Flammarion - Février 2025
Tags : Roman noir Roman historique Polar politique Flic France Années 1970 Original Plus de 400 pages
Publié le : 27 avril 2025
24 mai 1968, débarqué de sa Bretagne depuis quelques mois, Gourvennec est un jeune policier parisien. À l’occasion d’une des plus violentes nuits de manifestation, il se retrouve associé puis recruté par un inspecteur des RG — Daunat — pour une opération plus ou moins obscure au côté du SAC de Pasqua consistant à récupérer des explosifs chez les étudiants révolutionnaires, et notamment un certain Pierre Goldman. L’opération est un échec et Daunat y laisse la vie.
Dix ans plus tard ou presque, le baron Empain vient d’être libéré, Claude François est mort, et Vauthier, un « proche » du président Giscard d’Estaing, débarque en France depuis Libreville. Associé à quelques truands sur le déclin, il veut tenter de relancer la prostitution de luxe à Paris et du côté de la France-Afrique et occuper les nuits parisiennes.
Du côté de l’école de police, Marco et Jacquie se tirent la bourre pour être les meilleurs de la promo et obtenir les postes les plus prestigieux. Ils rêvent d’intégrer les équipes de Broussard ou d’Ottavioli, les stars de l’antigang et de la crim', mais les places sont chères et la concurrence sévère.
Les grands-mères adoraient Ottavioli. Les ménagères de moins de cinquante ans préféraient Broussard. Les jeunes filles avec le feu au cul adulaient Mesrine — c’était une histoire de valeurs.
Malheureusement pour Jacquie, les femmes ne sont pas tout à fait les bienvenues sur le terrain. Pour elle, ce sera finalement les RG. Quant à Christian, le troisième larron, fainéant de service, dernier de la classe et un peu je-m’en-foutiste, il lui restera la mondaine, la dernière roue du carrosse policier.
À travers ces quatre personnages de fiction, Benjamin Dierstein nous propose une visite guidée et mouvementée des arrière-cuisines de la police et de la politique de la fin des années soixante-dix en France. Les plus anciens reconnaîtront aisément le décor, mais surtout les « figures » qui traversent cette époque riche en magouilles de tout genre.
Giscard, Barre, Pasqua, Peyrefitte, Bongo, Bokassa, Arafat, Khadafi, pour la politique. Broussard, Prouteau, Barril, Ottavioli, pour la police, accompagnés de leur pendant criminel : Jacques Mesrine, l’ennemi public numéro un. Sans oublier les révolutionnaires comme Pierre Goldman ou ceux d’Action Directe. Une époque formidable…
S’il ne fallait retenir qu’un mot de ce nouveau roman de Benjamin Dierstein, ce serait urgence. Une longue urgence de 762 pages (hors annexes), et seulement le premier volet d’une trilogie, mais une urgence tout de même tant la tension y est savamment entretenue tout au long du récit. Il n’y a pas de temps morts dans Bleus, Blancs, Rouges, c’est un déferlement continu qui vous scotche au texte, vous laissant toujours plus impatient d’en savoir plus, comme un long shoot d’adrénaline, une claque. Une grande claque revigorante.
Benjamin Dierstein est né en 1983, il n’a donc pas connu l’époque à laquelle il situe son roman. Personnellement j’y étais. J’approchais la vingtaine, parisien banlieusard je terminais mes études au milieu des manifs, l’époque était résolument à gauche, voire à l’extrême gauche. La lecture de Bleus, Blancs, Rouges m’a fait remonter le temps, revivre ces années qui sonnaient la fin du règne Giscard et donnaient l’espoir d’un changement avec l’arrivée de la gauche au pouvoir.
Le travail de documentation réalisé par l’auteur est impressionnant, celle-ci si bien intégrée qu’au final c’est une véritable immersion qui nous est proposée, soutenue par un sens du rythme qui ne se relâche jamais. Et si les personnages secondaires sont extrêmement nombreux, réels ou fictifs, le choix de recentrer le récit autour de quatre figures centrales incite à ne jamais se perdre dans les méandres de l’intrigue tout en permettant de balayer tout le spectre d’un monde qui se transforme, d’une page qui se tourne.
Benjamin Dierstein maîtrise de même la science du dialogue. Ni trop ni trop peu, toujours à bon escient, fluide et efficace. Comme on dit : un petit crobard vaut mieux qu’un long discours. Et pour le cas qui nous intéresse, la présence assumée de ces dialogues permet d’apporter une vraie vivacité au récit.
Bleus, Blancs, Rouges n’est pas un page-turner dans le sens où il n’est pas construit sur l’entretien artificiel d’un suspense. Pour autant, difficile de ne pas enchaîner les chapitres, dans une longue apnée, sur les traces encore fraîches de Marco à l’antigang, de Jacquie aux renseignements généraux, au beau milieu de la guerre des polices, entre indics et barbouzes, ou dans ce monde politique si proche des truands qu’il finit par en épouser les méthodes.
Benjamin Dierstein rend un hommage appuyé dans ses remerciements à James Ellroy, de même qu’à cet oncle qui glissa dans ses mains adolescentes un exemplaire de Lune Sanglante, lui offrant par la même occasion une révélation en matière d’écriture.
Oui, la filiation est évidente, mais elle est aujourd’hui parfaitement intégrée, digérée et nous offre toute sa fulgurance.
On en redemande. Vivement la suite !
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Tout Dierstein, sans hésiter. Ma révélation de l’année (oui, je sais, j’ai un peu de retard…).
D'autres auteurs revendiquent l'influence majeure de James Ellroy. On peut citer François Médéline qui s'en est beaucoup inspiré, ou encore Jean-Hugues Oppel qui lui rend hommage dans French Tabloïds.
Les dix premières lignes...
Vendredi 24 mai 1968
Gourv avait mal au cou, mal au dos, mal au cul.
Il se tenait droit sur sa saloperie de chaise métallique, raide comme un piquet — depuis que son chef l’avait surpris avachi et traité d’étudiant bolcho, il essayait de corriger le tir.
Gourv suait.
Il bâillait en regardant ses collègues s’échauffer — ils allaient — ils venaient — ils criaient _ ils agitaient des documents — ils crayonnaient des plans de Paris — ils brandissaient des photos de rouges. Ils pétaient littéralement un plomb — le fameux mélange de peur et d’adrénaline.
Gourv jeta un œil à la grande horloge murale — il était dix-neuf heures passées. Ça faisait maintenant deux semaines que les bolchos avaient monté leurs premières barricades, et que le cœur de Paris battait la mesure des pavés, des bottes et des matraques.
Quatrième de couverture...
Printemps 1978 : les services français sont en alerte rouge face à la vague de terrorisme qui déferle sur l’Europe. Marco Paolini et Jacquie Lienard, deux inspecteurs fraîchement sortis de l’école de police et que tout oppose, se retrouvent chargés de mettre la main sur un trafiquant d’armes formé par les Cubains et les Libyens et répondant au surnom de Geronimo. Traumatisé par la mort d’un collègue en mai 1968, le brigadier Jean-Louis Gourvennec participe à la traque en infiltrant un groupe gauchiste proche d’Action directe. Après des années d’exil en Afrique, le mercenaire Robert Vauthier revient en France pour régner sur la nuit parisienne avec l’appui des frères Zemour. Lui aussi croisera le chemin de Geronimo. Quatre destins qui vont traverser les années de plomb, les coups fourrés politiques et les secousses de la Françafrique. Le premier tome d’une saga historique entre satire politique, roman noir et tragédie mondaine, dont les personnages secondaires ont pour nom Valéry Giscard d’Estaing, Pierre Goldman, Jacques Mesrine, Jean-Bedel Bokassa, Alain Delon, Tany Zampa ou Omar Bongo.
Sa trombine... et sa bio en lien...
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