Rivages / Thriller - Mai 1991 - Traduction (anglais) : Danièle et Pierre Bondil
Tags : Roman d'enquête Polar social Polar rural Road Polar Discrimination Mystique Psychologie Flic Quidam Etats Unis Années 1980 Entre 250 et 400 pages
Publié le : 03 mars 2008
Ce qui pousse le légendaire lieutenant Leaphorn est tout d’abord le souvenir de sa défunte épouse et les égards dûs à sa famille. Ce qui l’amène à reprendre l’enquête sur la mort de son collègue Delbert Nez, un soir d’orage, au pied d’une cheminée volcanique, est le désir d’éclaircir les éléments qui ne s’emboîtent pas parfaitement avec la thèse retenue par le FBI. Un vieux navajo rendu irascible par l’excès de whisky, à plus de trois cents kilomètres de son hogan, sans véhicule, en possession d’une arme de poing qu’il n’avait pas les moyens pécuniaires de posséder. « Leaphorn s’aperçut que l’intérêt qu’il portait à cette affaire allait croissant. »
Ce qui pousse Chee à revenir sur les circonstances de la mort de son ami est bien différent. Ce n’est pas l’intellect qui parle, mais les sentiments. En premier lieu la culpabilité, le souvenir d’avoir fauté en ne se portant pas aux côtés de Delbert Nez cette fameuse nuit. Puis le retour de Janet Pete sur les terres de la Grande Réserve, avocate chargée de la défense de Hosteen Pinto.
Alternant ses deux personnages fétiches au fur et à mesure des premiers chapitres, Hillerman offre à son lecteur les paysages des Four Corners, une sensation de liberté, de paix inaltérée, une temporalité posée.
Ce n’était pas aussi facile qu’il le paraissait. Comme pour tout objet de grande taille perçu à travers l’air sec et raréfié des déserts d’altitude, la poussée volcanique était plus imposante et plus lointaine qu’elle ne le semblait. Le soleil avait disparu bien en dessous de l’horizon quand ils escaladèrent l’ultime pente escarpée menant à sa base. Au-dessus d’eux les nuages d’altitude étaient passés du rose au rouge foncé. Loin vers l’ouest au-dessus de l’Arizona, ceux qui dominaient le Kaibito Plateau étaient d’un bleu-noir frangé d’un jaune ardent.
Un meurtre commis dans une réserve est un crime fédéral. Il relève du FBI. La police tribale navajo, et encore moins l’un de ses membres en congé de convalescence, n’a pas à s’immiscer dans l’enquête. Celle du meurtre de Delbert Nez est bouclée. Le coupable arrêté par Jim Chee va très prochainement passer en jugement. Mais au mépris et à la morgue que des agents du FBI portent sur les forces locales de l’ordre, répond un regard critique, lassé mais obstiné.
— Des suspects ?
— Nous interrogeons les voisins mais il n’y a pas grand-monde qui semble s’être trouvé dans le coin quand ça s’est produit, répondit Largo.
— Ça va être une enquête fédérale, intervint Rostik. Un crime commis sur une réserve fédérale.
— Bien sûr, acquiesça Leaphorn. Nous vous aiderons dans la mesure de nos possibilités. En traduisant, ce genre de choses. Où est sa femme ?
Au travers de phrases courtes, avares en adverbes et en adjectifs, Hillerman offre à son lecteur la Grande Réserve, ce lieu aux reliefs incroyables, où le temps et les phénomènes météorologiques se dilatent sur un instant ou un millénaire. De cette écriture pudique, il dit la pauvreté des habitants de ces contrées, les carcasses de véhicules en ruine des bas côtés, les objets mis en gage pour acquérir un paquet de farine. Une pauvreté financière corollaire d’une recherche de l’harmonie — hozro — avec une nature difficile mais grandiose et avec l’autre. Coyote attend, qui guette l’homme. Les tours de coyote ne sont pas toujours drôles. Coyote guette et le peuple navajo qui recherche la paix, a rencontré le biligaana, l’alcool et la colère induite par l’alcool.
Roman amer, vibrant d’espace, mêlant univers navajo et monde des blancs, ce dixième volet des policiers navajos d’Hillerman atteint un équilibre remarquable entre ses personnages récurrents, leurs vies privées et leurs méthodes de travail, et une intrigue intrinsèquement liée à la pénétration du monde occidental dans l’univers harmonieux — mais non exempt de ses propres démons — des navajos.
Coyote est toujours là, dehors, à attendre, et Coyote a toujours faim.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Les dix volumes précédents du même auteur : Là où Dansent les Morts, Le Vent Sombre, Porteurs de Peau… et pourquoi pas Moon, roman sur la fraternité et la guerre du Vietnam.
Les dix premières lignes...
Jim Chee en était à se dire que soit le pneu avant droit était dégonflé, soit il y avait un problème d’amortisseur de ce côté-là. À moins, bien sûr, que le conducteur de la niveleuse n’ait pas vérifié le réglage de sa lame et qu’il n’ait rendu le revêtement de la chaussée inclinée. Le fait était que la voiture de police tirait légèrement sur la droite. Chee effectua la correction nécessaire en fronçant les sourcils. Il était complètement lessivé.
Le haut-parleur de la radio fit entendre un bruit hésitant puis transmit la voix de Delbert Nez :
— Je marche aux vapeurs d’essence (…)
Quatrième de couverture...
Cela faisait plusieurs semaines que Delbert Nez, un collègue de Jim Chee, souhaitait appréhender un suspect non identifié qui vandalisait et barbouillait de peinture blanche un relief basaltique au sud de Shiprock. Ce soir-là, Nez est tombé sur son vandale, mais ce dernier s’est révélé plus dangereux qu’il ne le croyait, et lorsque Chee est arrivé sur les lieux, c’est pour retirer le cadavre de Nez de sa voiture en flammes.
À cinq kilomètres de là, un vieillard marche sur la route. Il tient une bouteille de whisky à la main et un pistolet glissé dans la ceinture de son pantalon. L’arme vient de servir. Lorsque Chee l’arrête, le vieil homme se contente de murmurer : « Mon fils, j’ai honte ».
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...