Gallimard / La Noire - Septembre 1996 - Traduction (anglais) : Maurice Rambaud
Publié le : 15 mars 2008
Il y a des bagnoles. Beaucoup de bagnoles. Des flambant neuves, des occasions, des carcasses, aussi, puis des cubes de la taille d’une valise. Il y a des hommes et des femmes dans cette circulation impensable ; ce flux constant qui sème des gaz et vous travaille aux tripes.
Parmi ces hommes, il y en a un qui décide de manger une voiture. Une Ford Maverick toute neuve. Si le roman s’intitule Car au singulier, c’est peut-être à cause d’elle. Ou bien pour l’entité « Car », puisque rien dans cette histoire n’aura lieu sans qu’une cylindrée n’y soit mêlée, d’une façon ou d’une autre.
Noire comme de l’huile de vidange après vingt-mille bornes, cette histoire nous laisse roder en permanence entre les taules défoncées, les pare-chocs impeccables, lorsqu’il ne s’agit pas des banquettes arrières et d’une mystérieuse pièce qui couine dans le ventre d’une Cadillac – anomalie qu’il va bien falloir débusquer, et pénétrer pour cela le corps mécanique ; l’explorer de fond en combles ; y mettre les mains, les yeux, le nez, puis ramper tant qu’à faire dans les organes bouillants de Car.
C’est l’histoire d’un charnier baptisé Auto-Ville, dans lequel on a creusé des galeries secrètes afin de se trouver. Un vaste dédale, de plus en plus complexe, de plus en plus marqué, vous démange, vous donne l’eau à la bouche et hante vos rêves les plus hallucinants. Des bouts de ferraille et des bruits de moteurs qui vous parcourent de long en large, mais de préférence à la verticale, dans le sens de la digestion. Puisque rien dans cette histoire n’aura lieu sans que le corps organique n’y soit mêlé, d’une façon ou d’une autre – et le corps social tout entier, contaminé, aspiré par le grand spectacle.
Tout ceci peut faire vomir, ou au contraire chatouiller les pulsions les plus inattendues. C’est bien ce que Harry Crews envisageait, semble-t-il. Son écriture fonctionne à la façon d’un système de rouages parfaitement huilés dans lequel on se laisse entraîner sans se douter de rien, et tout en se trouvant pris… disons à proximité d’une broyeuse. Ce n’est pas poétique, ce n’est pas recherché ; ça n’a l’air de rien, à vrai dire. Simplement, le doute s’installe et il perdure : il y a l’homme et il y a la voiture – lequel des deux mange l’autre ?
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Crash de JG Ballard ?
Avant d'être réédité en 1996 chez Gallimard, dans la collection La Noire, sous son titre original, Car, ce roman avait été publié une première fois en 1974 chez Albin Michel dans la collection Les Grandes Traductions, soient deux ans seulement après sa parution aux États-Unis. Nous sommes d'accord sur le fait que le titre français, Superbagnole, n'était pas forcément le meilleur, mais avouez que chez Albin Michel, à l'époque, ils faisaient le boulot…
Les dix premières lignes...
Il y avait longtemps que Mister, juché tout en haut de la presse à voitures, ne s’était à ce point senti transporté de joie. L’après-midi avait amené une série de Cadillac. Et c’était un présage, un présage merveilleux. Il en avait besoin. Ils en avaient tous besoin. L’énorme engin qui lui servait à réduire les voitures au gabarit de valises vibrait et palpitait sous lui. Enfermé dans la petite guérite jaune à trente pieds du sol, Mister empoigna les commandes et emballa le moteur (…)
Quatrième de couverture...
Qui n’éprouve, un jour ou l’autre, la tentation de s’approprier complètement ce qu’il aime, non seulement par désir de possession intime, mais par besoin de communier et de s’identifier avec l’objet aimé ? Tel est le cas d’Herman Mack, fils du propriétaire d’un cimetière de voitures. Son originalité, toutefois, c’est d’être amoureux non d’une femme, mais d’une automobile, une Ford dernier modèle. Aussi est-il à peine paradoxal de dire que Car est avant tout un roman d’amour, l’histoire de la relation passionnelle entre un homme et sa voiture, symbole de toutes les voitures d’Amérique.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...