La Grande Peur du Petit Bleu

Frédéric Paulin

Goater Noir - Octobre 2013

Tags :  Roman noir Roman historique Quidam Afrique du Nord Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 1er décembre 2013

Ils sont quelques-uns dans le mode du polar à avoir approché, d'une manière ou d'une autre, le sujet de ce qu'on connaît aujourd'hui comme la guerre d'Algérie, mais qu'on ne désignait à l'époque que sous le qualificatif d'événements. Frédéric Paulin vient ici apporter sa pierre à l'édifice avec son roman La Grande Peur du Petit Blanc dans lequel les histoires personnelles de quelques personnages vont s'incarner sous le ciel sombre de l'Histoire, avec un grand H.

Nous sommes d'abord en 1972. Louis Gascogne est un ancien lieutenant parachutiste qui a servi dans la région du Constantinois à la fin des années cinquante, autrement dit durant les opérations de maintien de l'ordre menées par le gouvernement français. Il vient de créer à Rennes son agence de détective privé, mais dix ans ont eu beau passer depuis la signature des accords d'Evian, il reste un homme profondément marqué par ce qu'il a vécu en Algérie. Les souvenirs remontent sans cesse…

Et le roman de se construire sur ces souvenirs, dans un incessant ballet de flash-backs parfaitement orchestré qui, sur une vingtaine d'années à peine, vont mettre en lumière quelques facettes de ceux qui ont eu à en découdre sur le terrain.

Gascogne était un parachutiste, mais pas vraiment de ceux qui avaient le couteau entre les dents et la manivelle de la gégène dans la main. On le suivra sur le terrain en compagnie de ses collègues Chamouze et Saint-Clair comme représentants du contingent.
À l'opposé de l'échiquier, on suivra la route d'Achraf Laïfaoui et de sa famille, révolté des premières heuses, combattant acharné luttant pour la libération de son pays, prenant du galon, jusqu'au moment de la victoire qui le verra évincé lors de la distribution des lauriers pour non-conformité politique.
Enfin, entre les deux, on croisera Kader Mekchiche, celui qui a fait le mauvais choix : le harki, le paria, d'un côté ou de l'autre de la Méditerranée…
Trois destins, trois vies, une seule histoire.

Soutenu par une documentation précise, Frédéric Paulin digère l'histoire officielle, froide et comptable, pour retracer humainement, de manière sensible, les parcours de ces personnages ; qui finiront par se croiser, on s'en doute… Il le fait subtilement, sans prendre parti, sans jugement, si ce n'est celui qu'il porte sur la guerre en général et qu'on retrouve en exergue du récit :

À Gaspar,
pour qu'il refuse toujours de faire la guerre.
Quelle qu'elle soit.

Par le poids donné aux personnages, par leur implication dans une réalité concrète, par sa construction déstructurée, La Grande Peur du Petit Blanc est un roman qu'on ne lâche pas facilement tant on s'attache à ces destins brisés par une guerre qui ne voulait pas dire son nom. En s'attachant aux hommes, Frédéric Paulin fait abstraction dans son récit de tout manichéisme, démontant pièce par pièce les rouages d'un engrenage infernal qui allait décider de l'avenir de ces hommes-là.

Un beau roman noir. Une belle réussite.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Avec pour toile de fond la guerre d'Algerie, on peut citer le roman d'Antonin Varenne : Le Mur, le Kabyle et le Marin.
À la même époque, mais du côté du Maroc, n'oublions pas l'excellent 55 de Fièvre de Tito Topin.
Enfin, pour en revenir à l'Algérie et à son histoire plus récente, il convient de se pencher sur les œuvres de Yasmina Khadra, notamment Morituri.

Le début...

Les dix premières lignes...

Rennes, 1972
Parfois encore, lorsque la nostalgie le saisissait aux tripes, il allait fouiller au fond du tiroir de son bureau pour en ressortir ses épaulettes de lieutenant. Les oripeaux de sa carrière d'officier étaient d'habitude enveloppés dans du papier kraft. Combattre la nostalgie en se remémorant ces années de haine, c'était se flageller pour faire passer le mal. Rédemption par la douleur, comme disaient les curés. Louis Gascogne n'avait jamais aimé les curés.
Alors, toujours, après quelques minutes à soupeser ses galons, il les rangeait au fond du tiroir, là d'où ils n'auraient jamais dû sortir. Il se sentait mal, un goût amer au fond de la gorge. Un soir, il avait presque voulu les jeter au feu. Il s'était ravisé au dernier moment : c'était dans son cœur meurtri qu'il portait ce souvenir tragique et non plus sur ses épaules.
Le feu n'y aurait rien changé (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Rennes, début des années 1970.
Louis Gascogne, ancien militaire, un temps barbouze et nouvellement détective privé tente de se reconstruire une vie loin de l'Algérie.
Achraf Laïfaoui, officier du FLN tombé en disgrâce travaille désormais à l'usine Citroën de Rennes, loin de sa famille, loin de son pays.
Mais le temps et la distance ne semblent pouvoir rien y faire : une décennie après la fin des combats, la mort, elle, continue à frapper aveuglément ces hommes revenus brisés d'une guerre qui n'a pas dit son nom.
Car, par-delà les souvenirs des années de conflit et leurs nouvelles existences au rabais, il semblerait que les ennemis d'hier doivent rendre des comptes à un fantôme…


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Frédéric Paulin










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