Seuil Policiers - Octobre 2007 - Traduction (anglais) : Estelle Roudet
Tags : Roman noir Psychologie Flic Quidam Afrique du Sud Années 2000 Plus de 400 pages
Publié le : 07 novembre 2007
Christine est venue voir un pasteur dans une petite ville sud-africaine. Elle vient lui raconter son histoire, son malheur, et se présente à lui avec un carton qui, lorsqu’il en découvre le contenu, arrache à l’homme d’église ces simples mots : "Doux Jésus"…
Thobela Mpayipheli revient d’un week end passé avec son fils adoptif. Ensemble, ils ont parcouru la campagne à moto. Sur le chemin du retour, arrêtés à une station service, ils sont surpris par des braqueurs au moment où ces derniers tentent de s’enfuir. Une fusillade éclate et le jeune garçon est atteint mortellement par une balle perdue.
Les braqueurs sont arrêtés mais au moment du procès, l’avocat de la défense retourne la situation en faisant ressortir durant les débats le passé trouble de Thobela et en l’accusant d’avoir lui-même provoqué la fusillade, le rendant ainsi responsable de la mort de son fils. De plus, avant que le jugement ne soit rendu, les deux malfrats réussissent à s’évader. La colère et la vengeance grondent chez Thobela, elle vont bientôt exploser…
Deon Meyer remet ici en scène le personnage de Thobela Mpayipheli, déjà croisé dans plusieurs de ses précédents romans. Sans que Le Pic du Diable soit une suite de L’Âme du Chasseur, il est intéressant tout de même de respecter la chronologie pour apprécier la psychologie de ce personnage et les drames qui se jouent autour de lui.
Drame, psychologie : les maîtres mots des romans de Deon Meyer, et ce nouvel opus en est la magistrale démonstration.
Deon Meyer pose une lumière crue sur ses personnages, leurs sentiments. Ici, pas de faux-semblants. Ils sont exposés, fouillés, révélés, dans leur complexité, à travers leurs ambiguïtés, jusqu’à ce que leurs vérités propres éclatent au grand jour.
Ils sont trois. Thobela, le guerrier Xhosa au grand cœur qui, après le meurtre de son fils va se transformer en justicier vengeur, mais aussi aveugle. Donner la mort, dans ces circonstances, deviendrait presque un plaisir, proche de celui du tueur… Christine ensuite, jeune femme élevée par un père militaire à l’intransigeance renforcée par un puritanisme très développé chez les afrikaners protestants, et qui est devenue, en "réponse", une call-girl malheureuse capable de s'auto-mutiler. Griessel enfin, flic alcoolique qui vient de se faire virer par sa femme ; à prendre non pas comme une figure rhétorique de la littérature policière, mais comme un témoin des ravages causés par l'alcool, sur l'homme comme sur son entourage.
Trois personnages qui vont évoluer, que Deon Meyer va pousser dans leurs retranchements pour les faire se révéler sous nos yeux à travers une narration croisée extrêmement sophistiquée, une merveille de construction qui prend la chronologie en tenaille pour la faire exploser. Deon Meyer fait preuve là d'une maîtrise exceptionnelle de son récit, entretenant sans cesse l'intérêt de son lecteur sans jamais le perdre dans le labyrinthe dans lequel il l'a introduit.
Drame. Car ces personnages ne sont mis en scène que pour le révéler. Un drame réel : le sort des enfants en Afrique du Sud :
Au moins quarante pour cent des cas de viols d'enfants sont imputables au mythe selon lequel cela permettrait de guérir du sida.
Sans insister, sans jamais tomber dans un pathos de circonstance, Deon Meyer fait aussi de ce drame — ces drames, le sida est aussi celui de l'Afrique — le cœur de son récit. Aidé par ses trois personnages, il va construire une intrigue qui les verra se croiser, se rencontrer, pour mettre en lumière une horrible vérité.
Le Pic du Diable est décidément un excellent roman.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Deon Meyer est un des grands auteurs actuels du polar, toute catégorie confondue. N'hésitez pas à explorer sa bibliographie, et dans la mesure du possible, respectez la chronologie pour en apprécier toute la saveur. L'auteur est de ceux qui font vivre leurs personnages au fil de leurs romans, les détaillant toujours un peu plus dans leur complexité. Des personnages qu'on a envie de suivre, pour pouvoir encore les retrouver.
Les dix premières lignes...
Juste avant que le pasteur ne soulève les rabats du carton, le monde se figea et elle vit tout avec une acuité décuplée. Entre deux âges, l’homme était robuste et avait la joue marquée d’un nævus en forme de losange qui ressemblait à une larme déformée d’un rose pâle. Visage anguleux et énergique, cheveux clairsemés peignés en arrière, mains rudes et épaisses, comme celles d’un boxeur. Derrière lui, les livres recouvraient le mur entier en une mosaïque de couleurs alternées. Le soleil déclinant du Free State jetait un rai de lumière sur le bureau, illuminant le carton d’une lueur féerique (…)
Quatrième de couverture...
Pour l’ex-combattant de la lutte anti-apartheid Thobela Mpayipheli, retrouver le pays après les années qu’il a passées en Europe est dur. Chômage, misère, perte de l’être cher, il a tout vécu. Mais il lui reste un fils adoptif, qu’il élève avec amour.
Hélas, cela aussi lui est enlevé. Douleur, colère, puis désir de vengeance chez quelqu’un qui sait tuer : Thobela se met à abattre tous ceux que la justice accuse de pédophilie.
Les meurtres se succédant, la police du Cap confie le dossier à l’inspecteur Griessel. Alcoolique, il devra résoudre l’affaire si famille, travail et honneur, il ne veut pas perdre. Courageux, il fait ce qu’il faut et entre en relation avec Christine, une prostituée qui craint pour sa fillette.
S’engage alors entre Mpayipheli, Griessel et Christine une poursuite où amour, espoir et déchéance se mêlent dans un récit d’une superbe construction.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...