Krakoen - Mai 2004
Tags : Roman noir Roman d'enquête Discrimination Détective amateur France Années 2000 Moins de 250 pages
Publié le : 31 août 2005
Azrael Zirekian, dit Le Calmar, est au guidon de sa Harley quelque part le long de la Seine. L'été est pourri, il crachine quand, soudain, sa roue
arrière se dérobe : gadin et vexation assurés. Heureusement, pas âme
qui vive ; malheureusement, pas même une mousse pour se nettoyer le
gosier, jusqu'au moment où s'affale devant lui un homme, jeté dehors
d'on ne sait où, par on ne sait qui. Le Calmar récupère l'individu et
dans sa grande bonté, décide de le ramener chez lui.
Mickael Angelo, c'est son nom, habite une barre HLM délabrée où la misère
côtoie... la misère. Azrael est invité à rencontrer la famille le temps
de laver son jean's qui, dans la chute, a fait une rencontre collante
avec une merde canine un peu grasse. Son hôte est un ancien para dont
la dernière mission remonte au Rwanda.
Parti de Paris le matin même, fuyant une énième explication avec sa "moitié"
manucure, Le Calmar a choisi sa destination à la lecture d'un article
du Fig-Lib vantant la douceur de vivre française et plus précisément
celle de Méandreuse sur Seine. Sauf que la solution, pour obtenir toute
cette douceur, consiste à écarter de la ville toute misère, tout
étranger, tout contrevenant à la morale publique. Le sang noir d'Azrael
ne fit qu'un tour ; déjà que l'ambiance générale était au retour de la
puanteur brune, il fallait qu'il se rende compte par lui-même, d'autant
qu'un vieux pote à lui, photographe de son état, créchait dans le coin.
D'ailleurs, Sami Perlan est lui-même victime de la parano ambiante : pour une
histoire de photos prises autour d'une école, on l'a fait passer pour
un pédophile en reconnaissance. Depuis, plus de boulot, et son portrait
robot placardé dans les halls d'immeubles !.. La Ligue des Bienfaisants
veille sur les bonnes mœurs de la ville, un vieux colonel catho pur jus
à sa tête ; mais Azrael, La Calmar, veille aussi !..
Le Calmar... une copine manucure... un vieil avion à retaper... quelques
penchants libertaires... ça ne vous dit rappelle rien tout ça ? Mais si
voyons ! Azrael Zerikian est un cousin de Gabriel Lecouvreur, dit Le
Poulpe. Attention, je n'ai pas dit un clone, un cousin... germain, même
s'il n'a rien d'allemand.
Max Obione nous offre là un réjouissant pastiche de la série initiée par Jean-Bernard Pouy : tous les éléments constituant le cahier des charges de l'aventure poulpienne y sont d'ailleurs réunis ; c'est juste l'éclairage qui est
légèrement modifié, mais l'esprit est intact :
- Moi, je me ballade pour humer l'air du temps.
- Beau métier (...)
- Vous savez l'air du temps, c'est pas toujours du sent-bon, c'est aussi l'odeur de la pourriture.
Max Obione profite de l'aubaine qu'il s'est lui-même donnée et laisse
couler sa colère, sa rage, face à cette société bien pensante qui se
construit sur la peur, qui s'organise, qui récupère, qui met en œuvre
la défiance, qui fait de l'autre un ennemi potentiel... Chacun en prend
pour son grade à Méandreuse sur Seine - mais ne reconnaît-on pas là
cette ville nichée au creux de la Seine, justement, et dont la
cathédrale vit passer une célèbre Jeanne qui allait finir au bûcher ?
L'auteur, à sa manière, met en lumière les accords improbables qui
unissent parfois (toujours ?) des factions opposées, sur le dos de la
plèbe et des miséreux. Chacun y trouve son compte bien sûr, sauf la
piétaille !
Dans une écriture et une langue rafraîchissante, enrichie de néologismes bien sentis, alliant une narration précise à une certaine magie de la description - cette séance de coiffage chez un merlan mélomane à tendance bluesy est un vrai
bonheur, quant au ressenti du timbre de voix de Billie Holyday, il est
tout simplement génial - Max Obione nous apporte un ballon d'oxygène
avec son Calmar, car Azrael ne s'embarrasse pas de préjugés, il rentre
dans le lard, de manière directe, frontale et primaire, et il s'en
donne à cœur joie. Que les fafs, fachos, racistes de tous bords aille
cramer en enfer, il fonce, il défonce : après lui, voire avec lui, le
déluge !..
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Max Obione mérite qu'on s'attache à ses récits, qu'il sait renouveler à chaque nouvelle saillie sans toutefois jamais perdre l'aura noire qui l'accompagne. N'hésitez pas à plonger avec la même envie dans Gaufre Royale.
Les dix premières lignes...
"Ça y est ! Enfin à pied d'œuvre." Il réduisit les gaz. Sur les quais
quelques gros culs lanternaient aux feux. Des nuages roulaient dans le
ciel charriant des vapeurs lourdes. Le souffle de la vitesse ne
chassant plus les gouttes de pluie sur ses lunettes de route, il les
releva. "Putain d'été pourri !" Un engourdissement de fourmis
picoreuses s'installait dans son bas ventre à mesure que les vibrations
de la moto diminuaient de régime. Il obliqua à droite, au bout de
quelques dizaines de mètres, bifurqua vers une église en plein secteur
des marchand à pied. Trop vite (...).
Quatrième de couverture...
Le vieil anarchiste l'encourageait souvent, persuadé qu'il fallait tirer
dans le tas sans sourciller avant que les fachos d'en face n'agissent
de même :
- Sois sans pitié, petit frère ! Trop de mollesse, trop d'erreurs, trop d'indiscipline, trop de compromis.
Tire le premier, petit frère, c'est un combat sans merci.
L'espingo avait la recommandation saignante.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...