Y'a pas de Bon Dieu !

Jean Amila

Gallimard / Série Noire - Mars 1950

Tags :  Roman noir Polar social Polar rural Arnaque Complot Quidam Etats Unis Années 1950 Littéraire Populaire Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 16 octobre 2011

Au fin fond des montagnes, non loin du parc de Yellowstone, autrement dit au milieu de nulle part, Paul Wiseman est un jeune pasteur méthodiste dont la paroisse est constituée de solides gaillards élevés au grand air. Là, il tient l'épicerie en compagnie d'une vieille femme et offre son sermon le dimanche ; c'est une voix qui porte à Mowalla.
D'ailleurs, c'est à lui qu'on s'en prend (en lui fracturant un genoux) lorsqu'il s'agit d'intimider la population qui refuse de se laisser exproprier par un entrepreneur qui envisage de construire un barrage dans la région, construction qui noierait le village sous les eaux.
Wiseman n'est pas un foudre de guerre, mais il ne s'en laisse pas non plus compter et aidé de quelques congénères, il riposte. En état de légitime défense, il va malheureusement tuer un de ceux qui l'ont estropié, ce qui ne va arranger ni ses affaires, ni les relations avec l'expropriateur…

En 1950, la collection Série Noire de Gallimard n'a pas encore cinq ans et vient tout juste d'ouvrir ses rayons — en catimini et sous couvert de pseudonyme à consonance américaine — à son premier auteur français, Serge Arcouët. Jean Meckert, dont les romans parus dans la collection "blanche", même s'ils reçoivent un bon accueil critique, peinent à trouver leur public, se voit proposer par Marcel Duhamel d'y entrer à son tour. Ainsi naît John Amila (qui deviendra bientôt Jean) et son premier roman Y'a pas de Bon Dieu !, présenté alors comme adapté de l'américain par Jean Meckert.

L'intrigue est donc tout naturellement située aux Etats-Unis et met en scène une petite communauté qui lutte contre une société qui veut à tout prix s'emparer des terrains que ses habitants occupent. On trouve là une des figures récurrentes des romans de Jean Amila, à savoir la lutte du pot de terre contre le pot de fer, de David contre Goliath, ou plus simplement de l'individu confronté au groupe.
Elle se pose d'ailleurs ici à double titre puisque si les habitants de Mowalla — qui sont des montagnards bourrus, pas très fins, mais très attachés à leurs terres — sont en lutte contre la voracité d'une grande entreprise, on voit aussi bientôt que le pasteur Wiseman, sorte de pièce rapportée au village (il n'en n'est pas originaire comme la plupart de ses ouailles), subira un sort réservé qui le tiendra à l'écart de ses congénères.

Lorsqu'on sait l'appétence de Jean Amila pour les idées libertaires et qu'avant de lire son premier roman sous ce pseudonyme on en voit le titre (qui plus est assorti d'un point d'exclamation) ; lorsqu'on découvre que le personnage principal est un pasteur, on se dit que la religion devrait en prendre pour son grade… En fait il n'en est rien, du moins directement. Il est plutôt question ici d'injustice et d'incompréhension, même lorsque le pauvre pasteur est confronté à la beauté sauvage et sensuelle d'une jeunette assez entreprenante qui vient ébranler ses convictions (rappelons tout de même que les pasteurs peuvent se marier et… procréer).

Côté forme, le roman se présente dès les premières lignes comme la confession du pasteur et emprunte un style assez littéraire, sans recourir beaucoup au dialogue. On peut penser, en voyant l'évolution qui se fait vers une écriture plus "populaire" dans la seconde partie du récit, à un coup de patte de M. Duhamel recadrant son nouveau poulain pour le faire coller aux plus près à ce qu'il souhaite pour sa collection. Je ne sais pas si je suis dans le vrai en pensant ainsi, mais la différence entre les styles du début et de la fin du roman m'ont paru évidentes, comme si Jean Meckert, à l'écriture, prenait conscience des possibilités offertes par le roman noir pour délivrer son discours, se les appropriaient, et lâchait la bride à John Amila. La dernière partie du texte est puissante, poignante, dans un style épuré qui a trouvé sa voix.

Y'a pas de Bon Dieu ! est une entrée réussie de Jean Meckert dans le domaine du roman noir. Il allait prouver par la suite, à travers vingt autres titres signés Amila, que Marcel Duhamel avait du nez et qu'il révélerait ainsi un auteur qui allait donner ses plus belles lettres de noblesse au roman noir français et ouvrir la voix à de nombreux autres.
Un grand merci à tous les deux.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Tous les romans de Jean Amila… Et sans aucun doute ceux de Jean Meckert.

Le début...

Les dix premières lignes...

Je sais que cela ne signifie rien pour le profane, mais je suis pasteur du rite méthodiste. J'ai besoin de le dire au début de cette confession. S'il y a des hommes de cœur pour me lire, ils comprendront peut-être qu'on a besoin d'affirmer sa foi pour se sentir vivre.
Je suis impropre à l'ouvrage de terrassement. Je travaille dans une bibliothèque, mais cette bibliothèque est celle d'un pénitencier. Je porte la livrée couleur rouille à rayures horizontales.
Ici, on me refuse la pratique de mon ministère. Je ne suis plus le pasteur Paul Wiseman, je suis Patte-en-zinc… J'ai vingt-neuf ans. J'ai fait la guerre en Europe, mais ce n'est pas là-bas que j'ai attrapé mon infirmité. Ceux qui m'ont fait cela étaient des hommes d'ordre et de progrès (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Mowalla, un bled perdu dans la montagne, compte trois cent cinquante âmes, bien décidées à refuser un marché de dupes que viennent leur proposer des types plein aux as.
Mais les choses s'enveniment sérieusement lorsque les gros veulent les exproprier en lançant sur eux une bande d'hérétiques qui violent, pillent, tuent.
Là, chacun fait le coup de feu et moi-même, j'en déquille quelques uns car la justice divine, il faut bien s'en occuper dès ici-bas.
J'oubliais un détail… Je suis le pasteur méthodiste de cette charmante localité.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Jean Amila










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