Gallimard / Série Noire - Février 2008
Tags : Roman noir Serial Killer Vengeance Flic France Années 2000 Plus de 400 pages
Publié le : 29 août 2008
Ce Versus tant vanté par les critiques m’inspirait méfiance, la lecture a confirmé cette impression.
Premier élément vanté : le style, qui m’a paru bien artificiel. Ne reprochons pas à Chainas les envolées qui l’ont comparé à Céline ou Dantec, mais plutôt son utilisation non maîtrisée des phrases courtes ou des répétitions de vocabulaire pour marteler une ambiance. Un peu à l’image de son utilisation fluctuante de l’absence de négation :
Mais il n’eut pas le temps de parler. (...) les techniciens savaient plus s’ils devaient commencer à quadriller le secteur ou non (...) Ce ne fut qu’une fois (...)
De la même manière, les métaphores sont un peu usées :
trembler comme une grand-mère atteinte de Parkinson
et certains paragraphes reprennent six fois en dix lignes le verbe être, avec pour conséquence d’appauvrir considérablement le texte.
Deuxième éloge entendu : la noirceur. J’aime bien les romans noirs, les histoires de tueur, David Goodis, Robin Cook. Il y a de la finesse chez ces auteurs. Dans Versus, on sent la volonté de marquer le lecteur. D’abord par un portrait à coup de truelle du personnage principal, le flic Nazutti, la légende du commissariat. Les cinquante premières pages du livre vous expliquent bien à quel point il est dur, haineux envers tout le genre humain : femmes, pédés, syndicalistes, Noirs, Arabes, touristes, hommes de pouvoir... Tout le monde représente pour lui une déviance, et lui seul est garant d’une société à préserver. Un peu lourd, à grands coups de « putain » parce que forcément ce genre de flic, ça jure. Pas de surprise. Nazutti est outrancier dans l’incarnation d’un concentré de mauvais flic mais super justicier. On a envie de lui demander à quoi bon sauver les gens puisque les victimes rentrent certainement dans une des catégories qu’il déteste. Au nom d’un principe malgré tout ?
Mais des fois qu’on n’aurait pas compris, page 60 un des personnages nous fait la synthèse :
On le disait misogyne, homophobe, anti-jeune, misanthrope, raciste... à croire que le bonhomme cristallisait à lui tout seul les peurs et les haines de ses camarades.
Et puis, comme si l’auteur avait craint de trop en faire et de ne pas déclencher de sympathie envers son héros, il adoucit le portrait. En fait Nazutti a un pote flic Arabe, en fait Nazutti sait se tenir avec la femme de son collègue, en fait Nazutti peut être tendre... Dans un dialogue qu’on sent justification, il explique à son collègue qu’il connaît les conditions de vie misérables des immigrés mais que ça ne change rien, ce qui compte c’est qui sont les voyous à combattre.
Il faut rendre coup pour coup, sans pitié. Ne jamais baisser les bras, ne jamais tourner le dos. Parce que si tu donnes dans la compassion, si tu tentes l’empathie ne serait-ce qu’une seule fois, si tu baisses la garde juste une seconde, c’est la fin.
Il n’y aurait eu aucun problème avec la pensée de Nazutti, on peut ne pas la partager, si le personnage avait été crédible. Mais ses failles et hésitations sentent les doutes de son créateur bien plus que l’humain.
On aura aussi droit, comme il est de bon ton dans ce genre de roman, aux descriptions techniques, car bien sûr Nazutti s’intéresse aux arts martiaux et connaît parfaitement l’anatomie :
La compression du nerf supra-scapulaire de l’épaule a dû entraîner une paralysie du deltoïde avec perte de l’abduction. (...) Il a encore voulu me frapper. J’ai pas eu d’autre choix que d’opérer un gaeshi au niveau du carré pronateur, juste au-dessus du poignet.
Les armes aussi font l’objet de descriptions techniques, pour autant on est loin de la maîtrise d’un Manchette.
En fait, une phrase et le mot utilisé résument toute la tendance de ce roman :
Nazutti était déjà retourné à ses activités borderline.
Borderline, je n’y peux rien mais voilà à mon sens comment un mot peut représenter toute la fausseté et le tape à l’œil, malgré le petit crédit intellectuel tenté un peu plus loin :
Bettelheim, qui toute sa vie a étudié les comportements humains en situation extrême et qui n’a pas survécu à sa propre condition. Debord, qui n’a pas supporté l’horreur de la société du spectacle qu’il décrivait. Deleuze, mort la bouche ouverte, à bout de souffle, après avoir mis en lumière les corps sans organes des schizophrènes.
Véritablement, j’ai passé plus de temps à relever des éléments de l’histoire outranciers qu’à me laisser porter par la quête de ce tueur et l’étalage psychologique d’un personnage grossier dans le trait. À trop insister, comme avec ce club de l’extrême où ceux atteint de perversions viennent se soulager/soigner, l’impact est raté. On est écœuré, non pas des actes, mais de l’outrance. On en trouve une illustration avec le crématorium où Nazutti se rend :
Comme la plupart des bâtiments dévolus aux aspects les plus abjects de la condition humaine, celui-ci marchait à cent pour cent de ses capacités (...)
Voilà donc la mort devenue abjecte, mais au fait pour qui : le narrateur, l’auteur ? Le problème de cette phrase symbolise également un autre aspect non maîtrisé dans tout le roman : la narration semi-omnisciente jamais bien définie.
Un seul élément m’a plu dans tout ça, le personnage de Guizmo, le flic qui bascule dans l’ombre. Épuré de toutes ces lourdeurs, le roman aurait pu atteindre la puissance qu’on lui reconnaît.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Euh... vous aimerez peut-être son premier roman Aime-moi, Casanova.
Sinon définitivement, pour une histoire bien noire, glauque, avec un personnage de tueur complètement barré et un flic très limite, je recommande plutôt Robin Cook et J'étais Dora Suarez.
Les dix premières lignes...
« Enfoiré ! Espèce de tapette à la con ! Sale fiotte de merde ! Pedzouille ! Putain de bouffeur de terre jaune ! Enfileur de bagouses ! Tu crois que je vais me laisser faire, tata Yoyo ? Tu crois que j’ai peur de toi ? Peur de ce que tu pourrais faire ? Mais je t’emmerde ! Je t’emmerde bien profond. On va aller au bout, et que ça te plaise ou non, tu vas me suivre. T’entends ça, pédé ? Tu vas me suivre. »
L’inspecteur Nazutti se frotta les yeux avec les pognes. Il se lissa les cheveux en arrière en se mirant dans le rétro. Beau mec, Nazutti, beau mec. Visage plein, carré. Maxillaires puissants, front large. Coupe en brosse et regard franc. Encore la trique (…)
Quatrième de couverture...
Si le major Paul Nazutti n'a pas la réputation d'être un tendre, c'est qu'il est en guerre. En guerre contre les tueurs d'enfants, les satyres, les pervers. Une guerre sans merci qui s'est étendue, dans son esprit, à tous et à toutes. Une guerre contre le monde entier.
Mais combien de temps peut-on vivre rongé par la haine ?
C'est ce qu'Andreotti, jeune inspecteur idéaliste, va découvrir à ses dépens, tandis qu'au sortir d'une affaire longue et douloureuse il reprend du service aux côtés de Nazutti.
Rose Berthelin, quant à elle, a tout perdu. Sa fille, son mari, ses amis, sa famille. Elle trouvera la force, lentement, de se reconstruire et de dompter ses propres démons. Le passé ressurgira en force un jour, tandis qu'elle croyait avoir trouvé la paix, sous la forme de lettres anonymes. Jusqu'au bout, cette fois, Rose devra reprendre son combat. Et retrouver, peut-être, la lumière qui vient d'où on ne l'attend pas...
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...