Gallimard / Série Noire - Avril 2025
Tags : Roman d'enquête Polar militant Polar maritime Trafic Flic Quidam Îles Féroé Années 2020 Moins de 250 pages
Publié le : 12 juin 2025
Julia est une jeune activiste engagée auprès de Sea Shepherd, l’ONG chère à Paul Watson défendant à travers le monde le sort des baleines et autres cétacés.
Elle est en cours de montage d’une expédition et vient d’engager Gab, un plongeur apnéiste qui n’a pas froid aux yeux. Après leur première rencontre dans l’océan indien, direction l’Atlantique nord, à traquer le Skeid, un navire-usine, énorme chalutier norvégien dont le capitaine se fout des traités de protection des baleines et réalise régulièrement de véritables carnages. La haute mer est toujours aujourd’hui une zone de non-droit.
Le Mogwai, le navire de Sea Shepherd a fini par retrouver la trace du Skeid en même temps qu’arrive sur eux une terrible tempête. Même s’ils ont pu stopper la pêche aux cétacés, les activistes sont pris dans la tourmente. Ballottés par des vents frisant les 300 km/h, ils dérivent droit sur les Féroé.
Sur l’île principale, c’est l’heure du Grindadráp, une pêche aussi traditionnelle que sauvage qui tourne au cauchemar — pour les humains, parce que pour les dauphins, c’est déjà fait — quand dans l’eau ensanglantée par les cadavres des animaux apparaît soudainement un corps déchiqueté, celui du responsable du Grind.
La tempête ne laisse pas le temps à Soren Barentsen, policier danois en poste aux îles Féroé, de s’organiser, et bientôt, c’est le Mogwai qui vient s’encastrer dans le port…
On connaît l’appétence de Caryl Férey pour les sujets écologiques ; il nous l’avait encore montré avec son dernier roman « voyageur », le très réussi Okavango, paru à l’été 2023. Après la chaleur des savanes africaines sur les traces des braconniers, il s’embarque cette fois pour l’humidité et le froid de l’Atlantique nord, en direction des îles Féroé, cet archipel perdu entre l’Islande, le nord de l’Écosse et la Norvège, où vit une communauté fermée de cinquante mille âmes aux ancêtres vikings.
Pays de pêcheurs, on y pratique encore aujourd’hui le Grindadráp, une mise à mort traditionnelle de dauphins aussi controversée aujourd’hui que peut l’être la corrida en Espagne, avec cependant une différence notable sur la quantité d’animaux tués : on parle ici de centaines de cadavres à chaque fois que l’événement a lieu.
Caryl Férey tient à la fois son sujet et son théâtre. Il ne lui reste qu'à mettre en scène. Pour compléter le tableau, il installe quelques activistes associés à l’ONG Sea Shepherd dans la défense et la protection des cétacés et les fait se fracasser au milieu du carnage, poussés par une tempête phénoménale. Il joue sur les antagonismes, tisse des histoires d’amour et sème des cadavres, mais cette fois, la magie n’opère pas.
La cause est noble, nul n’en doute, mais les ficelles sont un peu trop grossières. On a du mal à croire à ces personnages malgré les efforts de l’auteur pour leur donner de l’épaisseur, ou à certaines situations. Bien sûr il y a les scènes de tempêtes, de naufrage, dignes des romans d’aventures, qui vous emportent, mais aussi des fantômes dont on ne sait pas bien ce qu’ils viennent faire ni apporter au récit.
Dès lors, Grindadráp m’est apparu comme un collage d’éléments disparates autour de la défense de la cause animale en général et ce celle des cétacés en particulier : Sea Shepherd et Paul Watson ; cette atroce pêche traditionnelle en forme de massacre ; les élevages de saumons qui participent à la destruction de l’écosystème ; l’approche douce de la nage avec les orques chère à Pierre Robert de Latour à qui il est fait référence à travers le personnage de Gab ; les expériences chamaniques de Jean Lamaurie à qui il est rendu hommage dans une longue séquence autour du langage des cétacés.
Caryl Férey est un auteur qui « soigne » sa documentation et livre beaucoup d’informations, mais le sentiment persiste que les éléments mis en œuvre ne s’emboîtent pas et qu’il subsiste une forme d’éparpillement du récit qui nuit à sa cohérence d’ensemble.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Pour rester chez Caryl Férey, Okavango m’a semblé beaucoup plus réussi que cet opus.
Côté tempête en mer, Marion Brunet s’est essayée à l’exercice à travers son roman Plein Gris, classé en littérature jeunesse, mais les classements n’engagent que ceux qui les construisent…
Les dix premières lignes...
Des requins-bouledogues. Au moins deux. Et un tigre, dont l’aileron vient d’émerger à une centaine de mètres. J’attends sur la margelle du bateau d’études, les jumelles à la main, mais Ali n’est pas au rendez-vous. La mer est pourtant calme, d’un vert-bleu écrasé de soleil. Les squales sont loin de la côte, où d’ordinaire ils aiment chasser dans les eaux putrides déversées par les humains.
— Bizarre, me glisse Julia. On dirait qu’eux aussi attendent.
Les requins ne savent pas s’arrêter, leur métabolisme exige un mouvement perpétuel, et ces trois-là tournent en rond, aussi lentement que possible.
— Peut-être qu’ils digèrent notre capitaine.
— Très drôle.
Le sourire de Julia est crispé sous sa peau bronzée. Elle sait que les requins attaquent l’homme par accident, ou quand il entre dans leur périmètre de sécurité, que ces poissons à moitié aveugles nous confondent avec leurs proies habituelles et nous recrachent presque systématiquement tant on a un sale goût, mais les idées recuites ont la peau dure.
Quatrième de couverture...
« La baie entière est noire d’animaux, les bateaux qui les ont rabattus forment une masse compacte dans leur dos, infranchissable, et pour leurs sonars, effrayante ; les hommes tapent contre les coques dans un tintamarre de kermesse, s’époumonent dans des sifflets et des cornes de brume, poussant les cétacés vers le rivage, où les tueurs les attendent. »
Au milieu des cadavres de cette chasse rituelle à la baleine flotte le corps du vieux chef du Grindadráp, couvert d’étranges plaies. Les rumeurs les plus folles se propagent. Et que font sur l’île ces deux militants écologistes de Sea Shepherd, l’ennemi juré ? Se sont-ils vraiment échoués, jetés là par la tempête ? C’est une course contre la montre qui s’engage pour Soren Barentsen, capitaine de police, s’il veut éviter que la violence des éléments ne contamine les hommes. Un huis clos magistral au cœur de la nature déchaînée et des paysages magnifiques des îles Féroé.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...