Franco est Mort Jeudi

Maurice Gouiran

Jigal Polar - Octobre 2010

Tags :  Roman d'enquête Roman historique Quidam Espagne Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 24 octobre 2010

Manu, quinquagénaire marseillais est sorti de prison il y a peu et en garde quelques séquelles, comme des cauchemars. Mais il n'y a pas que ses nuits qui sont agitées ; son fils Patrice file un mauvais coton sur la voie de la délinquance, et puis il y a ce courrier, d'une certaine Paola Tarrades, inconnue, reçu de Madrid…

En Espagne, se déroule au même moment une campagne d'exhumation des corps des charniers de la guerre civile. Paola, journaliste de télévision, couvre l'événement. Toutes les familles espagnoles ont des souvenirs enfouis sous les décombres de la guerre. Beaucoup ont vu leurs membres, des frères, des cousins, des pères et des fils, se déchirer entre républicains et franquistes, entre rojos et phalangistes.
Paola s'ouvre de ses recherches à sa mère et lorsque les explorations se portent sur le village de Carranza, c'est tout un passé qui resurgit chez cette dernière.
Elle charge alors sa fille de retrouver Elisa, une cousine réfugiée en France dont on dit que le père fut tué à Carranza. Elisa, la mère de Manu… aujourd'hui décédée et qui n'a jamais rien dit de son passé, ni à son mari, ni à son fils…

On le sait, Maurice Gouiran a la particularité de souvent mêler ses intrigues policières à un contexte historique. La plupart du temps, il s'agit de l'Histoire méditerranéenne, celle du sud. Mais bizarrement (dans le sens où l'on devine aisément à la lire la couleur de ses engagements), il n'avait encore jamais abordé le thème de la guerre d'Espagne dans ses romans ; c'est désormais chose faite avec Franco est Mort Jeudi.
À travers l'histoire de Manu — que lui-même ignore totalement lorsque s'ouvre le récit — Maurice Gouiran revient sur un événement majeur du XXème siècle qui, avant que ne se déclenche la seconde guerre mondiale, a secoué l'Espagne, l'a meurtrie. Soixante-dix ans après les faits, trente ans après la mort du dictateur Franco, le pays se divise toujours lorsque s'entame une tentative de reconnaissance des crimes franquistes, lorsque le gouvernement subventionne des recherches dans les charniers découverts.

Clovis Narigou, personnage central de l'œuvre de Maurice Gouiran, apparaît ici comme celui qui va révéler son passé (ou celui des siens) à Manu. Un passé qui tend vers l'oubli, soit que les protagonistes finissent par disparaître, soit qu'ils taisent leurs souvenirs.
Car il s'agit d'une guerre civile… Le frère d'hier devient l'ennemi. La fracture se fait irréversible.
Et l'on revisite le passé, les batailles. Les divisions aussi qui minent le camp des républicains, entre les communistes, les trotskistes du Poum, les anarchistes, et qui sans doute les menèrent à la défaite (Maurice Gouiran évoque notamment les trahisons des communistes russes staliniens, et le mot est faible…). On découvre les horreurs de la Retirada, cette longue marche qui mena les vaincus vers la France, avant qu'ils n'échouent dans un camp dressé sur la plage d'Argeles, au milieu du vent, du froid et de la honte. On apprend la vie de réfugié, comment reconstruire, comment continuer à croire à l'avenir loin de sa terre natale.
Maurice Gouiran maîtrise son sujet, aidé d'une large documentation qu'il a su digérer et ne s'attache pas qu'aux années de guerre. Car si en 1975 Franco est mort, c'est aussitôt l'oubli, le silence, qui se sont installés, niant quarante années de dictature, laissant en place dans tous les rouages du pouvoir les élites franquistes. Et si aujourd'hui l'Espagne est une démocratie, nombreux sont encore en son sein ceux qui restent déterminés à ne pas lever le voile sur un sombre passé, allant même jusqu'à vouloir la résurgence des idées du Caudillo.

Le roman de Maurice Gouiran recèle encore quelques surprises d'importance que je tairai ici, mais ceux qui le connaissent savent qu'il aime dénicher les "détails" oubliés de l'Histoire, souvent les pires.
Avant que le temps n'efface les derniers témoins vivants de cette lutte fratricide et idéologique, voici la pierre portée par un auteur engagé à l'édification et la perpétuation du souvenir, sûrement, et peut-être aussi d'une part de la vérité.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

À propos de la guerre d'Espagne, qui a inspiré de nombreux auteurs, on peut lire le très réussi Guernica, de Carlos Lucarelli.

Le début...

Les dix premières lignes...

Vendredi 9 octobre, Marseille
C'est la pression de la main de Clark sur son épaule qui réveilla Manu. Clark, qui dormait sur la couchette supérieure, en était descendu en silence, sournoisement, comme une bête fauve, pour l'extirper brutalement de son lit.
— Oh ! Ça va pas ?
— Ta gueule, connard !
Clark mesurait bien quinze centimètres de plus que lui et accusait son quintal et demi sur la balance. Un quintal et demi de muscles, sans une once de lard. Le bougre passait de longues heures dans la salle de sport à entretenir son corps. « En taule, c'est ce qu'on a de mieux à faire », avait-il un jour avoué à Manu, en grimaçant un sale sourire (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Le 20 novembre 1975, Franco meurt au petit matin à Madrid. Lorsqu’Élisa, réfugiée espagnole, apprend la nouvelle à la Manufacture des Tabacs de la Belle de Mai, c’est son passé, tragique et douloureux, qui ressurgit brutalement.
L’été 1936 à Madrid, l’hiver 1938 à Barcelone, la Retirada — cette longue cohorte de désespérés, cette horde de vaincus, de malades, de blessés fuyant l’Espagne et parqués sur la plage glaciale d’Argelès — la mystérieuse disparition de Ramon, son père, alors officier dans l’Armée Populaire Républicaine… Une foule d’images et de vieux fantômes submergent alors ses jours et ses nuits…
35 ans plus tard, Élisa n’est plus et l’Espagne met fébrilement à jour les charniers du Franquisme. C’est Manu, son fils, un looser, un peu voyou, un peu paumé, qui, en recevant d’Espagne une lettre destinée à sa mère, va permettre à ce terrible passé de remonter à la surface. Mais Manu n’aurait sans doute pas été bien loin si sa route n’avait croisé celle de Clovis Narigou…
Clovis, qui de Marseille à Madrid démêle l’écheveau et tente de percer les mystères entourant la famille espagnole de Manu. Clovis qui enquête, pare les coups et pénètre le Barcelone de la grande époque, celui de Dali et de Picasso… Clovis qui découvre, ahuri, le camp de Karaganda et les horreurs de la guerre civile…


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Maurice Gouiran










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