Gallimard / La Noire - Mai 2002 - Traduction (anglais) : Philippe Garnier
Tags : Hard Boiled Détective privé Etats Unis Années 2000 Plus de 400 pages
Publié le : 06 octobre 2024
Depuis qu’il a récupéré l’héritage de son père, Milo Milodragovitch est riche. Installé depuis cinq ans au Texas, il a parfois le mal du pays, mais les hivers du Montana sont trop rudes pour ses vieux os. Et puis il est en ménage avec Betty, s’est offert un bar, et a même repris une licence de détective privé, histoire d’occuper son temps.
Alors qu’il est en route pour retrouver à la demande de son mari une jolie blonde en vadrouille, Carol Jean, il croise dans un bar une montagne de muscles, un grand black venu régler quelques comptes à sa sortie de prison. Milo ne s’en mêle pas et ne participe même pas à la bagarre, préférant boire quelques verres avec le costaud Enos Walker qui laissera tout de même un cadavre derrière lui pour une histoire de trafic de cocaïne mal géré.
La Contrée Finale a un côté crépusculaire dans son entame. Tout comme son alter ego Milo, James Crumley vieillit. C’est l’heure du bilan, de se retourner un peu pour voir le chemin parcouru.
Ainsi l’intrigue du roman prend son temps pour se mettre en place, laissant suffisamment d’espace pour les souvenirs de Milo, son rapport à la société, et notamment aux femmes.
Bien sûr il y a toujours de la bagarre, avec toutefois un peu plus de retenue à l’entame, autant d’alcool qui coule dans les gosiers ou de produits plus ou moins illicites dans les narines, mais le poids du temps qui a passé se fait sentir. Pas de regrets devant l’inéluctable, mais un constat mâtiné d’une certaine frustration. On est toujours plus jeune dans sa tête qu’en réalité.
Milo a voulu se poser au côté de Betty, la perle rare, mais après quelques années, force est de constater que le feu se tarit.
J’avais beau essayer, et essayer dur, je ne pouvais pas la rendre heureuse. Et je le savais bien, merde. Une femme heureuse, un homme peut la rendre triste, mais une femme triste jamais il ne la rendra heureuse, pas durablement. Alors je me suis mis à étudier sa tristesse, jusqu’à ce que le fardeau devienne trop lourd à porter pour tous les deux.
C’est une jeune avocate qui va raviver la flamme, Molly McBride, à la recherche de l’assassin-violeur de sa sœur. Elle pense l’avoir enfin retrouvé et sollicite habilement l’aide de Milo, qui n’en demandait pas tant.
Sauf qu’en essayant de piéger le pervers, l’affaire tourne mal, et Milo manque de peu d’y rester avant que l’homme ne se tire une balle dans les couilles et meurt. Comble dans l’histoire, la belle Molly a disparu, laissant son nouvel ami aux prises avec les flics et une accusation de meurtre sur le dos. Accusation grave, d’autant que la victime, officier de police, n’est autre que le frère du procureur.
Au Texas, qui plus est dans un comté loin de la ville, il ne fait pas bon se frotter à l’establishment local. Milo va bientôt s’en apercevoir.
Le voilà donc en train de tenter de sauver de l’injection fatale un ex-taulard qui certes a descendu un dealer gérant de bar, mais en état de légitime défense, premier point. Ensuite il s’est fait rouler dans la farine par une jeune avocate qui l’a piégé et amené à tuer un flic, frère du procureur qui veut désormais sa peau. Pour un vieux bonhomme sur le retour, ça fait beaucoup…
Embarquer avec le capitaine Crumley à la barre, c’est partir pour un voyage aussi mouvementé que féérique. Pas dans le sens « conte de fées » et paillettes rose bonbon bien sûr, mais plutôt dans celui ayant trait à l’émerveillement. Un voyage viril, sur une mer cabossée, en compagnie d’un équipage plutôt hétéroclite mais toujours professionnel. Et peu importe les obstacles, capitaine Crumley atteint toujours son objectif. Et plus il y a d’obstacles, plus il s’obstine. C’est quasiment génétique…
C’est confus, emberlificoté à souhait, même Milo ne sait pas vraiment où donner de la tête, mais ça n’est pas si important puisque restent l’ambiance et le style inimitable de James Crumley.
Peut-être que c’était pas nous ni les drogues ni même le sexe, (…) mais les forces morales à la con des trouducs coincés qui essayaient de nous imposer leur volonté, leur bonne conduite, nous faire mener les mêmes petites vies frileuses que les leurs. (…) Peut-être même que ça a toujours été une guerre de religion, comme cette histoire d’avortement. (…) Eh ben qu’ils aillent se faire mettre. Quand ils vont mourir et découvrir qu’il n’y a rien après, ils vont pas se sentir qu’un petit peu cons, tu crois pas ?
J’espère toujours qu’il y aura juste assez d’au-delà pour ces connards, juste une fraction de seconde le temps qu’ils comprennent bien que c’est tout ce qu’il y a.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
À noter que La Contrée Finale a été réédité en 2022 chez Gallmeister sous une nouvelle traduction signée Jacques Mailhos.
Les dix premières lignes...
C’était tard en novembre juste en bordure de ce qu’on appelle le Hill Country, mais je n’avais pas mis longtemps à apprendre que par ici les choses ne sont jamais exactement tout à fait ce qu’elles paraissent. En traversant la banlieue nord-ouest d’Austin ce jour-là je me disais qu’on aurait pu être au printemps. Les feuilles oblongues des arbres à pécans n’avaient pas encore jauni. Les gens tondaient encore leur pelouse en short et T-shirt. Ou du moins, dans ce quartier nanti, regardaient divers immigrants sans papiers crapahuter comme des bousiers sur les épaisses pelouses d’herbe de St-Augustin à travers les nuées de moucherons. Au-dessus d’eux, un vif soleil d’après-midi flottait dans le ciel bleu écru vidé de tout nuage par les brises du sud-est. Encore au-dessus, un busard solitaire semblait garder un œil aguerri sur tout ça. L’hiver était comme une promesse lointaine, qui ne serait pas tenue.
Quatrième de couverture...
Après sa précédente aventure (lire Les Serpents de la Frontière), Milo Milodragovitch s’est installé au Texas. Il est enfin riche et vit des amours déclinantes avec sa compagne Betty. Histoire de ne pas perdre la main, de blanchir son gros paquet d’argent sale et de ne pas sombrer totalement dans l’ennui, il s’est acheté un bar et a repris une licence de privé. Alors qu’il traîne dans un bar sinistre d’Austin à la recherche d’une épouse volage, il entre en collision avec un Noir gigantesque qui vient juste de flinguer le gérant du lieu, un dealer de drogue notoire. Les flics locaux débarquent et, avides d’envoyer un Black de plus dans le couloir de la mort, mettent la pression sur Milo pour qu’il les aide à coincer le coupable. Réintégrant aussitôt sa blanche armure, Milo décide de trouver le grand Noir avant eux mais, avant qu’il ait pu faire un pas, c’est le Texas et son cortège de corruption, de coups tordus, de policiers pourris et de politiciens véreux qui lui rentrent dedans de plein fouet…
Véritable déchaînement de duplicité, de chantage, de meurtres et de vengeance, mais aussi d’humour, de tendresse, de loyauté et d’humanisme, La Contrée Finale gambade allègrement à travers ces territoires sauvages et féroces qui sont bien la marque de fabrique, l’appellation contrôlée, du grand écrivain qu’est James Crumley.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...