Folio Policier - Mai 2007
Tags : Roman noir Roman d'enquête Trafic Psychologie Flic France Années 2000 Populaire Poétique Moins de 250 pages
Publié le : 22 juin 2007
Mc Cash, l'Irlandais borgne qui "cache" son œil de verre derrière un bandeau... Aucune hygiène de ce côté-là. Infection. Et s'il ne change pas rapidement et radicalement d'habitudes, c'est l'autre œil qui risque de prendre ; si ça n'est pas déjà fait :
Mc Cash ne prendrait pas rendez-vous. Il ne changerait rien. Ni la prothèse, et encore moins la lentille. Il préférait pourrir sur pied plutôt que de se soigner : se soigner pour quoi faire ?!
Mc Cash a atterri à Brest, au bout du monde, de son monde. À cinquante balais passés, le voilà seul : plus de femme, plus d'amis, plus même de prénom, tout juste un métier : flic. Et l'IRA qui vient de déposer les armes... Et Joe Strummer qui vient de mourir... Une époque qui s'en va, et tout qui fout le camp. Finies les illusions, alors pourquoi ne pas déclarer une fin de partie ?
C'est ce moment de joie intense que choisit le facteur pour déposer une lettre recommandée signée Carole, croisée lorsqu'il était en poste à Rennes. Elle lui annonce qu'elle est malade, très malade — à peine quelques semaines à vivre — et qu'elle va laisser une fillette de neuf ans, Alice, dont il est le père. La goutte d'eau...
Lui faire ça à lui, l'homme qui pourrissait sur pied !
Mc Cash démissionne, prend la route, tire un trait. Un de plus. Joe Strummer dans l'autoradio, des idées suicidaires dans la tête, et là, sur le bord de la quatre voies, une sortie : Montfort-sur-Meu. C'est justement là qu'habite sa fille. C'est là qu'il va se rendre, par simple curiosité...
Dire que Caryl Férey remet Mc Cash en selle est un bien grand mot tant le flic Irlandais, ancien activiste de l'IRA, est dans un piteux état. Le bout du rouleau est proche, et ce qui constituait ses fondements est en train de s'écrouler, risquant de l'entrainer dans une chute irrémédiable.
L'étincelle capable de réveiller la braise s'appelle Alice. Tombée du ciel, qui va piquer sa curiosité quand lui pense dernière révérence. Mais comment annoncer à une gamine de dix ans à peine, qui vient de perdre sa mère, qui croit son père disparu depuis longtemps, qu'on est justement celui-là et qu'on va bientôt mourir ? Le mieux n'est-il pas de se taire ?
La rencontre se fera, pas tout à fait comme on s'y attend, et viendra s'y greffer une intrigue où il sera encore question d'enfance, abîmée, et des trafics auxquels elle peut être soumis : prostitution, vol d'organes, esclavagisme, vente ; il n'y a que l'embaras du choix ! Une intrigue qui servira de toile de fond sans que Caryl Férey n'aborde vraiment le sujet. Il glisse dessus, de même qu'il glisse sur les magouilles immobilières d'industrieux bétonneux pour donner un peu plus de corps à ses personnages secondaires.
Au fond, seuls Mc Cach et sa fille sont au cœur du roman, le reste n'est qu'habillage. Mc Cash criant de désespoir, y répondant par une violence extrême qu'il finit par diriger contre lui-même, et sa fille Alice, capable de détourner ce flux autodestructeur. Les enfants ont cette force-là...
L'écriture est sèche, agressive, comme le personnage qu'elle décrit. Pas de fioritures. C'est clair, net, et envoyé sans s'encombrer (en apparence) de tournures alambiquées. C'est dans les petites phrases, les fins de dialogues, qui ponctuent le récit que Caryl Férey retrouve la poésie noire qui l'accompagne, incisive, épurée et désespérée :
Le sapin de Noël clignotait à côté, racoleur.
ou encore :
Dehors la pluie tombait toujours, naufragée.
On dirait des haikus...
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Mc Cash apparaît également, en tant que personnage plus secondaire, dans Plutôt Crever, sorte de road-polar breton.
L'écriture de Caryl Férey est quant à elle plus aboutie dans ces deux romans Haka et surtout Utu.
Les dix premières lignes...
— Ça doit vous faire un mal de chien, non ?
— Contentez-vous de faire votre boulot, répondit Mc Cash.
Il flottait dans la pièce comme un avant-goût d'euthanasie.
— La gestion de la douleur fait aussi partie de mon travail, précisa le médecin.
Les poings serrés sur la table de consultation, Mc Cash laissa le spécialiste inspecter son œil mort. Bonnier, c'était son nom. Le premier sur la liste des Pages jeunes (...)
Quatrième de couverture...
Mc Cash, s'il n'est plus flic, reste borgne et dévoré par une colère aussi vieille que son premier concert des Clash, à Belfast, avant les grèves de la faim de Bobby Sand et les victimes du Bloody Sunday... Plus de femme, pas d'avenir, des illusions perdues... Un ophtalmologue l'informe que s'il persiste à soigner par la destruction tout ce qui l'entoure, il sera vite et définitivement aveugle. Belle raison pour en finir d'une lumineuse balle dans la tête ! L'étincelle pourtant viendra d'ailleurs. Une lettre lui révèle qu'il est le père d'Alice. La mère est morte et c'est à lui désormais qu'il revient de veiller sur la petite... À peine Mc Cash est-il arrivé dans le village de sa fille qu'il trouve une autre fillette noyée. Alice vient le voir. Elle est le témoin qui dérange. Lorsque tombent les morts, Mc Cash redécouvre la peur et l'espoir mêlés. Lui qui voulait mourir mesure de plein fouet la valeur d'une vie. Celle de son enfant...
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...