Qui après nous Vivrez

Hervé Le Corre

Rivages / Noir - Janvier 2024

Tags :  Roman noir Road Polar Quidam France Futuriste Littéraire Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 12 mars 2024

Recommandé Cœurs fragiles s’abstenir… ou vous finirez le moral au fond des chaussettes. Qui après nous Vivrez relate la longue et sombre descente aux enfers de notre société dans un proche avenir, heureusement éclairé par quelques figures féminines. Hervé Le Corre en mode sombre…

Leo, douze ans, erre dans une campagne dévastée, ravagée par les incendies. Autour de lui, tout n’est que misère et désolation. Pourtant, il vit là, réfugié dans un village en ruine en compagnie de son père, Marceau. L’électricité a disparu, les gens de même, certains animaux, décimés par les épidémies ou les combats. Avec eux vivent Nour et sa fille Carla. Ensemble ils tentent de survivre, de se nourrir en cultivant la terre qu’il défriche en cachette, de chasser parfois avec les armes qu’ils ont toujours, destinées avant tout à leur protection.
Leo a déjà vu des horreurs : sa mère battue, violée, tuée par une bande de mercenaires. Il en a réchappé, puis les années ont passé. Heureusement, il lui arrive de s’évader à travers les quelques livres sauvés du désastre, comme celui que lui a prêté Nour, qu’elle tenait de sa mère, Alice, qui l’avait elle-même reçu de sa grand-mère, Rebecca.

Retour en arrière. Alice n’est qu’un nourrisson lorsque la grande panne se déclenche. Plus d’électricité, nulle part, alors que le monde s’épuise sous la chaleur, secoué par une pandémie qui a déjà fait quelques centaines de millions de morts. Confinement, couvre-feu, police partout. Nous sommes au milieu du XXIe siècle. Certains tentent encore de mener une vie normale à l’heure où la limite pour enrayer les dérèglements climatiques a déjà été atteinte, dépassée. D’autres, toujours plus nombreux, miséreux, subissent leur pauvre sort. La perte de l’électricité qui prive la police de ses moyens de surveillance déclenche des émeutes. Martin, le père d’Alice, en fait les frais et laisse derrière lui une orpheline.

Du côté de Leo, une attaque de pillards contraint le groupe à fuir leur cachette. Carla a été battue puis violée par les assaillants, Marceau s’est blessé grièvement. Les voilà sur les routes, errants fébriles, en quête de vengeance…

L’apocalypse comme si vous y étiez, à travers le parcours de trois générations de femmes.
Ici tout est sombre, délabré, dévasté, depuis si longtemps. Pourtant toujours un maigre espoir demeure : dans les feuilles d’un arbre encore vertes, dans le babillage d’un nourrisson, dans le regard d’une vieille femme. La résignation n’est pas à l’ordre du jour alors que rien ne la soutient. Demeure une force vitale, un instinct.

Hervé Le Corre décrit la désolation avec une forme de poésie littéraire. C’est admirablement écrit. Pourtant, ce qu’il dépeint, imagine, au fur et à mesure que le chaos se répand, n’a rien de réjouissant. D’abord les pillages, les exactions, la répression sauvage, l’épidémie qui entasse ses morts ; la ville qui se désagrège. Puis la fuite, l’exode, la peur. Et quand dure la misère, les organisations qui se reconstituent, reproduisant les erreurs du passé dans un continuum destructeur : fausses croyances, religions fondées sur le mensonge, asservissement des femmes et de leur corps, esprit guerrier des hommes.
La déliquescence a des airs de déjà-vu.

Ne cherchez pas d’intrigue dans les pages de Qui après nous Vivrez, vous n’en trouverez pas, même si la construction du roman ne doit rien au hasard. Hervé Le Corre nous assène une longue description des possibles face à notre civilisation, nos usages, qui nous mènent tout droit au pied d’un mur qu’on croit trop souvent invisible et sur lequel nous allons pourtant nous écraser. Sous sa plume se tracent des évidences sombres, des accumulations de malheurs inévitables, commises et subies par celles et ceux qui ont survécu, mais pour seulement répéter les abominations de l’Histoire, inventant parfois de nouvelles variantes.
Déambulant au cœur de cette vision apocalyptique, quelques éclairs de lumière, féminins, rassurants, qui tout en tentant de survivre, ravive à chaque pas l’espoir de l’existence d’un avenir. Pas meilleur, ce serait exagérer. Juste un avenir… Incertain. Au final, si ce sont toujours elles qui subissent en premier la bêtise des hommes et leur détermination à l’auto-destruction, ce sont les seules capables de reconstruire après le désastre.

Elle ne voyait aucune issue, aucune destination à cette errance dans les ruines d’un monde qui ne renaîtrait pas de ses cendres, tant il avait été méticuleusement détruit avec une science instinctive du saccage, un talent toujours renouvelé du massacre, une obstination bestiale dans l’erreur. Elle avait lu qu’au début du siècle dernier les humains avaient commencé à apercevoir le danger mortel qui les menaçait, mais les puissants et les riches avaient choisi d’ignorer les alarmes et continué de jouir de leur domination comme un soudard cannibale se serait exaspéré dans un corps éreinté tout en le dévorant vivant. Dans un lointain passé, dans ce que certains vieux qu’elle avait connus appelaient l’Histoire, les rescapés des exterminations, des génocides, des guerres totales, sortis des camps, des forêts, des caves, avaient retrouvé assez de force pour se relever et se remettre à vivre et à espérer malgré les abîmes de désespoir où on les avait jetés mais ils avaient pu le faire dans un monde en reconstruction, flanqués d’enfants heureux et de fantômes effarés.
Aujourd’hui, les enfants étaient effarés et les fantômes pleuraient sans fin.


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Le début...

Les dix premières lignes...

Il avait plu toute la nuit. Fenêtres et portes secouées par le vent, averses qu’on entendait venir de loin, martelant le sol, nuées compactes s’abattant sur la maison dans une rumeur furieuse. Léo se réveilla dans une confusion de bruits organiques : écoulements, régurgitations, chuintements. Il aurait pu se trouver, engourdi, dans la tiédeur flasque et détrempée d’un être en train de le digérer. Il se rappela cette histoire de navigateur avalé par une baleine puis recraché par la volonté d’un dieu. Il ne savait plus qui la lui avait racontée. Sa mère, peut-être. Il convoqua son image mais elle ne vint pas et il en eut le souffle coupé, un sanglot logé dans la poitrine, poing écrasé contre son cœur. Seul le timbre de sa voix, cette douceur tremblante, lui revint si nettement qu’elle aurait pu parler tout près de lui. Enfin le pâle visage, toujours soucieux, se reforma dans son esprit et il bougea les lèvres pour la nommer…


La fin...

Quatrième de couverture...

À la fin du XXIe siècle, dans une grande ville de province, une jeune femme et son compagnon viennent malgré les crises à répétition, de donner naissance à un enfant. Un jour, le réseau électrique français s’effondre et une émeute plus violente que les autres éclate. Le jeune père ne rentre pas chez lui. Pour sa compagne, l’angoisse va grandissant.
Trois générations plus tard, dans un monde où toute technologie avancée a disparu, un petit groupe de gens a trouvé un abri de fortune dans une maison campagnarde qui a échappé à la destruction. Pas pour longtemps. Des pillards vont bientôt l’incendier et les survivants vont devoir fuir sur les routes avec leur carriole et leur cheval. Commence une épopée proche du western, où chaque jour l’enjeu est de survivre…


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Hervé Le Corre










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Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

L'Homme aux Lèvres de Saphir Les Cœurs Déchiquetés