Le Grillon Enragé

Un avis personnel...

Publié le : 19 avril 2011

Henri Grimont se relève à peine d'un passage à tabac par les flics qu'un militaire débarque chez son amie Vonette pour l'interroger, ou plus précisément pour lui proposer un engagement pour les services spéciaux.
Henri commence par décliner l'invitation ; lui qui, après avoir suivi un entraînement de mercenaire, a fait profiter de ses quelques connaissances un certain nombre de soixante-huitards. Mais, bien que couvé par Vonette, il finit bientôt par demander l'asile à ses anciens "amis", les barbouzes.
Puis il part en mission…

Chez Jean Amila, il est toujours question de l'individu confronté au groupe, du péquin moyen face à l'organisation constituée, avec ses règles, ses lois.
Il est aussi souvent question de l'État et plus particulièrement des militaires et autres uniformes, avec une tendance pour ceux de l'ombre : barbouzes et autres agents secrets.
Le Grillon Enragé n'échappe pas à cette règle, sauf que cette fois, l'individu est au cœur du système, un apprenti espion.
Bon, soyons francs, il n'est pas vraiment construit au moule le grillon, mais c'est comme si, abandonné, il se cherchait une famille, un but.

Le grain de sable de l'histoire, c'est Vonette, dont il tombe amoureux et qui lui donne de nouvelles aspirations.
Eric (le vrai nom d'Henri) n'a pas vraiment de convictions, il souhaite seulement vivre, peinard, mais il est engagé, lié par un contrat non écrit. Au côté de la jeune femme, poussé par elle, il devra ouvrir les yeux sur sa condition, choisir, s'émanciper…

Écrit en 1970, Le Grillon Enragé offre une seconde lecture possible et un parallèle avec les évènements de mai soixante-huit qui transparaissent tout au long du récit.
Eric et Vonette y ont participé, ils se sont connus sur les barricades, mais leurs parcours sont différents. Eric est du petit peuple, Vonette petite bourgeoise. Leurs aspirations diffèrent et à travers eux, Jean Amila insiste sur la composition des groupes révolutionnaires de mai : quelques "purs" et "durs", mais aussi et surtout beaucoup de fils et filles de bourgeois, intellectuels voués à devenir l'élite de demain et s'offrant là une bonne récréation avant de se saisir du bâton de leur père.
Eric, ou les illusions perdues…

Et puis il y a Loubet, Raymond… Force vive, homme de l'ombre chargé des basses besognes chez les espions. Un exécuteur. Un exécutant. Un ouvrier.
Lui connaît la vie et sait bien que se battre contre le colonel — ou le patron — c'est perdre d'avance.
Obéissant par nature, il prendra tout de même une maigre revanche en se liant d'amitié avec Eric. Amitié profonde, mais sans lendemain…

Jean Amila, avec ce roman, fait montre d'une grande lucidité dans le regard qu'il porte sur son époque et sur l'analyse qu'il fait, quasiment à chaud, des "évènements".
Quarante ans plus tard, il n'a pas pris une ride.

Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Écrit avec le recul, mais portant un même regard quelque peu désabusé sur cette période mouvementée de la fin du XXe siècle, lisez le roman de Françoise Laurent, Dolla, paru en 2008 chez Krakoen.