Andromicmac

Un avis personnel...

Publié le : 21 janvier 2010

Pierre Kosta, figure locale et directeur du théâtre Gérard Philippe à Soissons, vient d'être assassiné ; son amie Hélène Brémont l'a retrouvé à son domicile, attaché sur son lit et émasculé.
Alors que le commissaire Gorino s'apprête à partir en congés, il confie l'enquête au lieutenant Sauvage et à sa collègue, Joana Sénéchal.
Les premiers interrogatoires de proximité révèlent qu'une voisine pense avoir vu, la nuit précédente, une silhouette encapuchonnée à la manière d'un moine sortir de l'appartement de la victime. Un costume semblable à celui que porte tous les comédiens de la troupe menée par Pierre Kosta, en pleine répétition de leur futur spectacle, Andromaque.

— Voilà une enquête qui s'annonce mal, Joana : sept suspects. Sept comédiens. Autant dire sept menteurs professionnels.

Parallèlement, en dehors des yeux des enquêteurs, nous sont livrés des extraits du blog tenu par Pierre Kosta au cours du montage de la pièce. On y apprend les tensions qui divisent la troupe, alimentées par le metteur en scène lui-même, les rancœurs et les vieilles histoires… Comme celle d'Anna, et de la fille qu'elle a eu avec le directeur sept ans plus tôt, mais dont il n'a jamais accepté ni reconnu la paternité ; comme la liaison qui le lie à Hélène Brémont, son actrice principale, et à sa sœur…
Pierre Kosta est un salaud qui manipule ses comédiens pour les faire coller au plus près au rôle qu'il leur a distribué. Il utilise pour ça des méthodes peu recommandables, mais sa cause, sa vie, c'est le théâtre, sa pièce, la réussite d'Andromaque. rien d'autre.

Elisa Vix nous entraîne dans les coulisses du théâtre antique en compagnie de Racine et des personnages de sa tragédie. On y découvre l'envers du décor et une troupe de comédiens qui reflète la palette des personnalités du métier : le directeur despote et machiavélique ; l'actrice et femme fatale ; le jeune premier plein d'avenir et d'ambition ; la comédienne finissante ; l'alcoolique talentueux ; l'acteur instinctif…
Chacun est un suspect potentiel et si Andromicmac met en avant la pièce de Racine, il a aussi la saveur des Dix Petits Nègres d'Agatha Christie. Le récit se présente en effet comme une roman à énigme et, passé la présentation de l'environnement théâtral, de la troupe et des mobiles possibles, repose essentiellement sur l'intrigue, les avancées de l'enquête, les rebondissements.
Ils sont là, mais concernent avant tout Thierry Sauvage. Thierry Sauvage et "ses" femmes… Maryse, son ex, et son fils de neuf ans ; Valérie, son actuelle compagne sur le point d'accoucher de jumelles ; Joana, sa collègue ; Patricia, sa sœur ; ou encore Simonetta, sa mère, qui vient de disparaître de sa maison de retraite.
Malheureusement, les deux parties du roman se chevauchent sans jamais vraiment se rencontrer et si la routine policière de la partie "énigme" manque un peu de dynamisme, elle est heureusement relevée, dans la dernière partie de récit, par la tournure beaucoup plus "personnelle" que prend l'affaire. Elisa Vix retrouve alors cette vivacité, ce côté pétillant, qui faisaient le cachet de ses précédents romans en s'amusant des turpitudes du "pauvre" lieutenant Thierry Sauvage.
C'est lorsqu'elle est au plus près de la vie de ses personnages qu'elle se montre la plus efficace et si Andromicmac se veut aussi sans doute une sorte d'exercice de style en forme d'hommage, il pêche par l'absence de véritable lien entre les différentes parties du récit et d'un manque d'homogénéité, comme si on avait d'un côté une nouvelle aventure du lieutenant Sauvage et de sa "clique" et de l'autre, une énigme qui ne veut pas adhérer à sa personnalité. Comme une tentative de greffe qui n'aurait pas pris…

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Quelques pistes à explorer, ou pas...

Il existe d'autres exemples de tentative de mariage entre la tragédie classique et le polar, parmi lesquelles on peut citer Sanguine Comédie, de Patrick Mosconi, ou le très réussi L'Ivresse des Dieux, de Laurent Martin.
Quant à Thierry Sauvage, il est le personnage récurrent, et attachant, des romans d'Elisa Vix. Les deux premiers étant, à mon avis, plus réussis que ce présent opus.