Magali

Un avis personnel...

Publié le : 26 septembre 2024

Comme Caryl Férey, les faits divers ne m’intéressent pas plus que ça. Je n’ai appris l’existence d’un certain Dupont de Ligonnes que tardivement, lorsqu’un pauvre voyageur fut arrêté en son nom dans un aéroport écossais. La confusion était trop énorme pour passer inaperçue.
La disparition de Magali Blandin est un fait divers comme un autre. Malheureusement. Un homme a tué sa compagne, allongeant la sinistre liste des féminicides – néologisme introduit dans le dictionnaire Robert seulement en 2015 et décrivant l’assassinat d’une femme par un homme en raison de son sexe, mais toujours pas reconnu par l’Académie française ; comme quoi les vieux « concepts » patriarcaux ont la vie dure.
La disparition de Magali Blandin est un fait divers comme un autre, mais pas l’endroit où il s’est déroulé. Caryl Férey fait de cette « proximité » avec sa propre histoire le point d’entrée de son récit. Il a grandi à Montfort-sur-Meu, commune bretonne située à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Rennes, là même où Magali a été assassinée. Les époques sont différentes ; Caryl Férey n’a jamais croisé Magali Blandin, mais cette coïncidence l’interpelle et fait résonner quelques souvenirs enfouis.
J’ai vécu six ans à Montfort-sur-Meu. Je n’y ai croisé ni Caryl Férey ni Magali Blandin, mais ce « détail » géographique m’a fait lire le premier et attiré mon attention sur la seconde.
Si les plus « grands » faits divers attirent les médias nationaux, les plus « petits » emplissent les pages de la presse régionale. Quelques lignes, un entrefilet, pour raconter les malheurs du quotidien, ce qui s’est passé derrière la porte du voisin, de la voisine, des collègues. La vie locale, déclinée en plusieurs éditions découpant le territoire. « C’est arrivé près de chez vous »…

Caryl Férey est un écrivain voyageur. Le meurtre de Magali Blandin intervient au début de l’année 2021, en pleine période de Covid. Les projets au long cours de l’auteur sont au ralenti et son éditrice, le nez en l’air et à l’affût, de flairer « l’aubaine » :

— Un meurtre à Montfort-sur-Meu, ton bled d’enfance ?! Tu ne peux pas laisser passer ça !

De retour sur ses terres d’enfance, l’auteur enquête et se souvient, tel est le cœur et l’articulation de ce récit. En remontant dans ses souvenirs, Caryl Férey dresse le portrait en creux de ce qu’aurait pu être la vie de Magali. Magali l’inconnue. Une femme si « ordinaire » qu’elle n’a laissé derrière elle que quelques infimes traces. Personne n’a croisé Magali à Montfort, comme si elle n’avait jamais existé.
Caryl Férey enquête auprès des « acteurs » du drame, les habitants de Montfort, les journalistes de Ouest-France, les gendarmes, même l’avocat du meurtrier. Magali n’a pas eu droit à la parole. Elle est simplement cette femme, mère de quatre enfants, quadragénaire active décidée à quitter enfin un mari violent, invisible. Jérôme Gaillard est son assassin, il la tue parce qu’elle ne veut plus être « sa » femme. Un féminicide « ordinaire » que l’auteur s’efforce de comprendre, à défaut de l’expliquer.

Caryl Férey s’est enfui de Montfort-sur-Meu. Il est parti explorer le monde pour en rapporter des histoires souvent lointaines. Peut-être un peu aussi pour échapper à cet environnement qui construit les hommes comme des « propriétaires ».
Adossé à sa « tribu » (vous comprendrez à la lecture pourquoi j’utilise ce terme), il tente à travers ce court roman, bien éloigné de sa zone de confort, de faire que la discrète Magali, femme parmi les hommes, ne sombre pas complètement dans l’oubli.

Ça suffit à son malheur. Et si Magali est anonyme, c’est qu’elle est toutes les femmes.

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Quelques pistes à explorer, ou pas...

Magali navigue à la frontière du « true crime ». Dans ce registre, l’enquête de Jax Miller, intitulée Les Lumières de l’Aube, peut faire figure de référence.