Rivages / Noir - Octobre 2012 - Traduction (anglais) : Jean-Paul Gratias
Tags : Roman noir Psychologie Criminel Etats Unis Années 1950 Littéraire Entre 250 et 400 pages
Publié le : 27 janvier 2013
Traduit une première fois pour la Série Noire en 1966 par France-Marie Watkins sous le titre Le Démon dans ma Peau, The Killer Inside Me, le chef-d'oeuvre incontesté de Jim Thompson, fait peau neuve et retrouve son éclat originel grâce aux bons soins combinés des éditions Rivages et de Jean-Paul Gratias, à qui a été confiée cette nouvelle traduction.
Chacun sait qu'autour des années cinquante et soixante, la Série Noire de Marcel Duhamel s'est octroyée quelques libertés avec les textes qu'elle publiait, ajoutant par-ci par-là, lors de la traduction, des touches d'argot qui apportaient une couleur homogène à la collection, coupant par ailleurs quelques chapitres jugés trop longs, afin de se conformer aux deux cent cinquante pages maxi "obligatoires".
C'est ainsi que le texte de Jim Thompson, passée par la moulinette Gallimard, parut pour la première fois en France. Comparez donc les dix premières lignes, vous pourrez juger par vous-mêmes :
J'avais finis ma tarte et j'en étais à mon deuxième café quand je l'ai repéré. Le train de marchandise était arrivé quelques minutes auparavant, c'est-à-dire à minuit, comme d'habitude. Planté tout au bord de la vitrine du bistrot, côté gare, le gars lorgnait dans la salle, la main en visière pour se protéger les yeux que la lumière faisait clignoter. Il a vu que je le guettais et son visage s'est aussitôt replongé dans l'ombre. Mais je savais qu'il était toujours là. Je me doutais bien qu'il attendait. Les cloches me prennent toujours pour un cave facile à couillonner (…)
Je n'avais jamais lu la première traduction, mais lorsque le bruit a couru que Rivages allait reprendre l'ouvrage et que le boulot serait confié à Jean-Paul Gratias, j'ai attendu impatiemment la parution pour pouvoir m'y plonger ; d'autant qu'entre temps, le roman avait été adapté avec succès au cinéma par Michael Winterbottom. Résultat : L'Assassin qui est en moi est bel et bien un chef-d'œuvre…
Écrit à la première personne, le roman est le récit de la folie d'un homme, Lou Ford, adjoint du shérif. Une plongée glaçante dans sa schizophrénie. Une noire, froide et violente compagnie.
Nous sommes au cœur de l'Amérique profonde, au milieu du Texas dans les années cinquante. Lou est un homme affable, serviable, qui fait son boulot de shérif du mieux qu'il peut. Il vit seul, mais n'en dédaigne pas pour autant les femmes : Amy, sa "promise", ou encore Joyce, une prostituée installée depuis peu aux abords de la ville.
C'est d'ailleurs lorsque Bob Marples, le vieux shérif, lui demande de débarrasser la ville de cette catin discrète, que débute le récit.
Très vite, nous allons être confrontés à la violence de Lou envers les femmes. À ces instants où il bascule dans la folie meurtrière. Mais le récit, quant à lui, reste d'une "froideur" absolue, aussi calme et posé que le personnage qu'il décrit. Glaçante est le qualificatif qui me semble le plus approprié pour décrire l'atmosphère de ce roman.
Jim Thompson dissèque avec précision les mécanismes de la folie de Lou, ses origines. Il en profite également pour tirer quelques piques sur la société américaine, la corruption qui la gangrène.
L'Assassin qui est en moi est de ces romans qui se referment doucement, comme si on peinait à sortir de cette ambiance poisseuse, et Lou Ford de ces personnages qui vous restent en mémoire tant ils sont précisément cerné.
Un classique du roman noir qui retrouve là une seconde jeunesse.
Si j'osais, je conclurais pas un gracias Jean-Paul…
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Comme indiqué plus haut, le roman de Jim Thompson a été adapté au cinéma en 2011 par Michael Winterbottom en reprenant le titre original et avec Casey Affleck dans le rôle de Lou, Jessica Alba en Joyce et Kate Hudson dans le rôle d'Amy. Une adaptation réussie.
À propos de nouvelles traductions de Thompson chez Rivages, on notera également le travail de Pierre Bondil sur L'Échapée.
D'ailleurs, je ne puis que vous conseiller de laisser traîner vos yeux sur la longue conversation qui s'est tenue sur le forum du site entre ces deux traducteurs émérites que sont Jean-Paul Gratias et Pierre Bondil. Intitulée Pierrot et Polo parlent de trado, elle regorge d'anecdotes et de considérations sur leur métier. Très instructif…
Les dix premières lignes...
Je l'ai repéré alors que je buvais ma deuxième tasse de café, après avoir fini ma tarte. Le train de marchandises était entré en gare quelques minutes plus tôt, à minuit, comme tous les soirs. Depuis l'autre bout de la baie vitrée, du côté des voies ferrées, ce type reluquait l'intérieur du restaurant, une main en visière au-dessus de ses yeux, clignant des paupières à cause de la lumière. Il a vu que je l'observais, alors il s'est reculé, son visage disparaissait dans l'ombre. Mais j'ai compris qu'il était toujours là. Qu'il m'attendait. Les traîne-lattes me prennent toujours pour un gogo facile à berner (…)
Quatrième de couverture...
« Ça ne me viendrait pas à l'idée de te menacer, Lou, non chéri, mais je suis bien décidée à ne jamais renoncer à toi. Jamais, jamais, jamais. Si tu es trop bien pour moi, alors je ferai ce qu'il faut pour que tu ne le sois plus. »
Je l'embrasse — un long baiser brutal. Car Joyce ne le sait pas, mais elle est déjà morte, et d'une certaine façon, je en pourrais pas l'aimer davantage.
Un classique de Jim Thompson, dans une nouvelle traduction intégrale.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...