Gallimard / Série Noire - Juin 2000 - Traduction (anglais) : Francis Kerline
Tags : Roman noir Psychologie Quidam Amérique profonde Années 2000 Original Entre 250 et 400 pages
Publié le : 31 mai 2005
George est à la tête d'un petit atelier de sellerie automobile à Gainsville en Floride. Il est aussi passionné par les rapaces, au point d'en oublier le reste, et un de ses faucons est en train de mourir. C'est sa sœur Precious qui l'a fait prévenir, par l'intermédiaire de Betty, un employée qui partage parfois son corps avec son patron. George est un peu fruste, les seuls livres qu'il ait jamais lu sont les quatre qu'on lui a donné et qui traitent tous des faucons. Il vit en famille en compagnie de sa sœur de son fils Fred qu'il a accueillis lorsque le mari/père eut disparu après s'être rendu compte que son fils ne serait jamais "normal". Aujourd'hui Fred a vingt-deux ans, il est un peu déconnecté du monde, un peu autiste, et ne prononce les mots qu'un par un, au hasard.
Mais George aime bien Fred, il le repose du monde qui l'entoure et qu'il comprend mal, accepte mal : "Fils, le monde est un tas de merde. Retiens bien ça. Le monde est un tas de merde". Après que son faucon soit mort, c'est d'ailleurs avec Fred qu'il part en piéger un nouveau et cette fois, ça n'est pas une simple crécerelle ou même un épervier qu'il attrape, mais un véritable faucon, une magnifique femelle rouge-queue.
Pour George, c'est un évènement majeur qu'il tente de partager. Il en parle à sa sœur Precious qui ne l'écoute pas vraiment, il montre l'animal à Billy Bob, son employé modèle, "un génie avec ses mains, mais con comme ses pieds, il était capable de tout, sauf de penser" qui ne réagit pas comme il faudrait, alors il s'en retourne vers Betty qu'il invite chez lui sous le prétexte de la présenter à Fred, les laissant seuls pour la soirée.
Le lendemain matin, alors qu'il a passé la nuit avec son faucon en prévision du dressage qui va suivre, George découvre que Fred s'est noyé dans son matelas à eau. Betty n'a aucune explication à lui fournir, sinon qu'elle a passé la soirée à discuter avec Fred ! Mais George s'en fout, ou plutôt il ne veut pas le savoir. Il s'enferme avec sa fière femelle rouge-queue attachée à son poignet et commence son affaitage.
Harry Crews nous propose un parallèle saisissant dans la première partie de son roman, un éclairage sur le rapport à la mort. Lorsque son faucon meurt, George réagit, il continue, piège un nouvel animal, plus beau, plus fort, c'est une "résurrection". Lorsque son neveu meurt, il lâche prise, il perd la boule, n'en peut plus de cette "vie de merde", de ce carcan, il s'enferme, se replie sur lui-même et son rapace, il ne veut pas voir cette mort là.
George sera poursuivi par tout le monde pour ne pas montrer plus de "respect" envers la mort d'un membre de sa famille, pour ne pas éprouver plus de chagrin, plus de douleur. Harry Crews évoque la religion : "comme tout devait être merveilleux quand on avait la foi. Comme tout était terrifiant quand on ne l'avait pas", ce sentiment d'attirance/répulsion qu'elle génère. Il aborde le sentiment de culpabilité face à la mort trop proche, mais aussi toutes les convenances bienséantes, bien pensantes, et l'hypocrisie qui peut ressurgir en de tels moments.
Ici pas d'intrigue, pas d'enquête criminelle sur la mort de Fred, mais plutôt une sombre et mystérieuse dissertation autour de la mort, parfois confuse, où on ne sait pas toujours très bien où l'auteur veut nous mener. Harry Crews dresse le portrait d'une Amérique loin des sunlights, celle du Sud, de la Géorgie et de la Floride. Il fait preuve d'un humour cynique qu'il distille au fil des pages, mais peine à accrocher vraiment son lecteur. Une écriture dense, mais qui cette fois, laisse un peu sur sa faim.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Difficile de vous donner des pistes à explorer à partir de ce roman. Pour cette fois, je préfère garder le silence...
Les dix premières lignes...
Billy Bob Mavis était venu deux fois ce matin - en parlant à Georges avec la bouche pleine de clous de tapissier -, rapport aux capitons de plafond des Volkswagen. Soit ils étaient trop justes, soit ils étaient trop lâches. Avec le temps qu'il fallait pour faire le plafond d'une seule Volkswagen, avait-il dit en suçotant ses clous, on pouvait faire ceux de trois modèles américains, n'importe lesquels, tout ce qui sortait de Detroit. Mais un revêtement de Volkswagen, c'était du sur-mesure, ça devait être coupé au cordeau, avec des coutures droites comme sur un gant (...).
Quatrième de couverture...
Au lieu de se joindre à sa famille pour pleurer la mort de son neveu, George Gattling se consacre compulsivement à la capture, au dressage et à l'entraînement d'un faucon...
Que dire de plus sur cette œuvre aussi lumineuse que mystérieuse ? Que le petit monde gothique et déjanté d'Harry Crews est à nouveau rassemblé dans un petit bled du Sud et que c'est sur la mort qu'il se penche une nouvelle fois.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...