Biographie succincte... Bibliographie sélective et non exhaustive...
Henning Mankell est né en 1948 dans le Härjedalen, province situé au centre de la Suède. Très vite abandonné par sa mère, il est élevé par son père, juge d'instance. Ses premiers rêves : devenir artiste et voyageur. Le premier le mènera à Paris à l'âge de seize ans où il écrit et répare des clarinettes, le second, quelques années plus tard, en Afrique. D'abord en Guinée Bissau où il tombe amoureux du continent tout entier, puis en Zambie dans les années 70, et enfin à partir de 1985 à Maputo au Mozambique où il dirige la seule troupe de théâtre professionnelle du pays.
Gendre d'Ingmar Bergman dont il a épousé en secondes noces la fille Eva, il partage sa vie entre l'Afrique et la Suède en écrivant romans, pièces de théâtre et ouvrages pour la jeunesse.
En 1991, il publie Meurtriers sans Visage où apparait pour la première fois Kurt Wallander, inspecteur de police dans une ville moyenne du sud de la Suède, et qui deviendra le personnage récurent de ses romans policiers.
Henning Mankell est décédé le 5 octobre 2015.
Publié le 13 janvier 2005
Kurt Wallander ressemble sûrement à Henning Mankell, à moins que ça ne soit l'inverse, et ça n'est pas le fruit du hasard, contrairement à son nom, trouvé au bout d'un doigt posé dans un annuaire téléphonique.
Henning Mankell a quitté la Suède il y a longtemps (à moitié), partageant sa vie entre son pays natal et le Mozambique. À la fin des années 80, alors que ses séjours africains durent généralement de six à sept mois, il s'absente pendant deux années. Durant cette période, le mur de Berlin est tombé, et lorsqu'il rentre au pays, ça n'est pas seulement un régime qui s'est écroulé en Europe, c'est aussi la société suédoise et son modèle socio-économique si réputé, si envié, qui s'effondre en face de lui.
Ainsi nait donc Kurt Wallander, né du hasard d'un annuaire téléphonique d'Ystad (ville moyenne de Scanie, tout au sud de la Suède) et des réflexions d'un écrivain dramaturge, metteur en scène, sur le devenir de ce modèle en passe de disparaitre. La volonté de Mankell est de toucher ses concitoyens, de leur faire partager ses doutes, ses désillusions, et il choisit pour ce faire le genre policier ; miroir de notre société.
Peut-être est-il un nostalgique des années "tendres" lorsqu'il fait dire à Wallander : "Dans mon enfance, la Suède était un pays où les gens reprisaient les chaussettes (...) Puis, soudain, un jour, c'était fini. On a commencé à jeter les chaussettes trouées. Personne ne prenait plus la peine de les raccommoder. Toute la société s'est transformée."
En but à l'individualisme forcené des années 90 et aux dérives sociétales qui en découlent, Henning Mankell invente un inspecteur profondément humain, diabétique, empêtré dans les contingences matérielles, divorcé mais aimant toujours sa femme, père d'une fille qu'il ne comprend pas et qu'il sent parfois étrangère, fils d'un vieux peintre hurluberlu. Sa bouée de sauvetage, ce qui l'empêche de sombrer dans la déprime, c'est son métier, ses collègues, ses enquêtes. Mais les violences et les dérives du monde d'aujourd'hui n'épargnent pas Ystad, et Wallander se trouvera au fil des romans confrontés à tous les maux de notre société, avec comme toile de fond les changements intervenus après la chute du mur de Berlin.
Mais Wallander, c'est aussi l'éloge de la lenteur. On est loin de ces romans américains frénétiques où il faut toujours qu'il se passe quelque chose à chaque page. Là, le temps s'écoule lentement, et Mankell sait également décrire sa suède natale, son climat changeant, la violence de ses saisons, et cette tendre mélancolie qui transparait autant dans l'atmosphère que dans le caractère de son héros.
Wallander est avant tout un "humain", désemparé, qui a perdu ses repères, mais aussi rempli de compassion pour les victimes qu'il croise ; il se dégage de lui comme un infinie tristesse, mais c'est aussi peut-être ce qui fait qu'on l'adore.