La Résistance des Marériaux

François Medeline

La Manufacture de Livres - Janvier 2024

Tags :  Polar politique Complot Flic Service secret France Années 2010 Plus de 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 09 février 2024

Recommandé Djamila Garrand-Boushaki est une jeune députée qui exerce également ses talents au sein de la région Rhônes-Alpes. Issue de l'immigration, elle est ambitieuse et mariée au directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, Serge Ruggieri, dont elle est justement la suppléante. Ce 4 décembre, alors qu'elle est en déplacement en Ardèche, une mauvaise nouvelle tombe depuis les colonnes de Mediapart : Serge Ruggieri posséderait un compte secret dans une banque luxembourgeoise.

Le commandant Alian Dubak, un ancien de la crim', est quant à lui désormais affecté à la brigade financière et en passe de boucler un dossier à quelques millions d'euros qui ne vaudra qu'une légère condamnation à son principal suspect qui vient enfin d'avouer. Dubak est un flic meurtri et blasé, coincé dans un placard pour lequel il n'a pas les compétences requises (ceci expliquant cela). Lui aussi apprend la nouvelle. Elle lui entre par une oreille, puis ressort par l'autre.

Gérald Hébert a commencé sa carrière au sein de la DST avant de bifurquer vers le privé quand on a voulu sa tête. Il travaille désormais en free-lance pour le compte de Hugues Corvoisier, grand entrepreneur et bétonneur en chef de la région lyonnaise où il remporte 80% des marchés passés par la région et les affidés de son ami Serge Ruggieri. Ce compte luxembourgeois dont fait écho Mediapart, il le connaît : c'est lui qui l'a alimenté. Il sollicite Hébert afin de dresser d'urgence un cordon de sécurité. Pas question qu'on touche à ses « petites » affaires si toutefois il faisait partie de ceux visés par cet article malfaisant.

François Médéline est un auteur pressé. Il écrit comme s'il montait sur un ring. Dès l’entame, les coups pleuvent, rapides, précis. On est pris à la gorge par un déferlement virtuose, ça vient de tous les côtés et ça fait mouche. Phrases courtes, incisives. Dialogues percutants. Rythme incessant. Tension palpable et entretenue.
Il vous attrape et ne vous lâche plus. Une vraie teigne...

Le ministre Ruggieri porte plainte pour diffamation contre Mediapart, et c'est là que le commandant Dubak, à qui est confié le dossier, entre véritablement en piste. Sauf qu'il se retrouve très vite bridé par les bizarreries de la procédure, savamment orchestrées par les avocats du ministre. Il n'en faut pas plus pour titiller sa curiosité. « Si c’est flou, c’est qu’il y a un loup. »
Quant à Hébert, maître es manipulation, il se doit de protéger son client d'éventuelles éclaboussures. C'est entendu, tôt ou tard Ruggieri va tomber. Autant qu'il s'écrase seul...
Le plan qu’il peaufine est machiavélique et la malheureuse Djamila en constitue le cœur.

François Médéline nous fait visiter la cuisine, l'arrière-cuisine, voire le local poubelle de la politique française. Magouilles, manipulation, billard à trois, cinq ou sept bandes, rien ni personne n'est épargné. Il réussit le mariage parfait entre fiction et réalité. Fort de sa connaissance d’un milieu qu'il a longtemps pratiqué, tant comme communicant que comme directeur de cabinet, il met en scène le personnel politique qui a fait les grandes heures des plateaux de télévision ou des colonnes de la presse écrite lorsqu'éclate en décembre 2012 ce qu'on appellera « l'affaire Cahuzac », alors ministre délégué chargé du budget, accusé par Mediapart de détenir un compte offshore, et qu'on reconnait facilement dans le personnage de Serge Ruggieri, ministre de l'intérieur dans le roman.
Sont donc convoqués, entre autres, François Hollande, Jean-Marc Ayrault, Stéphane Le Foll, mais aussi Nicolas Sarkozy, Eric Woerth, ainsi que les journalistes Edwy Plenel et Fabrice Arfi, pour ne citer que les plus connus. Ceux-là sont l'ancrage dans une réalité tangible liée à une affaire qui a défrayé la chronique durant de nombreux mois. La fiction apparaît lorsque Cahuzac devient Serge Ruggieri, dans le rôle du menteur patenté, tout en restant ancrée dans une réalité très concrète.

Il y a deux volets dans cette affaire. D'un côté, l'aspect politique et comment, autour du mensonge d'un ministre en exercice devant la représentation nationale, s'organisent les démentis, les soutiens, ceux à l'affût d'une dégringolade ou encore ceux qui ne veulent pas sombrer avec le navire, voire l'enfoncer. Toutes les nuances politiques sont représentées. Les jeux de pouvoir sont en place et s'agitent frénétiquement, y compris le pouvoir médiatique. Les communicants de tous bords sont en surchauffe. L'entre-soi est à l'œuvre à tous les étages.
Lorsqu'il rejoint la fiction, c'est la zone sombre, oubliée, de l'affaire Cahuzac qu'il explore à sa manière. Car enfin, si le ministre Ruggieri a cru nécessaire d'avoir un compte caché au Luxembourg, c'est bien pour y verser de l'argent. Sale, l'argent ? Et sa provenance ?

On le dit, on le sait. Depuis la nuit des temps la politique est aussi affaire d'argent, donc de corruption et de renvois d'ascenseur. Chez nous, cet argent a une odeur nauséabonde ; on le cache. Et si l’on tente par tous les moyens de l'obtenir pour financer ses opérations, ses campagnes, on souhaite aussi qu'il disparaisse des radars et n'apparaisse jamais aux regards indiscrets.

Le personnage de Djamila Garrand-Boushaki, en qui on reconnait la figure de Najat Vallaud-Belkacem, fait le lien entre le monde politique déliquescent et la manipulation orchestrée en sous-main par les pourvoyeurs de fonds et dont elle est au cœur. Tout en ambivalence, elle est à la fois le symbole d’une ambition démesurée rendue nécessaire pour survivre, en tant que femme et en tant « qu’étrangère », dans la sphère politique qu’elle a intégrée, et rattrapée par ses origines qu’elle n’a eu de cesse de chercher à gommer. Un rôle par forcément reluisant, mais rendu touchant par l’auteur.

Djamila croyait que les règles étaient différentes chez les riches et les Blancs (...) Elle sait désormais que les règles sont les mêmes partout : la réussite sourit spécialement aux voleurs, aux vicieux et aux fils de putes.

Avec La Résistance des Matériaux, François Médéline atteint la plénitude. Son style percutant, incisif, emprunté un temps à James Ellroy à qui il voue une grande admiration, arrive à maturation et c’est un pavé de cinq cents bonnes intentions bigrement assénées qu’il nous envoie en pleine gueule.
Reçu, cinq sur cinq !


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

François Médéline navigue entre polar politique et roman historique, sur fond de seconde guerre mondiale. Il m’a fallu du temps pour apprécier toutes ses qualités depuis La Politique du Tumulte, en 2012, mais désormais, je me régale. Faites comme moi : ne boudez pas ce plaisir de lecture.

Le début...

Les dix premières lignes...

Djamila Garrand-Boushaki.
Privas, 4 décembre 2012.

On l’envoie dans la préfecture de l’Ardèche bavasser avec des gens en reconversion professionnelle. Elle est sûre d’en être capable.
Le voyage en Renault Vel Satis, c’est les Rhônalpins qui paient. Modèle luxe, sièges chauffants. Le comptable public ponctionnera une ligne budgetaire de la deuxième région de France. Personne n’en a vraiment conscience. Pas même Aurélien, assis sur le siège avant passager, un grand rouquin à cravate étroite.
À l’extérieur de la berline, tout le monde se dirait pourtant :
À quoi ça rime ? Rendez nous le blé !
Le trajet est sans histoire. Le chauffeur avale l’A7 à 150 kilomètres par heure. Il s’appelle Pascal. C’est un taiseux au crane glabre, bon mec populo qui n’aie pas les Arabes et qui mourrait pour elle (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

L’affaire débute dans Mediapart. Serge Ruggieri, ministre de François Hollande, dissimulerait des millions au Luxembourg. L’image de l’État exemplaire se ternit et tandis qu’une guerre de communication s’engage, président, ministres, députés placent leurs pions pour éviter de couler si Ruggieri tombait. Nicolas Sarkozy, lui, espère profiter de la situation. Dans les marges grises de la République, un géant du BTP ne compte pas attendre les résultats de l’enquête pour savoir s’il sera inquiété. Il entreprend de mettre en scène un scandale qui détournerait l’attention des médias en cas d’explosion de l’affaire. Djamila Garrand-Boushaki, députée proche de Ruggieri, devient la cible de ce complot : une affaire de terrorisme ferait un scandale si retentissant. Un plan qui serait simple si un commandant du SRPJ de Lyon ne se mêlait pas de l’affaire.

François Médéline, fin connaisseur des arcanes du monde politique, nous plonge dans les abîmes de la République. Dans les pas d’une jeune femme combative, de flics en quête de vérité et d’un homme de main implacable, il nous entraîne dans un monde de violence et de chaos où l’ivresse du pouvoir justifie tout.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

François Medeline










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Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

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