Gallimard / La Noire - Mars 1994 - Traduction (anglais) : Philippe Rouard
Tags : Roman noir Comédie Original Humoristique Moins de 250 pages
Publié le : 1er mai 2006
Harry Crews est un auteur à part dans la littérature américaine. Les
sujets qu'il aborde pourraient sortir tout droit des poubelles d'autres
écrivains. Tout comme les personnages qu'il fait vivre dans des univers
cabossés. Tout ce qui semble rebut de la société, il prend, il malaxe,
il transforme. La misère humaine devient de l'or pour ses lecteurs, car
Harry Crews est un alchimiste du récit. Nous rendre sympathiques des
héros qui, a priori, devraient nous laisser indifférents, voire nous
horripiler, c'est la grande force de cet auteur de romans noirs, noirs
mais ajourés de petites taches de lumière et d'optimisme.
Ainsi, "Body" nous entraîne dans le monde effarant du culturisme. Quelque part en
Floride se déroulent les championnats du monde du bodybuilding. Les
concurrents se préparent à la grande kermesse dans un énorme hôtel, et
parmi eux, ceux que l'on va suivre, une ancienne grosse jeune fille et
son entraîneur qui veut faire d'elle Miss Univers. Il y est donc
question de corps qu'il faut entretenir en permanence, qu'il faut
muscler, masser, huiler ; de produits illégaux à absorber en douce ; de
régime et d'amour, bien que le sexe ne soit pas recommandé juste avant
une compétition. Satisfaire sa libido affaiblit la tonicité. Dans tous
les sports, les coaches sont intransigeants sur ce sujet.
Mais tant pis, notre sculpturale championne tombe dans les bras d'un autre
compétiteur. Dès lors, les pauses deviennent torrides entre les séances
de travail. La chair connaît le plaisir pour que passe plus facilement
la douleur des efforts à fournir pour être au top au jour et à l'heure
de la célébrité.
Au fil des pages, de descriptions en confidences, l'émotion nous gagne.
Nous finissons par prendre plaisir à la compagnie de ces
extraterrestres qui, démonstration à l'appui, nous prouvent que le
bodybuilding est un art de vivre, une philosophie qui, plus que
redessiner les silhouettes, grandit l'âme et mène à la spiritualité. Ne
riez pas.
Seulement, les culturistes ne sont pas seuls au monde sur la planète Body qu'ils partagent avec les ploucs
que nous sommes. Et voilà justement que des ploucs débarquent durant la
manifestation. La famille de notre presque Miss Univers arrive au grand
complet, comme des éléphants dans un ballet de danseurs étoiles. Le
fiancé de la Miss est du voyage et c'est une brute, un dingue, l'homme
d'un seul neurone, mais armé comme un GI's en partance pour la Guerre
du Golfe. Dire qu'entre culturistes et ploucs il va y avoir des
frictions est un euphémisme.
La farce délivrée par Harry Crews termine le livre en beauté. On en redemande. On a de quoi être comblé.
Une dizaines de romans de cet auteur ont été traduits en français.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
On recommandera plus particulièrement les trois autres livres majeurs d'Harry Crews : La Foire aux Serpents, La Malédiction du Gitan et Car, ce dernier se rapprochant le plus de Body, avec son univers de foire et ses phénomènes, tel le mangeur de métal, capable d'ingérer toutes les pièces d'une bicyclette, avant de passer à la dégustation suprême en avalant une voiture entière par petits bouts en quelques jours.
Les dix premières lignes...
Elle s'appelait Shereel Dupont, ce qui n'était pas son vrai nom. Trois mois
qu'elle n'avait pas eu ses règles, mais elle n'était pas enceinte. Non,
c'était mieux et pire que ça. C'était la faute au bodybuilding et à un
régime à base de complexes vitaminés, de protéines en poudre et de
limande bouillie sans beurre ni sel, la faute surtout à Russel Morgan,
appelé Russel Muscle ; dans son dos, jamais en face. C'était lui qui
l'avait découverte, entraînée, rebaptisée, avait tout changé en elle,
même sa façon de parler, la forçant à perdre son accent de Géorgie, la
modelant en une forme ultime qu'il était seul à pouvoir discerner.
L'homme causait peu, mais il lui avait toujours bien fait comprendre
qu'il était le seul à juger, le seul à savoir (...).
Quatrième de couverture...
Une jeune fille au nom improbable de Dorothy Turnipseed quitte sa ville
natale de Waycross (Géorgie) et, sous la férule implacable de
l'entraîneur Russell «Muscle» Morgan, gourou du bodybuilding, elle
devient Shereel Dupont, une des principales candidates au titre de
Madame Univers.
C'est alors que la famille de Shereel, des péquenots qui promènent joyeusement leurs masses
graisseuses, débarque de Waycross avec armes et bagages dans l'hôtel de
grand luxe où se tient le concours. Earline, la sœur de Shereel, 140
kilos bon poids, entame aussitôt une romance effrénée avec Billy "Bat",
l'un des bodybuilders, ébloui par tant de formes déployées. Le fiancé
de la dame, Tête de Clou, vétéran du Viêt-Nam, entre comme de juste en
ébullition et menace de trucider quiconque ne lui revient pas, à
commencer par Billy...
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...