Le Canard Siffleur Mexicain

James Crumley

Gallimard / La Noire - Octobre 1994 - Traduction (anglais) : Nicolas Richard

Tags :  Roman noir Comédie Road Polar Détective privé Etats Unis Années 1990 Littéraire Populaire Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 18 novembre 2008

Recommandé Dix ans après Le Dernier Baiser, CW Sughrue est de retour à Meriwether. Détective privé quand le marché du divorce le permet, il est aussi barman à mi-temps ; et même à plein temps depuis que ses patrons sont partis vivre une lune de miel chacun de leur côté.
C'est d'ailleurs dans "son" bar qu'il retrouve Solomon Reinbolt, dit Solly, et qu'après avoir sacrifié un juke-box trop moderniste, ils partent tous deux en virée alcoolisée.
Reinbolt et Sughrue se sont connus durant la guerre du Vietnam, partageant quatre jours d'un raid vers l'horreur. Depuis, Solly est devenu avocat, un des meilleurs, et notamment celui des gros dealers de coke, avant de monter un cabinet à Meriwether.
Puis c'est la rencontre avec Norman l'Anormal — une histoire de poissons rouge à récupérer. Norman, chef d'un gang de motards dégénérés, pas recommandable pour un sou, est lui aussi un ancien du Vietnam, ce qui crée des liens.
Il a décidé de se marier, et comme il souhaite que sa mère soit présente à la cérémonie (même s'il ne l'a pas vue depuis sa "tendre" enfance), il engage Sughrue pour la retrouver. Malheureusement, il n'est pas seul sur la piste. Sarita Pinès, remariée depuis avec un gros bonnet mexicain est aussi recherchée par le FBI, la CIA, voire même quelques services secrets…

James Crumley annonce la couleur dès les premières pages de son roman. À peine Sughrue est-il remis en selle qu'il définit clairement ce qui va suivre :

En route vers la joyeuse confusion de l'obscurité et du rire.

Tout un programme… respecté à la lettre.
James Crumley organise un joyeux bordel étincelant, une déambulation post-romantique qui va mener Sughrue et sa bande à travers les Etats-Unis, les traversant de part en part du nord au sud, et retour. Montana, Wyoming, Colorado, Idaho, Nevada, Utah, Nouveau Mexique, tous sont au programme, tous ont des arrières goûts de western, de grande chevauchée. Bien sûr, le Combi Volkswagen a remplacé le cheval et il ne s'agit plus de conquête de l'Ouest, mais les décors restent inchangés.

Si l'intrigue du Canard Siffleur est parfois un peu compliquée (au point de s'y perdre par endroits), elle met en scène toute une brochette de vétérans du Vietnam liés par une amitié forte. Les événements traversés par ceux-là en ont fait une "classe" à part du reste de la population avec qui la "réconciliation" paraît impossible. Ils sont marqués à vie, dans leur corps, leur chair, leur esprit. Souvent, la drogue les accompagne :

De retour au campement, comme d'habitude lorsque la pression retombe, je me sentis mentalement survolté, et tentai avec les seules drogues que j'avais à portée de main de réaliser un savant dosage chimique dans le noir. Il ma fallut deux longues bouffées du pétard de jamaïcaine pour arriver enfin à respirer profondément sans faire d'hyperventilation. Puis le speed me calma comme un gamin trop nerveux. Une ligne de coke m'aiguisa les sens. Trois bières brûlèrent un peu d'adrénaline. Et la demi-douzaine de cigarettes d'un paquet acheté en revenant du camp satisfirent mon désir de mort.

La drogue… la maladie aussi, autant de séquelles. Crumley raconte aussi le Vietnam comme une école du crime à vaste échelle ; champ de bataille, mais aussi champ d'expérience pour l'organisation de trafics en tout genre. On ne se libère pas facilement de cette vie-là ; Sughrue et ses compères ne souhaitent, d'une certaine manière, que la retrouver.
Ainsi, leur quête de Sarita Pinès ressemble à cette vieille guerre. Ils s'y sont engagés jusqu'au cou mais ne savent pas vraiment après qui ils courent, contre qui ils se battent, ni, aujourd'hui comme hier, qui est "bon", qui est "méchant".

Allégorie noire bordélique et savoureuse, Le Canard Siffleur Mexicain est porté par le style flamboyant de James Crumley qui ne vous lâche pas une seconde, même perdu au fin fond du désert. Cet homme-là a la plume magique, celle qui délivre un souffle puissant qui glisse des montagnes du Montana jusqu'aux sables brûlants du Mexique. Impressionnant…


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Le Dernier Baiser, bien sûr, première aventure de CW Sughrue.
Sinon, pourquoi pas quelques détours avec Charles Bukowski, en compagnie des laissés-pour-compte du rêve américain…

Le début...

Les dix premières lignes...

Lorsque le train de marchandises de 3h12 pour Spokane arriva au croisement de East Meriwether, le conducteur donna un coup de sirène, et une longue plainte lugubre retentit dans l'air humide et neigeux de notre deuxième tempête de ce début d'automne dans le Montana occidental. Ça ressemblait vachement à la première note d'une balade de Hank Snow. Je retirai le chariot de sous le juke-box, et je branchai la rallonge. Au moment où je glissai un quarter dans la fente, la grosse machine rota, les tubes néons glougloutants scintillèrent délicatement dans la nuit, et la machine parut de camper plus solidement sur la voie ferrée (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Le Canard Siffleur Mexicain raconte la suite des aventures de Sughrue, le héros déglingué du Dernier Baiser, et marque surtout le retour, après dix ans d'absence, de James Crumley sur la scène romanesque.
Engagé par Norman l'Anormal, biker quinquagénaire et passablement usé par les excès, pour retrouver sa mère qu'il n'a pas vue depuis l'âge de six ans, Sughrue traverse les Etats-Unis et une partie du Mexique, en compagnie de deux vétérans du Vietnam (un flic atteint d'un cancer et un facteur alcoolique).
L'histoire baigne dans une atmosphère de fin de siècle ou du moins de fin d'époque : rockers dégénérés, scènes d'amour pathétiques, cocaïne triste qui n'est qu'un moyen lent et sûr de se suicider.
Roman forcené, portrait aigu d'une Amérique qui ne cesse de se dégrader depuis l'a^ge d'or des "sixties", Le Canard Siffleur Mexicain est sans doute le roman le plus fort et le plus noir de Crumley.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

James Crumley










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Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

Le Dernier Baiser (Le Chien Ivre) Fausse Piste La Danse de l'Ours Folie Douce Les Serpents de la Frontière