Jigal Polar - Avril 2007
Tags : Roman historique Polar politique Road Polar Vengeance Psychologie Quidam Années 1990 Moins de 250 pages
Publié le : 02 mai 2007
1993. Un train sur les rails avec à son bord Robert, dit Bert, en compagnie de quelques amis et d’une foule de supporters heureux et bruyants qui s’en vont défier avec leur équipe les joueurs de Milan pour la finale de la coupe d’Europe de football qui se déroule à Munich. Bert, quatre-vingts piges, plus rien à perdre, plus rien à gagner, et une seule idée en tête : tuer un homme. Une obsession : y parvenir.
1943. Les mêmes rails, cinquante ans plus tôt, qui filent de Marseille vers le nord. Entassés dans des wagons à bestiaux, les victimes d’une rafle. Robert est là, déjà, séparé de sa femme Lisa, de sa fille Béa. Miche est là aussi, avec sa mère Olga...
Maurice Gouiran délaisse ici son journaliste baroudeur, Clovis Narigou, mais on n’est toujours à Marseille et le Beau-Bar fait toujours partie du paysage. Le fond du décor reste le même.
Par une construction méticuleuse, savamment orchestrée, comme une sorte de triple alternance qui se double dans le temps — on suit trois personnages qui s’expriment tout à tour dans deux époques différentes — Maurice Gouiran va nous narrer un épisode de la vie marseillaise qui s’est déroulé durant le seconde guerre mondiale, au lendemain de l’occupation par les allemands de la France dite "libre".
Dans la nuit du 22 au 23 janvier 1943, la police française (comme pour le Vél’ d’Hiv’) organise la plus grande rafle qu’ait connue la ville. Il est question de nettoyer le quartier du Vieux-Port, réputé pour être le plus mal famé et un véritable repaire de brigands. À l’issue d’une première vague d’arrestation qui aboutira à la déportation de 1642 personnes, pour une trentaine de voyous arrêtés, c’est tout le quartier qui est finalement déplacé — vingt mille habitants — puis détruit.
Karl Oberg (le chef des SS et de la police en France) avait affirmé, quelques jours auparavent : « Marseille est une porcherie, une porcherie française, où il n’y a aucune raison de mettre en danger des Allemands ». C’était donc aux Français de curer leur porcherie... Les opérations de "purification" se poursuivirent toute la journée du samedi.
Maurice Gouiran revient en détail sur le contexte historique, de manière très documentée, et montre les intérêts en jeu ; pas forcément ceux que l’on croit. L’immobilier bat aussi son plein à Marseille ; aujourd’hui comme hier.
Mais Train Noir Train Bleu n’est pas un polar historique, pas seulement. C’est aussi une "aventure" humaine, des "aventures" humaines que retrace l’auteur avec une grande pudeur. Bert, Jo, Miche, ces trois-là ont vécu, à leur manière, ce douloureux moment et cinquante ans plus tard un télescopage inattendu leur offre une vengeance. Ils la vivront ensemble, entouré d’une foule, braillarde cette fois, qui file, elle aussi, vers l’Allemagne, mais avec l’espoir de la victoire. Ils la vivront ensemble et chacun à leur rythme, dans la solitude de leurs souvenirs communs.
Je ne vous dirai rien du final, bien entendu, mais sachez seulement qu’il est à la hauteur de ce magnifique roman que nous offre Maurice Gouiran du haut de ses convictions et de ses engagements. Bravo, et merci.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Maurice Gouiran confirme avec ce roman tout le talent qui est le sien. N'hésitez pas à vous pencher sur cet auteur qui, tout en délicatesse, trace son chemin et laisse derrière lui un vrai sillon dans la littérature noire francophone.
Train Bleu Train Noir est d'ores et déjà pré-sélectionné pour le Prix Polar 2007.
Les dix premières lignes...
Train bleu, mardi 25 mai 1993
Le long train bleu ondulait dans le soir orangé du printemps de Provence.
Le convoi s’insinuait en souplesse dans les champs verdissant qu’ensanglantaient ici et là des traînées de coquelicots. Les fruitiers arboraient fièrement leurs branches abondamment fleuries et parfumées tandis que les peupliers craintifs osaient un feuillage d’une blonde verdeur.
On s’affairait autour des habitations, dans les champs et les vergers (...)
Quatrième de couverture...
1943… 1993 À cinquante ans d’intervalle, deux trains quittent Marseille et font route vers le nord.
1993. Un train bleu, bouillonnant de cris, de rires et de chants, emmène un millier de supporters marseillais vers Munich où leur club sera sacré champion d’Europe.
1943. Un long train noir, pétrifié par la torpeur et l’angoisse, achemine plus de mille six cents habitants des vieux quartiers de Marseille au camp de Compiègne. Puis pour la plupart, ce sera ensuite Drancy et le camp d’extermination de Sobibor.
1943 Bert, Miche et Jo font partie du sinistre convoi et l’ombre du long train noir va les hanter toute leur vie.
1993 Bert, Miche et Jo sont à nouveau du voyage, mais le foot semble aujourd’hui assez loin de leurs préoccupations… Et ces trois P38 planqués dans le wagon font-ils vraiment partie de la panoplie du parfait supporter de l’OM ?
Que cherchent-ils ?
Derrière le mystère de ces trois honorables papys, surgissent les ombres du passé et une terrible interrogation qui plane sur les raisons de la destruction des vieux quartiers en 1943. Nettoyage des bas-fonds autour du Vieux-Port ou juteuse opération immobilière, l’histoire officielle a parfois bon dos !
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...