Rivages / Noir - Octobre 2004
Tags : Roman noir Roman historique Polar social Serial Killer Flic Criminel Paris Historique (avant 1930) Littéraire Entre 250 et 400 pages
Publié le : 05 mars 2007
L'Homme aux Lèvres de Saphir est un roman noir "historique" du fait de la période à laquelle il situe l'action : la France en 1870. Mais c'est un roman incroyablement moderne sur le plan de l'écriture comme des thèmes abordés.
Le contexte est daté, et extrêmement bien décrit : crise sociale, ouvriers en révolte contre l'oppression et la bourgeoisie, policiers à la solde du régime impérial, plus prompts à écraser les révoltes qu'à faire leur travail d'investigation etc...
Mais tout cela, au fond, pourrait aussi bien être transposé à n'importe quelle époque, y compris la notre, ce début de XXIème siècle capitaliste, à tendance inhumaine.
Le criminel pourchassé est d'ailleurs dans le roman une sorte de symbole, ou porte de passage entre "avant" et "maintenant". Il désarçonne la police par ses méthodes brutales et son absence de motivation "classique" (pauvreté-argent-crapulerie). Il annonce une ère sanguinaire et inhumaine dans laquelle les meurtriers comme lui courront les rues, où la logique et la modération n'auront plus de place.
Il symbolise le passage entre un monde humain et un monde de machines, auxquelles plus rien ne peut s'opposer (voir le passage où il découvre avec émerveillement les armes à feu, et les ravages qu'elles font par rapport à son couteau ; voir aussi le passage où il découvre la guerre, comme nouveau terrain de jeu possible).
Les révoltes d'ouvriers dans les rues de Paris sont écrasées aussi sûrement que le meurtrier fait exploser la tête de ses victimes avec un pistolet. C'est irréversible, irrémédiable.
Pour vaincre ou même ne pas être vaincu, il faudra rentrer dans la même logique : opposer à la machine d'autres machines, opposer à la brutalité encore plus de brutalité.
Car les classes dominantes de la société ne lâcheront pas le morceau comme ça. Dominantes elles sont, dominantes elles entendent rester. Et voudraient que les cris venant des bas fonds ne les empêchent pas de dormir sur leurs deux oreilles.
Le roman est, au-delà d'une histoire criminelle, une incursion dans le Paris d'avant la Commune, dans ses bas fonds misérables, ses bordels, ses gargotes populaires....
Ajouté à cela, il faut signaler la plume d'Hervé Le Corre. Une écriture plus que riche, opulente, mais qui s'adapte aussi parfaitement à la gouaille populaire, aux argots des flics, des voyous, des putains.
L'Homme aux Lèvres de Saphir est un livre original, bien construit et bien écrit, qui mérite largement le détour...
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Pas d'idée pour le polar. Mais peut-être Emile Zola si ce n'est déjà fait...
Les dix premières lignes...
Etienne Marlot se casse en deux sur les brancards de sa charrette. il souffle et grogne dans le tintamarre de l'essieu qui geint, des roues qui vont sûrement se décrocher pour partir chacune de son côté, ou bien casser net et effondrer l'équipage comme une vache à l'abattoir foudroyée d'un coup de masse. Sa bouche rejette de gros paquets de vapeur, tout ce qui reste de sa force, échappement de machine usée. On dirait que le brouillard, qui absorbe aussitôt cette énergie consumée, est sorti de ses poumons comme une immense fatigue et flotte au-dessus de lui, frôle les façades, coiffe les réverbères de halos pâles, et envahit Paris en passant par les toits, étouffant au passage les cheminées qui fument à peine de feux presque éteints (...)
Quatrième de couverture...
Paris, 1870. Une série de meurtres sauvages semble obéir à une logique implacable et mystérieuse qui stupéfie la police, fort dépourvue face à ces crimes d'un genre nouveau. Le meurtrier, lui, se veut "artiste" : il fait de la poésie concrète, il rend hommage à celui qu'il considère comme le plus grand écrivain du XIXème siècle, Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont, dont il prétend promouvoir le génie inconnu.
Dans le labyrinthe d'une ville grouillante de vie et de misère, entre l'espoir de lendemains meilleurs et la violence d'un régime à bout de souffle, un ouvrier révolutionnaire, un inspecteur de la sûreté, et deux femmes que l'a vie n'a pas épargnées vont croiser la trajectoire démente de l'assassin. Nul ne sortira indemne de cette rencontre.
Ce livre a reçu le grand prix du roman noir français au festival de Cognac 2005 et le prix mystère de la critique 2005.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...