Gallimard / La Noire - Mars 2025
Tags : Roman noir Polar social Comédie Quidam France Années 2020 Humoristique Entre 250 et 400 pages
Publié le : 20 avril 2025
Avant d’entrer dans le vif du sujet, Sébastien Gendron nous refait le coup de l’ouverture au zoo (cf. Chevreuil), recyclant une nouvelle fois le personnage d’Emerich von Kilß — paix à son âme — et son projet fou de parc animalier d’un nouveau genre, comme si, au fil des romans, se construisait en filigrane un ultime texte, une forme de conclusion encore à venir.
Arrivent enfin Constance et son fils Hippolyte. Constance n’aime pas son fils. Il faut préciser qu’elle ne l’a jamais désiré, mais a fini par céder devant l’insistance de son connard de père (celui du gamin). D’ailleurs, Hippolyte le lui rend bien, la traitant déjà de sale pute du haut de ses cinq ans et lui lacérant accessoirement le visage de ses petits ongles aiguisés alors qu’elle le dépose tranquillement à la maternelle.
Constance habite à Washington, une sorte de résidence-dortoir pavillonnaire. Là, elle croise Tania (qui préfère qu’on l’appelle Joy) qui vient d’écraser avec sa petite berline Vincent Carell, un voisin. Personne n’a assisté à l’accident (ou peut-être le meurtre) et Constance vient en aide à Tania/Joy pour faire disparaître le corps.
Dans la maison voisine, c’est une veuve qui, souhaitant transformer sa piscine inutile en panic-room, et se retrouve, à la fin du chantier, emmurée vivante, pour un temps, dans son nouveau jouet. Ainsi va la vie à Washington…
Mais revenons à Constance. Elle a fini par élaborer un projet de fuite de cette vie de merde qu’elle ne supporte plus. Mais c’est sans compter sur son dégénéré de mari qui décède brutalement d’un AVC, la laissant veuve avec sur les bras un orphelin qu’elle déteste…
Ainsi va la vie à Washington… Tandis qu’au fond de ses entrailles, dans les profondeurs de ses canalisations, un python veille, à l’affût…
J’ai lu dans je ne sais plus quelle chronique que Python serait le second volet d’un triptyque débuté avec Chevreuil. Je ne sais pas si c’est une réalité (l’avenir nous le confirmera, ou pas), mais force est de constater que les structures des deux romans ont des apparences similaires. Reste que si le dézingage est là encore au cœur du récit, la cible, voire les cibles, est toute différente.
Sébastien Gendron s’attaque tous crocs dehors à cette petite vie aussi triste que bourgeoise que l’on peut rencontrer dans les lotissements peuplés par la classe moyenne. Ce sera Washington, succédané d’une banlieue américaine fantasmée par ses habitants, des maisons aux tons pastel, des pelouses taillées au cordeau, des allées larges et vides, des résidents qui s’épient tout en affichant des sourires complaisants, hypocrites. Un Desperate Housewiwes à la française, qui donne matière à beaucoup de vacheries.
Car il est aussi beaucoup question de femmes dans Python, de celles qui épousent un patriarcat en décadence en se transformant en victimes consentantes, celles qui continuent à faire tourner cette machine à bout de souffle. Sébastien Gendron leur tire dessus à boulets rouges.
Parmi celles-là, Constance Deltheil, en phase de réveil, cherchant l’émancipation. Elle s’est enfin décidée, pour sa survie, à tout quitter : mari, enfant et vie bourgeoise, mais le sort va s’acharner et tout tenter pour la maintenir dans sa condition.
Le roman interroge la maternité. Constance n’était pas vraiment consentante pour mener cette vie-là, mais elle n’a pas su lutter, s’est laissée faire. Ce fils qu’elle n’a jamais désiré et qu’elle n’arrive pas à aimer est le dernier boulet qui la retient de tout plaquer. Un boulet pourri, gâté aux écrans, enfant-roi d’un territoire en déliquescence, abandonné à lui-même. Est-ce que ça fait de Constance une mauvaise mère ? Oui, sans doute, mais ça ne l’empêche pas de vouloir refiler le bébé à quelqu’un d’autre pour vivre enfin sa vie.
Certains pourraient se désoler du penchant misogyne de ce roman. Ce serait oublier d’une part qu’il est dédicacé par l’auteur à la mémoire de la regrettée Marie Vindy, et d’autre part que Sébastien Gendron s’est fait spécialiste de l’adage « qui aime bien châtie bien ». Pour le coup, il est en pleine forme…
Âmes sensibles, soyez prévenues. Python est d’une méchanceté assumée et d’une férocité passablement déjantée. Perso, j’adore.
Dans les bras de Lucas, Constance sanglote :
— J’ai… jamais… voulu… de… cet… enfaaaaaaant… Moi… je… voulais… juste… vivre… comme… ça… On… a… le… droit… de… pas… avoir… d’enfant… C’est… quand… même… mieux… que… d’être… une… mauvaise… mèèèèèèère… J’en… eux… plus…
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Je ne me lasse pas de lire Sébastien Gendron, et ça dure depuis quelque temps maintenant. En attendant l’éventuelle suite de ce tableau animalier, si ce n’est déjà fait, je ne peux que vous conseiller la lecture de Chevreuil.
Les dix premières lignes...
— Envoyez de la musique !
Ça fait exactement une heure que toutes les cages en verre du parc zoologique Le Royaume — Das Königreich — se sont ouvertes. Une heure que, tétanisée derrière les écrans vidéo du centre de contrôle, l’équipe technique assiste à cette horreur à ciel ouvert contre laquelle ils sont tout à fait impuissants. Ce devait être un jour de fête, c’est une immense foire à la viande humaine. Trois mille personnes, trois mille animaux. Une bonne proportion de carnivores et de bêtes à cornes, le reste n’est pas moins enragé. Ça étrille à tout va, ça mord, ça sabote, ça empale, ça pourchasse, ça griffe, ça éviscère, ça mélange les genres et les préférences alimentaires sans se soucier de la classification des espèces.
L’une des images les plus choquantes de cette journée restera sans doute, si jamais on s’en tire, cette vache gyr, regard paisiblement planté dans la caméra de surveillance qui lui fait face, mufle maculé de sang, en train de ruminer un intestin encore attaché à son propriétaire, un homme couché à ses pieds, les yeux ouverts, la gorge fraîchement arrachée par un zorille du Cap maintenant occupé à sucer les yeux d’une femme encore secouée de spasmes à trois mètres de là.
Quatrième de couverture...
Constance Deltheil n’aime pas son fils Hippolyte et on la comprend : 5 ans, infect et mauvais. Si ça n’avait tenu qu’à elle, d’enfant elle n’aurait jamais eu. Et certainement pas avec Damien, son mari. La solution, ce serait de partir aussi loin que possible sous une fausse identité pour qu’on ne la retrouve jamais. En Inde, pourquoi pas ? Mais le jour où elle achète son billet pour Bangalore, Damien meurt d’un bête accident vasculaire. Comment Constance va-t-elle faire pour s’échapper désormais ? Et ce python qui hante les canalisations et met le petit lotissement où ils vivent en émoi… Fallait-il vraiment que Sébastien Gendron, avec sa verve brutalement réjouissante, s’empare de la prétendue fibre maternelle ?
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...