Rivages / Noir - Mai 1988 - Traduction (anglais) : Franck Reichert
Tags : Roman noir Polar social Psychologie Quidam Années 1960 Littéraire Moins de 250 pages
Publié le : 24 avril 2010
Si vous voulez du noir, du noir de chez noir, vous êtes tombé sur le bon roman, et si vous êtes comme moi, vous ne le lâcherez pas tant que Thompson n’en aura pas fini avec vous et avec son personnage principal. Vous ne le lâcherez pas car vous tenez entre les mains un roman comme on en croise peu dans une vie de lecteur, un roman qui vous accroche et vous envoie plusieurs fois au tapis… Un roman qui vous maintient juste au bord du K.O. pour être sûr qu’il pourra continuer à vous distribuer ses uppercuts et ses directs au foie ou en pleine face. On l’achève pas frais mais riche d’une lecture marquante, d’une lecture dont la qualité, comme je l’ai déjà dit, ne se rencontre que quelques fois dans une vie.
Arrivée dans une nouvelle ville pour Allen Smith et sa mère. Nouvelle ville, nouveau lycée, nouvel environnement mais toujours avec cette sale malédiction qui colle à la peau d’une famille telle que la leur. Une mère blanche et son fils noir. Malédiction ou plutôt lourde croix à porter, pour Allen, fils de Mary. Un noir qui vit parmi les blancs n’est pas vraiment chez lui. Jamais vraiment chez lui… D’autant que ce n’est pas la seule tare de la famille comme Thompson nous l’assène au long des pages, mais je vous laisse découvrir cela.
Allen est doué, intelligent, mais il ne supporte pas ses congénères… surtout les noirs et leur comportement, soit soumis, soit à tout prix rebelle et en lutte. Son intérêt se porte sur les gens de couleurs et il les manipule, leur en fait voir. Il en a vu aussi.
Juger les gens ? Avec toute l’objectivité dont j’étais susceptible ? Et pis quoi, encore ? Ça va, la tête ?
Bien sûr que je les juge. Et même, pour être franc, je les juge tous coupables et les condamne à être pendus par les couilles jusqu’à virer au rouge vif (ou toute autre chaleureuse couleur). Bien sûr qu’ils sont coupables. Nous le sommes tous. Nous naissons bourrés jusqu’à la gueule de merdeuse culpabilité et, avant de marcher vers la gloire, il nous faut d’abord la dégueuler toute, c’est écrit noir sur blanc dans les Évangiles.
Je ne connaissais pas Jim Thompson, mais ma découverte de cet auteur me pousse à aller plus loin, à en lire d’autres. C’est un des maîtres du roman noir, l’un de ceux qui a su porter à un niveau assez ahurissant le genre, car sans y toucher, sans chercher l’effet tape-à-l’œil, le style révolutionnaire, il touche et bouscule son lecteur tranquillement assis dans son canapé. Il donne toute son ampleur à un discours qui consiste simplement à nous montrer une certaine réalité, à nous dépeindre les tréfonds de la pensée humaine sans concession… Ce respect de l’intrigue se répand et se change très vite en respect du lecteur qu’il emmène bien loin de son petit confort…
Thompson est un grand, qu’on se le dise. Mais vous le saviez sûrement déjà !
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Allez voir du côté des classiques si vous voulez rester au même niveau. Pourquoi pas Les Liaisons Dangereuses de Laclos, roman noir avant l’heure, et que Rage Noire n’est pas sans rappeler.
Allez voir également du côté d’autres classiques, étiquetés noirs ceux-là, tels que Peace ou Ellroy.
Les dix premières lignes...
Je n’étais pas avec Mère lorsqu’elle loua l’appartement (bien entendu !). Les gens avaient bien jeté un coup d’œil sur moi le jour où nous avions emménagé, mais je présume qu’ils m’avaient pris pour un gosse qu’elle aurait embauché pour l’aider. La vérité ne leur apparut pleinement que le matin suivant, lorsque nous partîmes pour le lycée où elle devait m’inscrire.
Notre appartement faisait partie d’un de ces soi-disant « Parcs », un de ces ensembles immobiliers qui jouxtent l’East River (…)
Quatrième de couverture...
« Le héros de Rage Noire est peut-être celui qui résume le mieux les autres personnages thompsoniens. C'est l'histoire d'un jeune noir à New York, dont la mère est blanche et qui ne connaît pas son père. Il a donc déjà des rapports terribles avec sa mère et, en plus, celle-ci l'oblige à coucher avec elle et c'est absolument épouvantable. Il atteint un degré de violence quasiment jamais atteint par un personnage de Thompson… Et ce môme a douze ou treize ans, et il joue au noir forcené, le couteau entre les dents. Chaque fois, tous les soirs, il s'écroule à cause du rôle qu'il est obligé de tenir. C'est réellement un concentré de toute l'oeuvre de Thompson. En plus c'est très ancré socialement et politiquement. »
Alain Corneau, Gang n° 2
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...