Seuil Policiers - Janvier 2005 - Traduction (anglais) : Estelle Roudet
Tags : Roman d'enquête Road Polar Discrimination Quidam Afrique du Sud Années 2000 Plus de 400 pages
Publié le : 12 février 2005
Troisième roman de Deon Meyer traduit en français, L'Âme du Chasseur
confirme, s'il en était encore besoin, qu'on a bien affaire là à un
auteur qui pourrait finir par devenir incontournable. Dès le prologue
et le premier chapitre (six pages en tout), on est happé par sa
puissance évocatrice et on sait déjà qu'on ne lâchera plus ce roman
avant d'en avoir avalé le point final, avec cette espèce de mélancolie
frustrante que génère l'attente impatiente d'un prochain épisode...
On retrouve donc Thobela Mpayipheli, P'tit, déjà rencontré, effleuré, en tant que complice de Zatopek Van Heerden dans Les Soldats de l'Aube. Il a refait sa vie, remballé son artillerie, et aspire à la
tranquillité au coté de sa compagne, Miriam Nzululwazi, et de son fils
Pakamile qui s'est pris d'amitié pour cette figure paternelle au grand
cœur. Mais la dure réalité refait surface et vient frapper à la porte
de cette famille recomposée avec l'arrivée de la fille de Johnny
Kleinjes, ancien compagnon du temps de la "lutte", qui vient demander
l'aide de Thobela afin de sauver son père, retenu à Lusaka : il lui
faudra pour ce faire convoyer jusque là-bas un disque dur renfermant de
sombres souvenirs très convoités. S'en suit alors une chasse à l'homme
à travers le pays où P'tit Mpayipheli devra se battre autant contre ses
anciens démons que contre tous les nouveaux pouvoirs de la démocratie
naissante de l'Afrique du Sud.
Deon Meyer aborde de front l'après apartheid et la construction de ce nouveau pays
à travers ses services secrets, son armée, ses hommes et femmes de
pouvoir, et l'immense difficulté à faire travailler tout ce petit monde
dans la même direction : anciens du parti boehr, anciens de l'ANC,
devant mettre en commun leurs savoirs, leurs expériences, leurs
secrets... et leurs rancœurs... Et lorsqu'il se demande si Thobela
arrivera à changer sa vie, n'est-ce pas un peu à son pays que l'auteur
pose la question ? Comme à travers ces mots qu'il glisse dans la bouche
de Zet, face à Miriam :
Je ne crois pas qu'un homme puisse changer fondamentalement, le mieux qu'on puisse faire, c'est de reconnaître la part de bien et de mal qui est en nous. Et de l'accepter. Parce qu'elle existe. Au moins en puissance. On vit dans un monde où le bien est glorifié et le mal méconnu. On peut changer de point de vue. Pas de nature.
Ou encore quelques lignes plus loin :
L'avocate, Beneke, était là elle aussi, elle avait discuté avec Miriam, en anglais, mais le courant ne passait pas, avocate et serveuse, leur couleur, leur culture, et 300 ans d'histoire africaine avaient creusé un gouffre béant que leurs silences gênés ne parvenaient pas à combler
Reste l'intrigue, le support, cette chasse à l'homme à travers le pays, où on
épouse successivement, de manière enchevêtrée, pratiquement comme dans
un puzzle, les points de vue des différents protagonistes, Thobela
lui-même, le guerrier solitaire, mais aussi Janina Mentz, responsables
des services secrets, Allison Healy la journaliste, Tiger Mazibuko le
mercenaire, et d'autres encore. La lecture n'en reste pas moins fluide,
voire captivante, angoissante même lorsque le rythme s'accélère.
Deon Meyer aime son pays, aime son avenir aux couleurs de l'arc-en-ciel,
même si sa construction prend parfois des chemins chaotiques. À ne pas
manquer...
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Son précédent roman était déjà une vraie réussite : Les Soldats de l'Aube, et puis pour parfaire votre connaissance de l'Afrique du Sud, vous pouvez tenter une incursion chez l'homme du froid, Henning Mankell, et La Lionne Blanche, sorti en France en 2004, mais écrit en 1992, soient deux ans avant l'arrivée au pouvoir de Nelson Mandela.
Les dix premières lignes...
Il se tenait derrière l'américain. Pratiquement collé à lui dans le métro
bondé, l'esprit très loin de là, sur la côte du Transkei, où les vagues
gigantesques viennent se briser dans un bruit de tonnerre.
Il se revoyait assis sur l'éperon rocheux d'où il contemplait la houle, sa
progression linéaire à la surface de l'océan indien, impressionné par
ce long voyage solitaire qui s'achève en un déferlement sur les côtes
accidentées du continent noir.
Entre deux lames règne un silence parfait, quelques secondes de calme absolu. Le moment
est si tranquille qu'il entend la voix de ses ancêtres - Phalo et
Rharhabe, Nquika et Maqoma, son sang, sa source, son refuge (...).
Quatrième de couverture...
Véritable force de la nature, "P'tit" Mpayipheli s'est refait une vie honorable
après sa mise au chômage par les services secrets sud-africains lorsque
la fille d'un vieux camarade de lutte lui demande son aide : son père a
été enlevé et ses ravisseurs menacent de le tuer si elle ne leur livre
pas la rançon bien particulière qu'ils exigent.
Que faire ? Renouer avec un passé de meurtres et de corruption qu'il a eu
tant de mal à mettre derrière lui pour sauver son ami ou le laisser
tomber pour protéger sa nouvelle existence ?
Il n'hésite pas et les ennuis commencent : derrière le kidnapping, c'est
en effet tout autre chose qui se joue et l'oblige à jouer son va-tout.
Superbe course poursuite à travers une Afrique du Sud toujours en proie à ses vieux démons. L'Âme du Chasseur a été salué comme un grand livre par le maître du policier américain Michael Connelly.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...