Gallimard / Série Noire - Janvier 1984
Tags : Roman d'enquête Polar politique Discrimination Flic Années 1980 Littéraire Entre 250 et 400 pages
Publié le : 30 juin 2006
Le roman s'ouvre sur les prémices d'une manifestation. Plusieurs personnes se rendent au même endroit. Des français musulmans qui vont protester contre un arrêté décrétant un couvre-feu destiné à eux seuls… Un prof d'histoire habitant le quartier assiste à l'événement. Un événement qui dégénère, les forces de l'ordre font un carnage et les cadavres se multiplient. Au milieu de tout ça, le prof d'histoire est exécuté. Sa mort passera pour un des dommages collatéraux de la répression. Nous sommes le 17 octobre 1961 et le bilan officiel de la manifestation ne fera état que de trois morts.
Vingt ans plus tard, l'inspecteur Cadin est confronté à un assassinat dans le secteur de Toulouse où il opère. Il s'agit du fils du prof d'histoire et Cadin va mettre à jour des événements que l'on a tout fait pour cacher…
Daeninckx écrit son roman en 1983. Les événements d'octobre 1961 ne sont pas alors de ceux dont l'état français aime entendre parler. Des événements longtemps passés sous silence. Et Daeninckx soulève le lièvre.
Il a eu l'idée de l'écrire en cherchant un sujet pour un roman policier. Il veut parler d'un criminel et, tout naturellement, il pense au criminel qu'il connaît le mieux. Celui dont sa famille a toujours parlé. Le responsable de la répression au métro Charonne qui a fait plusieurs morts lors d'une manifestation. Des membres de la famille de Daeninckx y étaient, ils s'en sont sortis mais resteront à jamais marqués par la violence policière de ce jour-là. En enquêtant, Daeninckx découvre une autre manifestation dont personne ne parle, une manifestation dont le bilan est beaucoup plus lourd, quelques mois avant Charonne. Son enquête le ramène aussi aux pages les plus sombres de la seconde guerre mondiale.
Meurtres pour Mémoire est avant tout un roman policier, malgré son sujet, un sujet tellement énorme qu'il pourrait annihiler toute tentative de fiction se greffant dessus. Daeninckx a su imaginer une intrigue qui tient la route, une intrigue qui vous tient en haleine. On veut aller au bout, on veut connaître l'épilogue et les raisons de ce double assassinat à vingt ans d'intervalle. Les personnages, à commencer par celui de Cadin, sont proches de nous, l'écriture est efficace, parfaitement maîtrisée et non dénuée d'humour. Daeninckx prend son temps, ponctuant son intrigue ici et là d'anecdotes historiques à fort relent social. C'est léger, intelligent, d'une intelligence contagieuse qui vous fait dire en refermant le livre que non seulement vous avez passé un bon moment mais qu'en plus vous avez appris des choses.
C'est un roman majeur du polar français, un roman ancré dans l'histoire et ses méandres pas vraiment reluisants. Un grand roman.
À lire sans faute.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Meurtres pour Mémoire a obtenu en 1984 le Grand Prix de Littérature Policière.
Didier Daeninckx a écrit d'autres bouquins, la plupart ont à voir avec notre histoire récente, avec les travers de notre société… Il a récemment repris ce thème de la face cachée de notre république, des manipulations des sbires de l'état pour garder certains secrets pas toujours jolis, ça s'appelle Itinéraire d'un Salaud Ordinaire.
Les dix premières lignes...
La pluie se mit à tomber vers quatre heures. Saïd Milache s'approcha du bac d'essence afin de faire disparaître l'encre bleue qui maculait ses mains. Le receveur, un jeune rouquin qui avait déjà son ordre de mobilisation en poche, le remplaçait à la marge de l'Heidelberg.
Raymond, le conducteur de la machine, s'était contenté de ralentir la vitesse d'impression et il revenait maintenant à la cadence initiale. Les affiches s'empilaient régulièrement sur la palette, rythmées par le bruit sec que faisaient les pinces en s'ouvrant. De temps à autre Raymond saisissait une feuille, la pliait, vérifiait le repérage puis il glissait son pouce sur les aplats pour s'assurer de la qualité de l'encrage (...).
Quatrième de couverture...
Paris, octobre 1961 : à Richelieu-Drouot, la police s'oppose à des Algériens en colère. Thiraud, un petit prof d'histoire, a le tort de passer trop près de la manifestation qui fit des centaines de victimes. Cette mort ne serait jamais sortie de l'ombre si, vingt ans plus tard, un second Thiraud, le fils, ne s'était fait truffer de plomb, à Toulouse.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...