Krakoen - Février 2006
Tags : Roman noir Vengeance Quidam Amérique profonde Moins de 250 pages
Publié le : 1er mars 2006
Mais que vient faire l'histoire du boxeur Amin Lodge, dit le Courtaud, sur le disque dur du portable d'une pigiste du Blue Monthly Stars de Chicago
? Quel rapport peut-il bien y avoir entre un vieux bluesman, Lonnie
Treasure, légende des rives du Mississipi, et un pauvre nègre gagnant
sa vie en se laissant taper dessus pour des clopinettes ? Et pourtant
il existe ce lien puisqu'il est au cœur de ce cinquième roman de Max
Obione qui puise sa substance dans les pots les plus sombres.
Amin Lodge subsiste en boxant pour un organisateur de tournées caressant
dans le sens du poil les bas instincts des red necks locaux. Les
combats sont truqués et les paris ouverts, mais un jour, poussé par
Lorna, la copiaule aguicheuse du patron, Amin ne rentre pas dans la
combine et refuse de se coucher comme prévu dans la troisième reprise.
Pire, il va même jusqu'à résister, jusqu'à vouloir gagner ce combat
contre un mexicain arrogant, et c'est ce qu'il fait. Sauf qu'au lieu de
mettre son adversaire au tapis, son dernier uppercut le tue.
Suit alors une cavale, d'abord en compagnie de Lorna, puis un passage à la clandestinité.
Max Obione navigue dans le noir, mais il sait mener sa barque.
À partir de l'histoire d'Amin Lodge (qu'il affirme être vraie), il met en
place une narration soutenue par une construction savante,
sophistiquée, qui mêle les approches, les styles, les points de vue,
qui éclate de déroulement du temps. On suit ainsi le boxeur en fuite,
mais aussi une journaliste spécialisée dans le blues, tombée par hasard
sur ses mésaventures.
De blues, il est beaucoup question dans ce récit, de pauvres bougres aussi, de vrais salauds, de boxe bien sûr, de déveine, d'amitié, d'enfance martyrisée, d'inceste, de drogue... Ambiance noire garantie, plus que noire même, sans doute
un peu trop appuyée, si bien qu'à la longue, on finit par ne plus y
croire tout ç fait à cette histoire vraie.
Max Obione sonne à la rescousse les clichés du genre, nous donne une
accumulation de situations des plus glauques, à peine éclairée par un
mince rayon de soleil, mais il nous laisse aussi sur notre faim, sur la
fin, quand on aurait voulu comprendre le pourquoi de la haine d'Amin
envers Lonnie Treasure. Serait-ce qu'il n'y avait rien à comprendre ?
Juste une ambiance à ressentir ?
Reste l'écriture, la construction, l'ambiance effectivement, cet éclairage
diffus sur les bons puritains américains, à l'image des "Christ of Love" et autre "Justice of God",
mais au final, on ressort de ce récit, qui se lit d'une traite, avec la
vague impression d'une mise en scène. Du noir, certainement, mais pas
pour faire "joli" j'espère...
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Amin Lodge, dit le Courtaud, n'est pas sans rappeler le personnage de Marvin Molar crée par Harry Crews pour La Malédiction du Gitan.
D'ailleurs, le roman de Max Obione ne s'ouvre-t'il pas sur une citation du même auteur extraite, elle, de La Foire aux Serpents.
Les dix premières lignes...
Extrait du texte retrouvé sur le disque dur du micro-ordinateur portable de Nad Burnsteen, pièce n° E/K 027:
[...] Il regardait fixement les crachats sanguinolents qui flottaient au fond
du seau. Il aurait voulu rire - sinon sourire - du mauvais tour qu'il
venait de leur jouer, mais la coupure de sa lèvre inférieure l'en
dissuada.
- On avait dit à la fin du troisième, Courtaud, bon dieu de merde ! Tu comprends donc pas !
Bien sûr qu'il comprenait. Chow passa l'éponge sur le crâne rasé et la face
du boxeur. L'eau puante dégoulina le long du buste massif
d'Amin (...).
Quatrième de couverture...
De combats truqués en coups foireux, le boxeur Amin Lodge, dit Le
Courtaud, n'en finit plus de tomber dans les tréfonds de la dèche.
Certains soirs, possédé par une irrépressible pulsion de tuer, il court
après son chanteur de blues fétiche qu'il rend responsable de son sort.
La reporter du Blues Monthly Stars enquête...
Très noir : blark !
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...