Tueurs de Flics

Frédéric H. Fajardie

Sanguine - 1979

Tags :  Polar politique Polar militant Polar urbain Serial Killer Vengeance Flic Paris Années 1970 Original Poétique Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 30 décembre 2008

Recommandé

Plaquez tout, les petits. Le travail — dans ce contexte — n’ennoblit pas l’homme. Les idéologues qui prétendent le contraire, quelle est leur profession ? Et quelles sont les chances de durée, je veux dire de durer dans l’amour, d’un couple qui se sépare à 7 heures pour se revoir vers 20 heures, fatigué, au cœur d’une bruyante cité HLM ? Moi, je suis parti longtemps, préférant la gêne dans le bleu de la Provence à la survie au milieu des odeurs de choux et de volailles, ici. Vos yeux sont des miroirs las de refléter les grues, le ciment, les tours et les usines. Glissez, mortels, sur la pente savonneuse de turbin-chagrin ! Glissez vers les cimetières populaires surpeuplés ! Glissez sur vos rêves écrabouillés, magma rosissant et doré des splendeurs à venir. Glissez sur le flot de vos larmes rentrées, sur votre sueur, sur le sang des règles qui prend l’ouvrière debout quand, ailleurs, on va « s’étendre un moment ». Eh oui ! petit, je m’excuse mais c’est comme ça ! Glissez sous ce beau ciel bleu qui part pour ailleurs ! Glissez au rythme du piano du voisin d’à côté qui était peut-être un virtuose et qui attend son cancer loin de l’odeur du lilas et des roses. Glissez, mortels et songez que ce n’est pas juste vis-à-vis de nos douze ans, vis-à-vis des garçonnets et des fillettes que vous étiez et qui auraient dû avoir tous les droits ! Ah ! nom de Dieu, vive la Révolution !

Discours de Ouap, ancien de la guerre d’Espagne…

Tueurs de Flics est le premier roman de Fréféric H. Fajardie écrit entre Mimizan et Paris durant l’été et l’automne 1975. Humour glacé, engagé et politique dans le sillage d’un Manchette ou d’un A.D.G. avec des pointes de poésie et de lyrisme, un ton que je n’ai jamais rencontré ailleurs et qui me fait irrémédiablement penser au fabuleux chanteur Alain Leprest. Les rouages de la société et le fonctionnement de la police sont analysés par l’œil critique dans un style particulièrement concis et nerveux. Les propos de Fajardie sont violents dans le fond et dans la forme. On ressent une certaine fascination où tout au moins une compréhension — une certaine sympathie dans le sens de partager le même sentiment — pour les « tueurs de flics » qui œuvrent tout au long du roman :

Quand à celui que votre presse pourrie appelle « le grand Africain » c’est effectivement un grand africain. Son 1 mètre 88, bien sûr, mais ce n’est pas une question de taille. C’est un chef de tribu, un guerrier noir recouvert de peau de panthère, un homme éternel et nouveau qui annonce des temps nouveaux loin du déclin des Blancs, cette immonde pourriture blanche qui sent le cadavre. C’est l’heure ! L’heure des clans, des sectes. Votre pourriture s’écroulera dans le reflet étincelant des longs couteaux de la nuit et des rasoirs du crépuscule. Il faut désapprendre, retour à la préhistoire, à la tribu, là précisément ou commença l’erreur. Nous nions vingt siècles d’histoire, de domination par le pognon, le salariat, vos modèles de réussite.

À l’image de la prise d’otage (qui ouvre le roman) par l’homme Paic-Citron qui veut rentrer dans la machine à laver pour faire comme dans la pub vue à la télé, les « tueurs de flics » sont des gens brisés — à divers niveaux — par la société, des gens qui réagissent au monde qui les entoure et le personnage de Padovani — le flic à part — veut comprendre, changer l’ordre. Mais attention, il ne s’agit pas là de pardonner les actes, juste de les comprendre, de suivre le sentiment, de le partager, peut-être… mais la mort, non, la vengeance aveugle et les théories poussent au pire.

On croisera en moins de deux cents pages des personnages consistants plantés en quelques lignes, en quelques actions, de la musique, des odeurs, un mythe, un regard sur l’ambiance politique des années soixante-dix, une poésie et une sourde angoisse :

De telles réflexions — dans un tel cadre — me coupaient de la masse de mes collègues et, devrais-je dire, de la masse des hommes qui, pour la plupart, couraient aveuglément après ce faux luxe. Cette idée de coupure profonde n’était pas pour me rassurer. Tout au contraire, elle nourrit et augmenta l’angoisse qui naissait en moi. Poussant plus avant l’introspection — je n’étais pourtant pas familier de cet exercice — je butais sur une tautologie : le propre de mon angoisse est qu’elle est angoissante. Je cherchai en vain une cause précise là où il s’en trouvait sans doute des dizaines, toutes de second ordre.

Frédéric H. Fajardie fait court et violent et son coup porte, les séquelles risquent de durer longtemps. On en reparle prochainement avec La Nuit des Chats Bottés.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

La Position du Tireur Couché de Jean-Patrick Manchette, ou alors du côté de Demain, une Oasis de monsieur Ayerdhal.

Le début...

Les dix premières lignes...

Je préparais mon rapport lorsque le téléphone sonna. Et tout alla très vite. Tonton donna ses instructions :
— Négocie, gagne du temps, joue pas au petit soldat.
Je courus ventre à terre en direction de la R16 banalisée qui m’attendait. Un peu énervé : c’était ma première affaire d’otages.
Le chauffeur, rapide et sûr. À ses côtés, l’agent stagiaire Contis Ernest, un peu blême. Assis près de moi sur le siège arrière, le brigadier Primerose couvait des yeux son protégé. Une voiture bourrée d’inspecteurs suivait.
Je réclamai des détails au brigadier.
— Patron, dit-il, je crois que le type est cinglé, complètement pété. Je…
Je me tournai vers le bricard :
— Continuez.
— Hé bien, d’après l’îlotier qui était le premier sur les lieux, ça se passe dans un grand magasin d’électroménager. Le tueur a déjà flingué un démonstrateur qui faisait du zèle.
M’efforçant au calme, je questionnai :
— A-t-il exposé ses conditions ?
— C’est que… C’est pas très clair, patron. Il parle uniquement aux machines à laver…


La fin...

Quatrième de couverture...

Tuer les flics, comme ça, c'est déjà bizarre, mais les découper en lamelles, en faux-filets, en fines tranches et finir par les bouffer, ça vous a carrément un côté farce. Sauf que ces trois types étaient plutôt du genre pince-sans-rire.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Frédéric H. Fajardie










Edition(s)...

Informations au survol de l'image...

Réédition Réédition poche Réédition poche

Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

La Nuit des chats Bottés La Théorie du 1% Les Foulards Rouges Full Speed