Bastion

Un avis personnel...

Publié le : 19 mars 2025

Jean-Marc est un ancien cadre commercial en préretraite. Vieux garçon, il n’a qu’un seul ami, Bernard, et ça dure depuis l’école maternelle ; une amitié indéfectible. Bernard est aussi en retraite, depuis un peu plus longtemps que Jean-Marc, est s’est mis en tête de soutenir la candidature d’Éric Zemmour à la présidentielle de 2027.

À la demande de sa compagne, Jean-Marc accompagne Bernard dans une de ses maraudes où, accompagné d’un certain Kevin au crâne forcément rasé, il distribue des sandwiches jambon beurre aux SDF, dans une sorte de « sélection » naturelle. Bernard pratique également auprès des élus locaux une sorte de lobbying censé ramener des parrainages à son poulain. Jusque là, rien de bien grave… Mais Bernard lui fait rencontrer Didier, une sorte d’idéologue d’un autre acabit, beaucoup plus dangereux avec ses projets d’attentats pour marquer les esprits. Jean-Marc sent qu’il faut qu’il sorte son ami des pattes de ce prédateur. Il se rapproche discrètement d’un gendarme en charge de la surveillance des mouvements extrémistes qui ne peut pas grand-chose pour lui, mais lui propose néanmoins de devenir son indic.

Au sein de l’amitié qui lie Jean-Marc et Bernard, il y a un homme de gauche et un autre de droite. Jamais véritablement engagés politiquement, ils sont cependant toujours restés fidèles à leurs convictions. Jean-Marc a vécu dans sa chair l’arrivée de la gauche au pourvoir avec Mitterrand, l’euphorie, puis les renoncements. Au final, aux dernières élections, il a voté Hidalgo, un rêve effondré. Du côté de Bernard, pas mieux. Son dernier choix s’est porté sur Valérie Pécresse, en matière de conviction, on a fait plus solide. Il a suivi Chirac, puis Sarkozy, pour en arriver à cette déchéance…
De fait, l’analyse s’arrête là, à ce constat d’une voie royale ouverte par les anciens partis politiques leaders d’opinion à cette extrême droite bientôt triomphante.
Jacky Schwartzmann choisit de s’en prendre au Z., le plus petit dénominateur commun, sans doute le plus idéologue, et plus particulièrement à son entourage ; Eric Zemmour se retrouvant de facto « innocenté » des magouilles qui se trament dans son dos.
Même s’il se fait plus grave, Jacky Schwartzmann choisit néanmoins de rester dans le domaine de la comédie en nous proposant un nouveau duo comique dont il a le secret. On sent pourtant une hésitation profonde dans la manière d’aborder son sujet et comme une forme de réticence de l’auteur à vouloir trop rire de la situation.
Il aborde ainsi la question des parrainages, cruciale dans les élections françaises, qui gangrènent les débats et agissent comme un déni de liberté d’expression. Il observe les mouvements ouvertement racistes comme celui rejoint par Kevin et sa rhétorique bas du front. Mais c’est surtout ce qui se trame en sous-main, dans les arrière-salles, qui intéresse l’auteur ; la manipulation de l’opinion, les coups de billard à trois bandes, voire plus, la sale politique. Et là, c’est du sérieux…

Du coup, j’en reviens à cette hésitation qui laisse le lecteur le cul entre deux chaises, entre gravité et burlesque, sans que l’alchimie n’opère véritablement entre les deux. Sans doute trop concerné, Jacky Schwartzmann en perd sa légèreté, cette distance qu’il avait jusque là su maintenir et qui faisait sa marque de fabrique.
Bastion reste agréable à lire, mais il laisse un goût d’inabouti, comme une tentative d’association de saveurs qui n’a pas su convaincre.

Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Au fond, dans le roman à connotation politique, je préfère de loin le réalisme assumé. Dans le genre, n’hésitez pas à vous offrir la lecture de François Médéline et notamment de son très réussi La Résistance des Matériaux.