Gallimard / Série Noire - Août 2023
Tags : Roman d'enquête Polar militant Trafic Flic Quidam Afrique Années 2020 Plus de 400 pages
Publié le : 05 septembre 2023
Esra, pisteur de la tribu des Ovambos, traque le rhinocéros dans la réserve de Wild Bunch pour le compte d’un Blanc qu’on appelle le Baas. Personne ne le reverra vivant.
Alors que son corps est bientôt découvert par le propriétaire de cette réserve privée, John Lattam, accompagné de son bras droit N/Kon (prononcer Nclon, avec un « clic ») de la tribu des San, la lieutenante Solanah Betwaze qui fait partie des rangers qui surveillent les environs est chargée d’éclaircir ce mystère. Elle qui a pour habitude de traquer les braconniers et autres trafiquants n’est pas très au fait en matière d’enquête criminelle, mais aidée de son collègue Seth, elle va mettre en œuvre toute son énergie pour résoudre l’énigme de ce meurtre.
Nous sommes au cœur de l’Afrique australe, à la frontière de la Namibie, de l’Angola, de la Zambie et du Boswana, dans un paysage de bush et de savane qui constitue la majeure partie de la réserve de Bwabwata, située de part et d’autre des rives du Zambèze et de l’Okavango. Un endroit peuplé de tribus autochtones et d’une multitude d’animaux sauvages. C’est le royaume des lions, des éléphants, des rhinocéros et des hippopotames, tous ces grands mammifères que viennent visiter les touristes, mais qui sont aussi la proie de trafics très lucratifs.
Caryl Férey signe un roman très personnel. Il l’annonce d’ailleurs dans une note en fin d’ouvrage :
Je voulais être tueur de braconniers quand j’étais petit. Je le veux toujours. Écrire comme remède.
Et quelque part, tout est dit.
L’auteur est un grand voyageur. On le sait et il l’a prouvé à maintes reprises avec ses différents écrits situés en Nouvelle-Zélande, en Amérique du Sud, voire en Sibérie. Il prend toujours le temps d’une longue préparation en forme d’imprégnation avant de se lancer dans ses intrigues, se documentant et se confrontant dans sa chair aux environnements qu’il va mettre en scène. Cette référence à son enfance vient ajouter un poids supplémentaire à ce nouvel opus.
Okavango est à la fois une charge en règle contre le trafic des animaux sauvages, les braconniers qui sont à pied d’œuvre pour l’organiser, et une déclaration d’amour à la faune africaine en danger. Colère et enchantement se croisent au fil des pages.
Comme il l’a toujours fait, l’auteur a pris le temps de bien digérer toute sa documentation pour la retranscrire adroitement mêlée à son intrigue et à l’enquête des rangers. Non seulement les beautés de la région sont présentes, comme les atrocités des trafiquants, mais il n’oublie pas d’évoquer le contexte historique de cette partie de l’Afrique et les vingt années de guerre, pas seulement « froide », que se menèrent l’Afrique du Sud et l’Angola avant la chute de l’Apartheid, et bien sûr leurs conséquences.
On apprend donc beaucoup de choses, sans s’en rendre compte… Pendant ce temps, alors que les cadavres d’animaux s’amoncellent, l’intrigue elle-même, comme l’enquête, n’avance guère. Caryl Férey possède un talent certain pour construire des personnages attachants, finement ciselés et peaufinés. Leurs interactions seront nombreuses et variées, mais il faudra attendre la mi-roman pour voir réapparaître le « méchant » trafiquant en chef, croisé dès les premiers chapitres. Trop de choses à dire ? Trop de colère à exprimer ? Sans doute, mais la « cause » en vaut la peine.
Une fois ce flot de colère et d’informations déversé (« Écrire comme remède »), la machinerie implacable se met en route et Caryl Férey, avec son savoir-faire efficace, nous concocte un final haletant qui vient enflammer les cinquante dernières pages de son pavé.
Un beau, sombre et instructif voyage.
(…) Dès qu’un animal est menacé, sa cote à la Bourse du braconnage grimpe en flèche, et moins il en reste, plus on s’acharne. Rien n’est fait pour sauver les survivants du génocide, respecter leur habitat ou simplement garantir leur liberté. De grands mots, des traités accouchant d’accords que personne ne respecte, des ricanements paternalistes à vomir quand les enfants manifestent pour leur survie, notre espèce est si inconséquente. (…) Quand ils réagiront, bien sûr, il sera trop tard, on fonce déjà dans le mur, c’est juste une question de violence de l’impact, mais personne ne freine le bolide de la catastrophe écologique (…)
Il y aura toujours un pauvre type qui acceptera de l’argent pour sauver sa famille (…) des organisations criminelles pour fournir des armes et de la logistique (…) un douanier ou un flic à corrompre, un pauvre type assez crétin pour croire qu’un testicule de tigre le fera bander au double, un riche fier de manger devant sa cour la chair d’une bête en voie de disparition (…)
Le Temps est compté avant que les animaux sauvages soient tous assassinés, ou capturés et mis en prison, avant de pourrir dans nos mémoires.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
L’Afrique est en vogue chez Gallimard et à la Série Noire. Dans un genre différent (quoique), ne manquez pas non plus le réussi Free Queens de Marin Ledun.
Les dix premières lignes...
D’étranges rumeurs couraient sur Wild Bunch ; elles disaient que les hommes s’y transformaient la nuit, que les empreintes de leurs pas disparaissaient soudain du sol, qu’ils devenaient lions, ou léopards, qu’ils tuaient au hasard ceux qui s’aventuraient sur leur territoire, qu’on retrouvait des cadavres lacérés au-delà des clôtures électrifiées, à demi dévorés… Isra n’était pas rassuré en foulant le sol de la réserve. L’homme qui l’avait embauché comme pisteur s’en moquait, il n’était pas d’ici, trop blanc pour craindre les esprits qui depuis toujours rôdaient autour des bêtes sauvages.
Celui qu’on appelait le Baas avait débarqué dans son village avec sa casquette NYC, ses lunettes de soleil et son pick-up, distribuant des Coca aux désœuvrés que la pandémie avait jetés au chômage, et ils n’avaient pas tardé à sympathiser. Les Ovambos (les « bonnes personnes ») n’étaient pas des gens méfiants.
Quatrième de couverture...
Engagée avec ferveur dans la lutte antibraconnage, la ranger Solanah Betwase a la triste habitude de côtoyer des cadavres et des corps d’animaux mutilés.
Aussi, lorsqu’un jeune homme est retrouvé mort en plein cœur de Wild Bunch, une réserve animalière à la frontière namibienne, elle sait que son enquête va lui donner du fil à retordre. D’autant que John Latham, le propriétaire de la réserve, se révèle vite être un personnage complexe. Ami ou ennemi ?
Solanah va devoir frayer avec ses doutes et une très mauvaise nouvelle : le Scorpion, le pire braconnier du continent, est de retour sur son territoire…
Premier polar au cœur des réserves africaines, Okavango est aussi un hymne à la beauté du monde sauvage et à l’urgence de le laisser vivre.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...