Jigal Polar - Octobre 2007
Tags : Polar politique Polar social Discrimination Quidam Marseille Années 2000 Moins de 250 pages
Publié le : 22 novembre 2007
Un clodo qui vient quémander dans un wagon de métro crée toujours un malaise. Chacun se cache derrière son journal ou vise le bout de ses chaussures. Christian le sait bien lorsqu'il lance son "Bonjour Messieurs Dames". Sauf que ce jour-là, le malaise est tel que la foule anonyme va le pousser sous les rails.
Il faut dire que ce début décembre voit se développer à Marseille une espèce d'épidémie qui sévit essentiellement chez les plus démunis, SDF et autres RMIstes, une épidémie qui fait des ravages et entraîne une défiance exacerbée de la part du reste de la population.
Clovis Narigou, lui, s'est retiré du monde. Il retape un mur dans sa ferme, loin des emmerdements. Pourtant, lors de son passage au Beau Bar (son "camp de base"), il apprend qu'une certaine Laura a demandé après lui. Laura, un amour de jeunesse perdu de vue depuis trente ans et aujourd'hui à la rue, SDF :
— Fallait que je te voie, Clo, c'est vachement important. Le monde devient dingo… Cette ville va exploser !
Le titre de ce douzième roman de Maurice Gouiran est assez explicite, et l'on sait d'emblée quel sera le fond du récit. Marseille est aux prises avec une épidémie de grippe particulièrement virulente qui s'attaque essentiellement aux plus faibles ; pauvres gens au sens large. Ceux qui vivent dans la rue sont les premiers touchés.
Rapidement, il apparaît que la situation est grave, les morts se multiplient. Pourtant, les autorités, tant sanitaires que politiques, tardent à réagir, et le fait que le mal ne touche qu'une certaine tranche de la population n'est pas étranger à cette inertie. Mais la peur est là, la vieille peur, et certains, comme l'extrême droite locale, n'hésitent pas à jouer avec et à dresser les uns contre les autres. Mais il n'y a pas que la grippe qui fait mourir les vagabonds…
Maurice Gouiran construit une intrigue à progression lente. Il prend le temps de montrer la situation faite aux plus démunis du côté de Marseille (ou d'ailleurs). On visitera les foyers d'hébergement délabrés ; on suivra des gamins vivant dans les rues ; on verra le sort réservé aux travailleurs clandestins… La précarité dans toute sa splendeur… Et lorsque le virus de la grippe espagnole vient s'en mêler, c'est la catastrophe.
Maurice Gouiran insiste longuement sur l'incurie des pouvoirs publics qui rappelle celle de l'été 2003 face à une canicule mortelle. Mais à Marseille, une particularité veut que les quartiers les plus pauvres soient au centre de la ville, là où beaucoup ont des idées de luxe et de grandeur, des idées en forme d'immeubles rutilants. Cette épidémie est une aubaine pour tous ces spéculateurs. De là à penser au complot…
Si le sujet est grave, Maurice Gouiran, accompagné de son fidèle Clovis Narigou, journaliste reconverti en éleveur de chèvres, met en avant le malaise que crée la présence des "pauvres" autour de nous. Ceux qu'on voudrait ne pas voir, qui nous renvoient à une forme de culpabilité, qui nous font détourner le regard. Clovis enquête, cherche, mais on a l'impression qu'il y a comme une retenue, voire une certaine nonchalance, comme un manque de conviction. On l'a connu plus acharné. Clovis est comme tout le monde : quelque part, la pauvreté le dérange.
Le dénouement sera, certes, plus "engagé", mais l'impression demeure. Incertaine. S'agit-il pour l'auteur de renforcer ce sentiment de malaise évoqué dans les premiers chapitres ?
Côté écriture, Maurice Gouiran a cette manière d'avancer dans l'intrigue par boucles successives qui s'entremêlent, se chevauchent dans le temps. Il use et abuse parfois du procédé, même s'il est maîtrisé, tout comme de cette habitude de dialoguer avec un lecteur qu'il "sait" fidèle, cherchant parfois une connivence un peu forcée.
Reste que l'homme a des choses à dire, à montrer, et que sa sincérité ne saurait être ici mise en cause. Sa colère est intacte, elle s'est néanmoins exprimée par le passé avec plus de sagacité.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Putain de Pauvres ! est nominé pour le Prix Intramuros 2008. Quant au précédent roman de Maurice Gouiran, Train Bleu Train Noir (à lire absolument), il vient lui d'être pressenti pour le Prix Inter CE.
Les dix premières lignes...
Jeudi 7 décembre, dans le métro, station Colbert
Dix heures moins dix…
Arrêt de la rame. Les portes coulissent.
Il entre, dégingandé, l’air perdu. Quel âge peut-il bien avoir ? Difficile à dire, le rue et le froid vieillissent prématurément lorsqu’on les fréquente avec trop d’assiduité. Bon, on lui donne entre vingt et cinquante berges, mais après tout, on s’en fout…
Il reste debout près de la porte.
On s’écarte un peu, pour éviter son contact.
On sent qu’il va parler, à la cantonade (…)
Quatrième de couverture...
Quand Laura, un amour de jeunesse devenu SDF, est venue lui parler de cette « peste des pauvres » qui semblait s’attaquer aux quartiers Nord de la ville, Clovis Narigou n’a pas immédiatement réagi. Les pauvres ? Y en a partout, on ne les regarde même plus !
Mais quand, quelques jours plus tard, les politicards de tous bords montent au créneau pour démentir cette alarmante rumeur, Clovis se dit qu’il est peut-être temps d’enquêter ! Les pauvres et les sans-abri tombent en effet comme des mouches, décimés par une épidémie foudroyante…
Le maire Bellérophon Espingole a beau s’égosiller pour minimiser cette étrange affaire, toute la ville est en ébullition…
Quarantaine déclarée, routes fermées, état d’alerte sanitaire maximum… Marseille coupée du monde !
La tension est à son comble, le peuple gronde, les politiciens se déchaînent, les pauvres trinquent. Mais à qui profite donc le crime ?
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...