Moisson Rouge - Octobre 2008
Tags : Roman noir Polamour Vengeance Truand Quidam France Années 2000 Populaire Moins de 250 pages
Publié le : 11 décembre 2008
Zel, qui sort d'une longue hospitalisation et d'un coma, débarque dans une boîte de nuit perdue dans la campagne entre Aix et Marseille. C'est là qu'il devait se rendre (sans que l'on sache vraiment pourquoi) et qu'il croise Nombril, une rousse pulpeuse qui semble être la propriété du maître des lieux — Angelo Di Savino, dit la Trique, une terreur du Milieu — mais qui finit par demander à Zel de l'aider à s'enfuir ; ce que ce dernier s'empresse d'accepter, subjugué par la farouche détermination de la belle. Et pas que…
Elle comptait parmi ces créatures que la planète enfante avec parcimonie, au compte-gouttes, juste pour rappeler aux affreux que la beauté n'est pas qu'intérieure.
Très vite, Zel s'aperçoit, à ses dépens, que la file est armée et porte en elle une sacrée dose de vengeance. Elle disparaît en lui piquant sa bagnole tandis que Di Savino lance sur leurs traces ses sbires, véritables bêtes sanguinaires…
Zel a une mission, pas très bien définie, et un patron, Gabriel.
Gabriel, c'est le chef des anges. L'archange, quoi.
Et Zel, un essai thérapeutique comme sui dirait. Pas tout à fait un ange, pas tout à fait un vivant, pas tout à fait un mort. Un mec entre deux eaux, coincé sur un lit d'hôpital par un coma dépassé et que là-haut on a décidé de faire bosser. Une manière d'expérience.
Zel est à part dans ce milieu. C'est un ange sexué, ce qui pose quelques problèmes d'organisation depuis sa rencontre avec Nombril…
Nombril, de son côté, n'est pas en reste, elle qui déclame des vers, les boit :
— Et tu fait quoi, Nombril, au Dancing Vamping ?
— Je bois des vers pour travailler ma mémoire : le bel honneur que l'on m'élève des statues, faites de telles roses dans les squares où crache la tuberculose où rôde la putain, le voyou et la sythpilis. Moi aussi la propagande m'a collé aux dents, moi aussi j'aurais pu vous pondre des romances, c'est mieux payé et plus charmant. Mais moi, je me suis moi-même jugulé, le pied sur la gorge de ma propre chanson.
— …? C'est quoi ça ?
— Quelques vers que j'ai bus en trop. Sur la bouteille, c'était marqué Maïakovski.
Nombril a son histoire, elle aussi. Ses histoires, la petite et la grande. Pour faire court elle est à présent la propriété de Di Savino qui la "tient" par la drogue qu'il lui a fait ingurgiter à son insu. Elle est aussi la petite fille de l'ancien propriétaire du Dancing Vemping (la boîte de nuit). Un ancien mafioso lui aussi, et un ancien milicien qui durant la seconde guerre mondiale, fort de son statut, avait spolié l'alors propriétaire, juif, en l'envoyant dans le camp de Birkenau.
Sergueï Dounovetz a l'écriture rapide et les scènes s'enchaînent sans faiblir sur un rythme virevoltant. Chaque chapitre est même l'occasion d'une sorte de coup de pied de l'ange, avec dérapages et tête-à-queue.
N'empêche, la mise en place se fait et apparaît un fond de décor où l'on reconnaît de vieux fascistes en lien avec la Milieu marseillais, pas bégueule.
Au premier plan, la quête vengeresse de Nombril prend des allures de tragédie grecque, ou shakespearienne, d'histoire de famille plongée dans l'Histoire.
Sergueï Dounovetz ne se départ pas ici de la noire poésie qui l'accompagne et le personnage de Nombril, beauté farouche et cassée, en est le parfait symbole. Mais Un Ange sans Elle souffre parfois des multiples directions prises par l'intrigue. Il semble que deux histoires se chevauchent sans vraiment se rencontrer, sans que l'auteur n'ait jamais choisi laquelle il allait privilégier, si bien qu'on reste un peu le cul entre deux chaises. Sur l'une, une sombre histoire de famille, de vengeance ; sur l'autre, une sombre Histoire ; avec au-dessus, cet ange étrange et son amour impossible.
Allez, rassurez-vous tout de même, la verve de Sergueï Dounovetz est au rendez-vous et on ne s'ennuie guère à suivre Zel et Nombril.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Pour le mariage histoire/Histoire, Maurice Gouiran, qui est un "spécialiste" du procédé.
Pour l'histoire d'amour impossible et noire : Remington de Joseph Incardona, ou encore Vice de Forme de William Lashner.
Les dix premières lignes...
La route était lisse et le paysage exsangue. Alentour, la plaine immense étalait son herbe grise. De rares taureaux achevaient les derniers chardons de ce coin d'Afrique que seul le Sud était capable de s'inventer. La voiture de location filait en direction de Marseille. Au loin, les zones industrielles crachaient leur poison dans un ciel blanc, résigné. Le cadran de la pendulette de bord marquait 19 heures. J'avais le cœur léger d'avoir enfin quitté cette chambre d'hôpital, ce coma dépassé, ce trop long sommeil. Sur le radiocassette, j'écoutais en boucle la musique du film Pierrot le Fou (…)
Quatrième de couverture...
Un tueur à gages croise une bombe sexuelle dans un dancing marseillais. Classique ? Sauf que l'employeur du tueur est l'ange Gabriel, que la bombe se prénomme Nombril parce qu'elle a le plus beau nombril du monde, et que le dancing est le repaire d'un monstre. Et que tout ce monde-là est aux trousses du diable, qui passe une retraite paisible à New York…
Roman noir, compte fantastique, western urbain stylé qui joue habilement avec les genres, Un Ange sans Elle est un livre palpitant, poétique, cinématographique qui ose bousculer son lecteur et le tient en haleine jusqu'à l'ultime sursaut.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...