Gallimard / Série Noire - 1976
Tags : Roman noir Quidam Années 1970 Populaire Moins de 250 pages
Publié le : 31 octobre 2005
Georges Gerfaut est cadre commercial chez ITT et parcourt les routes en
écoutant du jazz. Il mène une vie "heureuse" et matériellement enviable
: jolie femme, beaux enfants, bel appartement parisien, situation
professionnelle prospère, une chaîne hi-fi dernier cri qui diffuse du
west coast... Mais l'ennui n'est pas loin, la dépression le guette.
Lors d'un de ses déplacements d'affaire, il croise sur la route un accident
de la circulation, s'arrête et porte secours au conducteur blessé en le
transportant jusqu'à l'hôpital le plus proche. Là, sans raison, ou tout
simplement pour éviter les embrouilles, il s'enfuit, disparaît sans
demander son reste, rentre à Paris et se prépare à partir en vacances
en famille, à s'emmerder...
À peine arrivé en Charente, sur la plage, il est victime d'une tentative d'assassinat,
sans jamais comprendre son origine. Sur un coup de tête, un coup de ras
le bol, il disparaît à nouveau, plaque femme, enfants et maison de bord
de mer. Mais les tueurs sont toujours sur sa piste...
Gerfaut a perdu tout ressort. Laminé, il se traîne dans la vie, dans son
métier, dans sa famille, sans envie, sans passion. Jean-Patrick
Manchette nous présente un cadre mal dans sa peau qui se perd à vouloir
suivre les rails luisants de la réussite sociale.
Gerfaut apparaît dans une espèce de brouillard confus ; il ne sait pas où il
va, et nous non plus. La première partie de ce roman laisse le lecteur
avec ses points d'interrogation. Manchette entretient un certain
imbroglio qui marque l'état d'esprit de son personnage, plus "juste"
que n'importe quelle description, le contrebalançant par une extrême
précision dans l'exposé "matériel" : un quidam achète une pellicule
photo, c'est une Kodachrome X, 36 vues, une voiture passe, c'est une
Lancia Beta Berline 1800 écarlate, mais c'est surtout au niveau des
armes que les détails (comme à son habitude) sont les plus fournis :
modèles, années, il ne manque que les numéros de série... Beaucoup de
"possessions", mais le vide dans la tête...
La fuite de Gerfaut est une quête de lui-même, une recherche de la vérité,
avec la mort sur les talons. Il y trouvera le désintéressement, un peu
d'amour, mais peut-être pas de réponse formelle.
L'auteur profite également des errements de son personnage pour glisser de
nombreuses références au jazz west coast qu'il lui fait écouter : Lee
Konitz, Gerry Mulligan, Lennie Tristano, Jimmy Giuffre... Le roman
pourrait presque être accompagné d'un CD.
Une belle parabole, écrite en 1976, alors que la "crise économique" posait
ses premiers jalons et qu'aucune crise de conscience ne perturbait
grand monde. Quand on vous dit que Manchette était visionnaire !.. Mais
qu'écrirait-il aujourd'hui ?..
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Le Petit Bleu de la Côte Ouest a été l'objet d'adaptations diverses et variées.
Au cinéma d'abord, en 1980, avec le film de Jacques Deray, Trois Hommes à Abattre,
où Delon reprenait le personnage de Gerfaut, passant pour l'occasion de
Georges à Michel. Jean-Patrick Manchette participa lui-même à
l'écriture du scénario qui diffère quelque peu du roman.
Plus récemment, c'est Jacques Tardi qui s'est emparé de ce récit et en a
tiré une bande dessinée à l'occasion du dixième anniversaire de la mort
de Manchette, et qui n'est pas sans rappeler sa précédente
collaboration avec l'auteur du roman, c'était en 1978 pour Griffu, ou ses adaptations des Nestor Burma de Léo Malet.
Les dix premières lignes...
Et il arrivait parfois ce qui arrive à présent : Georges Gerfaut est en
train de rouler sur le boulevard périphérique extérieur. Il y est entré
porte d'Ivry. Il est deux heures et demie ou peut-être trois heures et
quart du matin. Une section du périphérique intérieur est fermée pour
nettoyage et sur le reste du périphérique intérieur la circulation est
quasi nulle. Sur le périphérique extérieur, il y a peut-être deux ou
trois ou au maximum quatre véhicules par kilomètre (...).
Quatrième de couverture...
Le malaise des cadres, c'est pas rien ! Vous avez femme, enfants,
bagnole, télé, et voilà que vous vous sauvez. Tout ça parce que deux
rigolos essaient de vous flinguer. Et vous savez même pas pourquoi. Un
jour, camarade, il faudra quand même comprendre.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...