Gallimard / Série Noire - 1972
Tags : Roman noir Polar politique Quidam France Années 1970 Populaire Moins de 250 pages
Publié le : 23 novembre 2005
Une bande d'anarchistes préparent le gros coup : l'enlèvement de
l'ambassadeur des États-Unis en France. Il y a là Darcy, un peu
alcoolique, Treuffais, professeur de philosophie, Meyer, serveur dans
une brasserie et obnubilé par son hystérique de femme, Diaz, enfin, le
catalan...
Écrit au début des années soixante-dix, Jean-Patrick Manchette aborde avec ce roman les
mouvements activistes de l'époque. Militantisme, revendications, lutte
contre le capitalisme emplissent les esprits d'une jeunesse en mal
d'idéal ; certains passant à l'acte, sans grande organisation, mais
marquant des points face aux pouvoirs en place. On pense bien sûr à des
groupes comme Action Directe en France, les Brigades Rouges en Italie, la Bande à Baader en Allemagne... La révolution est à l'ordre du jour.
Manchette décrit les interrogations, les motivations des membres du groupe Nada, il éclaire les intransigeances de certains, le goût du compromis des autres :
Le terrorisme ne se justifie que dans une situation où les révolutionnaires n'ont pas d'autres moyens de s'exprimer et où la population soutient les terroristes.
Ou encore, un peu plus loin :
C'est un intellectuel. Il continuera toute sa vie à manger de la merde et à dire merci et à voter blanc aux élections. Mais l'histoire moderne n'a que faire des bouffeurs de merde.
Face à ceux-là, l'auteur oppose les forces de l'ordre et leurs méthodes, cognant avant de poser des questions, pratiquant allègrement les magouilles et les arrangements :
- Vous avez essayé de lui tordre les couilles ?
- Ce serait torturer, dit Goemond. Chez nous, on ne torture pas. Enfin, on verra, s'il s'obstine.
Manchette met en scène l'organisation, la mise en œuvre, la réalisation de l'enlèvement puis le ratage qui s'en suit, jusqu'au carnage final. Il montre la détermination farouche, le désespoir qui animent les membres du groupe, mais aussi la duplicité du pouvoir, ses méthodes de barbouze, puis il renvoie tout le monde dos à dos :
Le terrorisme gauchiste et le terrorisme étatique, quoique tous mobiles soient incomparables, sont les deux mâchoires du... du même piège à cons.
Aidé par une écriture limpide, un style qui cherche le mot juste, sans fioritures, visant l'essentiel,
Jean-Patrick Manchette nous offre là un roman d'une grande noirceur et
d'une grande lucidité, visionnaire même puisqu'il préfigure déjà les
impasses de la lutte armée...
Sûrement son roman le plus engagé, un
régal !..
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Un
conseil que je vous glisse, mais que je me destine tout autant : si
vous n'avez pas encore lu tout Manchette, on peut dire deux choses :
vous avez la chance de pouvoir encore le découvrir, sans doute
savez-vous ce qu'il vous reste à faire...
Nada a été adapté au cinéma en 1974 par Claude Chabrol, Jean-Patrick
Manchette ayant participé à l'écriture du scénario. Dans les rôles
principaux, Fabio Testi et Mariangela Melato.
Les dix premières lignes...
Ma chère Maman,
Cette semaine je n'attends pas qu'on soye samedi pour t'écrire car j'en ai à
te raconter des choses, ho là là !!! En effet les Anarchistes qui ont
kidnappé l'ambassadeur des États-Unis, c'est nous qui les avons eux,
c'est-à-dire notre escadron. Moi là tout de suite, je me hâte de te
dire que personnellement je n'en ai pas tué le moindre. Je le précise
car je sais que tu en serais bien ennuyée, ma petite Maman (...).
Quatrième de couverture...
Comme le dit très justement le gendarme Poustacrouille, qui
participa à la tuerie finale, "tendre la joue c'est bien joli", mais
que faire quand on a en face de soi "des gens qui veulent tout
détruire" ? On crache sur le pays, la famille, l'autorité, non mais des
fois ! Quelle engeance, ces anars ! Et quelle idée aussi de croire
qu'on va tout révolutionner en enlevant l'ambassadeur des États-Unis à
Paris !
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...