Gallimard / Série Noire - Juin 2025 - Traduction (norvégien) : Céline Romand-Monnier
Tags : Polar rural Polamour Psychologie Quidam Norvège Années 2020 Plus de 400 pages
Publié le : 28 juillet 2025
Les frères Opgard sont de retour. Croisés une première fois en 2021 avec Leur Domaine, Roy le taiseux et Carl l’extraverti sont toujours inséparables. Le cadet a finalisé son projet d’hôtel de luxe dans son village natal mais la perspective de la construction d’un tunnel sous la montagne et de la déviation de la route qui dessert la bourgade d’Os contrarient ses plans. Fidèle à sa perversité, il va se démener pour remettre les choses en ordre…
Quant à Roy, l’aîné, il rêve depuis l’enfance de parc d’attractions et veux construire les plus hautes montagnes russes en bois. Ses besoins de financement sont énormes…
Mais ce serait sans compter sur la police locale qui souhaite remonter d’un ravin dangereux les carcasses des voitures qui s’y sont fracassées au fil du temps. Quelques-unes des épaves pourraient bien faire remonter de douloureux souvenirs aux frères Opgard et au lensmann Kurt Olsen qui les tient dans son collimateur.
Certains arbres généalogiques répandent la maladie. Celui-ci, ça fait longtemps qu’on aurait dû l’abattre.
Dans un premier temps, Jo Nesbo restitue le contexte, permettant à ceux qui n’auraient pas lu le premier épisode de se familiariser avec la fratrie Opgard et aux autres de se rafraîchir la mémoire. C’est un peu fastidieux, mais peut être nécessaire avant d’entrer vraiment dans le vif du sujet.
Et le vif du sujet se fait attendre… C’est Roy, l’aîné de la fratrie qui prend le récit à son compte. Huit années ont passé depuis les événements malheureux contés dans le premier épisode mais au fond, les choses n’ont pas beaucoup bougé au sein de cette campagne reculée aux abords des montagnes norvégiennes. Dans ce pays de taiseux où un simple hochement de tête suffit à exprimer une opinion, tout le monde se connaît, tout le monde s’épie, et les secrets les mieux gardés ne sont jamais très loin sous la glace.
Dans cet attelage si particulier que constitue la famille Opgard, le grand frère Roy est, sur le « papier », le méchant de l’histoire. Il est celui qui a tué, plusieurs fois, depuis longtemps. Bourru, un peu rustre, il a cependant toujours agi pour la protection de son cadet, Carl. Il y a chez lui une forme de culpabilité héritée de l’impossibilité de défendre son petit frère des agressions menées à son encontre par leur propre père.
Jo Nesbo explore à sa manière les liens familiaux dans une société norvégienne où l’isolement et l’hostilité de l’environnement incitent à la solidarité entre les communautés tout en privilégiant, à l’extrême, les liens du sang. L’autre, celui ou celle de la ferme voisine, est autant ami qu’ennemi, alors que le parent constitue le dernier rempart.
Mais les frères Opgard sont des « extrémistes » et Carl un tel opportuniste rêvant de devenir coûte que coûte le roi d’Os qu’il finira par entraîner la rupture définitive avec son frère.
Les Maîtres du Domaine est un récit lent et si Jo Nesbo sait construire son intrigue, il tourne longuement autour du pot, ressassant parfois interminablement le passé pour nous amener à l’ultime confrontation qu’on devine inévitable.
Et même si l’inversion des valeurs entre les deux frères suscite l’intérêt — Roy, le tueur, s’avérant le gentil de l’histoire, beaucoup moins pervers que son frère Carl, la victime, au cynisme dévastateur — elle peine à faire oublier une certaine absence de rythme. Leur Domaine était un huis clos sombre et surprenant très réussi quand Les Maîtres du Domaine s’empêtre dans une histoire d’amour impossible au cœur du récit qui, on l’espère, en restera là.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Bien qu’il soit repris comme contexte dans le présent roman, il convient de se plonger au préalable dans le premier épisode de la « saga » des frères Opgard, Leur Domaine, paru chez Gallimard en 2021, et à mon avis plus… percutant.
Les dix premières lignes...
Tout le monde a un point faible, c’est ce que papa m’avait inculqué quand il m’apprenait à boxer. J’étais peut-être plus petit que les autres garçons, mais aucune défense n’est infaillible, même le plus terrifiant des adversaires recèle une ouverture dans sa garde, une erreur qu’il est condamné à reproduire. Ce point faible, m’avait également expliqué papa, il ne suffisait pas de le trouver, il fallait en plus avoir le cœur assez froid pour l’exploiter sans hésitation. Et voilà où résidait mon propre talon d’Achille. Un cœur qui saignait pour les gens comme moi, qui percevait toute faiblesse comme mienne. Cependant, j’ai appris, mon cœur s’est refroidi. On pourrait sans doute dire que c’est désormais un volcan glacial, raide mort, qui a connu son éruption finale il y a huit ans. Et il était déjà froid à l’époque. Suffisamment en tout cas pour que je sois un tueur.
Quatrième de couverture...
Roy et Carl Opgard, frères toxiques, ont sept meurtres à leur actif, commis ensemble ou séparément. Et sont prêts à continuer si nécessaire.
Car ils ont des problèmes à régler. Neutraliser un projet de tunnel, d’abord. Faute de quoi le tracé de la route nationale sera modifié et Os, leur bourg, restera à l’écart. Or ils ont de grands desseins pour leur domaine… Ensuite, museler le lensmann, qui rêve de faire profiter les deux épaves de voitures, en contrebas du virage des Chèvres, des progrès de la police scientifique. L’une abrite le corps de son père, qui l’a précédé dans ses fonctions. L’autre ceux des parents Opgard.
Et surtout, la solidité de leur lien fraternel est menacée par une nouvelle rivalité. Y a-t-il de la place pour deux maîtres au royaume d’Os ?
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...