dans ceux d'aujourd'hui.

Le début...

Les dix premières lignes...

Tout est gris, d'un gris cendre, sans nuance, sans nuage, et soudain une voiture prend feu, illuminant un court instant le dôme doré des Invalides. Le panache épais de fumée noire n'a pas le temps de s'absorber dans la grisaille qu'une nouvelle explosion, plus proche, plus forte, projette un souffle brûlant sur les visages si jeunes des manifestants. Bentch se hausse sur la pointe des pieds, il cherche Grangier du regard et ne le voit plus à ses côtés, il a disparu quelque part, englouti dans la masse (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Avec ce nouvel opus, le doute qui plane sur les deux premiers volets de la trilogie de Bentch se dissipe enfin. Depuis Bentch et Cie, le comportement du lieutenant Grangier, dit le Déserteur, semblait suspect, malgré son rachat, et voilà qu'il s'apprête à quitter la propre sœur de Bentch. Surtout, un autre meurtre est commis…
Ce volume, crépusculaire, invite à une relecture passionnante, comme décodée, des deux précédents. Après Bentch Blues, Cool, Bentch ! vient clore avec suspense et mystère une série policière dans la plus grande tradition, désespérée et pleine d'humour.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Tito Topin










Edition(s)...

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Réédition

Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

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