Rivages / Thriller - Février 2000 - Traduction (anglais) : Isabelle Maillet
Tags : Roman noir Roman d'enquête Serial Killer Détective privé Boston Années 1990 Plus de 400 pages
Publié le : 31 janvier 2006
Après Mystic River et Un Dernier Verre avant la Guerre, je continue de découvrir l'œuvre de Dennis Lehane avec un plaisir sans failles.
Lehane, comme chacun, écrivain ou pas, a ses obsessions, ce regard sur la vie
qui n'appartient qu'à lui et qu'il réussit à faire passer admirablement
dans ses romans. Et dans celui-ci en particulier.
Reprenant le thème de l'enfance, et de l'impact que peut avoir le passé même
vingt ans plus tard, Dennis Lehane explore les hasards de la vie, qui
parfois sauvent parfois condamnent irrémédiablement.
Dans cet opus, Patrick Kenzie et Angela Gennaro sont confrontés à plusieurs
tueurs directement sortis de leur enfance, probablement des types
qu'ils ont côtoyé sans le savoir, qui vivaient dans le même quartier, à
qui ils ont échappé, provisoirement.
C'est terriblement noir et désenchanté, jusqu'à cette question du choix qui
rappelle les pires chantages. Choisir entre les personnes que l'on
aime, parce que toutes ne pourront pas survivre. Simplement parce que
quelques types sanguinaires se prennent pour Dieu, et ont décidé que si
l'homme avait été créé avec la faculté de souffrir, alors il ne fallait
pas gâcher ce potentiel.
Crucifixions, démembrements, torture, tout y est. Descriptions sordides, qui
finissent de renvoyer définitivement nos deux héros face à leurs
propres peurs, malgré leurs airs bravaches et leur carapace contre le
monde.
Ce roman m'a fait penser à À Cause de la Nuit, de James Ellroy, par le cassage de gueule en règle que l'auteur fait subir à ses personnages.
Pour finalement les retrouver haletants, détruits, cherchant à se
reconstruire dans la seule chose qui leur reste : leur amitié et leur
lien profond depuis toujours.
La différence avec Ellroy, c'est que chez Lehane, malgré toutes les dégueulasseries
que traversent les héros, on sent toujours en filigrane la tendresse de
l'auteur pour ses êtres de papier.
Dire que l'on n'en sort pas indemne relève de l'euphémisme.
Il nous reste à la fin de la lecture cette dernière protection illusoire de se dire que tout ça n'est finalement qu'un livre.
Mais même cette illusion ne fait pas long feu. Car Lehane est suffisamment
doué pour convaincre que, non, ça n'est pas qu'un livre. C'est la
description de ce qu'est l'être humain, de ce qu'il peut faire, et de
ce contre quoi il ne peut pas lutter.
Alors, on pourra se demander, pourquoi lire ça ? Pourquoi chercher l'évasion
dans un livre où l'on ne trouvera que la noirceur de la réalité ?
Parce que c'est beau. Superbement écrit. Touchant.
Parce que ça fait réfléchir et que ça relativise beaucoup de choses.
Ça rappelle aussi qu'il reste des sentiments et des êtres qui transcendent
la noirceur, et qu'avant d'être emporté par les ténèbres, il faut
absolument en prendre soin.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Si vous n'avez pas encore lu Mystic River, du même auteur, il est grand temps de vous y mettre.
Et sinon, vous pouvez poursuivre la route avec les deux écorchés vifs favoris de Lehane, dans Gone, Baby Gone, Sacré et Prières pour la Pluie.
Les dix premières lignes...
Quand j'étais gosse, mon père m'a emmené un jour sur le toit d'un immeuble qui venait de brûler.
Il me faisait visiter la caserne lorsque l'alerte avait été donnée, et du
coup, je m'étais retrouvé à côté de lui dans la cabine du camion, tout
excité de sentir l'arrière du véhicule chasser dans les virages, tandis
que les sirènes hurlaient et que la fumée jaillissait devant nous en
gros nuages bleus, noirs, épais (...).
Quatrième de couverture...
Une nuit, la psychiatre Diandra Warren reçoit un appel anonyme et menaçant
qu'elle croit lié à l'une de ses patientes. Quand arrive au courrier
une photo de son fils Jason sans aucune mention d'expéditeur, elle
prend peur et demande de l'aide à Patrick Kenzie et Angela Gennaro.
C'est pour les deux détectives le début d'une affaire bouleversante qui
va les confronter à l'inacceptable, jusqu'à l'imprévisible dénouement.
La peur, la compassion, la répulsion, l'amour, toutes ces émotions sont
remarquablement mises en scène par Dennis Lehane dans un livre qu'on ne
lâche pas avant la dernière page et dont les échos résonnent bien après
qu'on l'a refermé.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...