L'Affaire N'Gustro

Jean-Patrick Manchette

Gallimard / Série Noire - Avril 1971

Tags :  Roman noir Polar politique Polar social Discrimination Corruption Truand Quidam France Années 1970 Original Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 11 février 2012

Recommandé Plus personne ne se souvient réellement de l’affaire Mehdi Ben Barka (cf. article Wikipédia) qui est encore une affaire sombre de l’histoire contemporaine de la Vème République. Six ans après les faits, Manchette entre dans le roman noir de plain-pied avec force. Il dynamite les règles du polar et invente le roman noir comme charge politique et sociale. On parlera vite de « néo-polar »…

Henri Butron est un raté, un peu parano, un peu narcissique. Henri Butron est un personnage antipathique qui ne croit qu'à la réalité de l'argent, un bon capitaliste et qui a choisi d’en être le bras armé, le bras fasciste. Au Lycée déjà « on mettait des croix celtiques, des OAS VEILLE », mais c’était des « choses d’après-boire ». Un attentat à la grenade, raté, contre un local de soutien au général De Gaulle et Butron se prend dix ans. Il sera en marge de la société, il sera ce raté qu’il n’a jamais cessé d’être
Butron nous livre ses confessions d’un ton monocorde et lent, complaisant avec lui-même. Le Maréchal George Clémenceau Oufiri écoute la bande en dégustant un whisky avec un cigare Schimmelpennick.
Et Butron continue :

« Moi je suis fasciné, je le dis. Tout ce que la civilisation a produit. C’est impressionnant de richesse, et par contrecoup, la pauvreté de l’existence est impressionnante aussi… par pauvreté de l’existence j’entends, le point auquel on s’emmerde.

Infiltré chez les rebelles du Zimbabwin, Henri Butron organise un rendez-vous fatal entre N'Gustro, le chef de l'opposition, ce « nègre » et Oufiri, le ministre de l'Intérieur.

Et ainsi de confessions sur bandes magnétiques de Butron, en flashbacks, puis dans l’écoute de Oufiri des bandes obtenues manu militari, on en apprend plus sur le parcours de Butron, et ce néo-colonialisme raciste qui l’anime. Poussé par le besoin d’argent il va donner Dieudonné N’Gustro à Oufiri sur un plateau.
« L’idéal, ce serait que N’Gustro soit mort » et de cette idée folle va naître le plan foireux de Butron, ce pseudo-barbouze, mais qui ne va pas faire le poids face aux services spéciaux du Zimbabwin. Les « nègres » qu’il aime si peu vont bien se jouer de lui. Et Oufiri s’amuse de la condescendance occidentale de Butron.

Ce récit noir est une œuvre majeure. C’est la pièce maîtresse d’un courant nouveau « le néo-polar ». C’est un roman un peu oublié, éclipsé par le talent unique de Manchette qui ne cessera de s’affirmer de plus en plus et qui va atteindre son apogée avec Le Petit Bleu de la Côte Ouest et La Position du Tireur Couché.
L’écriture est si neuve que les lecteurs en sont décontenancés. Robert Soulat, patron de la série Norie qui a pris la relève de Duhamel, dira même à Manchette qu’il « s’attendait à voir apparaître un auteur parachutiste et paranoïaque » (Journal de J-P Manchette, 3 avril 1970).

Manchette s’attaque à tout : le tiersmondisme, la Françafrique, les barbouzes des services français, les fascistes de l’OAS, les tyrans africains, la décolonisation, le mode de production capitaliste ; tout ça donnant un roman noir qui se déroule non plus dans une Amérique fantasmagorique, mais dans une France bien réelle, à Rouen, dans l’appartement miteux de Butron.
Les mots manquent pour qualifier ce roman : pièce maîtresse, incontournable, inaltérable…
Manchette entre dans le roman noir comme on entre en religion. Un vrai sacerdoce. Il n’en sortira plus. Manchette ce n’est pas un talent inné, c’est un travailleur méthodique, des milliers de pages de notes dans son journal sur l’actualité et ceci depuis la fin des années soixante jusqu’à sa mort en 1995. Manchette est à lui seul le monument du roman noir français.


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Quelques pistes à explorer, ou pas...

L’ensemble de l’œuvre de Jean-Patrick Manchette
Daeninkx : Meurtres pour Mémoire
Fajardie : La Théorie du 1%

Le début...

Les dix premières lignes...

Henri Butron est assis tout seul dans le bureau obscur. Il porte une veste d’intérieur à brandebourgs. Sa figure est pâle. Il sue lentement. Il a des lunettes noires sur les yeux et un chapeau blanc sur la tête. Devant lui, il y a un petit magnétophone, qui tourne. Il trébuche sur certains mots.
La nuit est assez avancée et le silence total autour de la demeure ; éloignée du port de Rouen.
Butron a terminé. Il se lisse la moustache et arrête le magnétophone. Il rembobine l’enregistrement. Il a l’intention de l’écouter. Sa propre vie le fascine (...)


La fin...

Quatrième de couverture...

Une vraie tête à claques, ce Butron. Méchant, prétentieux, naïf, paranoïaque et sadique sur les bords, il voulait tout et tout de suite et se prenait pour un pur. Il se mêla de politique et de complots, pour la rigolade, l'argent, la gloire, et N'Gustro, un leader du Tiers Monde, paya les pots cassés. Butron, floué par les Puissants, les Barbouzes, les Politicards, n'avait aucune chance de s'en tirer. Il ne s'en tira pas.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Jean-Patrick Manchette










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