La Cour des Mirages

Benjamin Dierstein

Les Arènes - Janvier 2022

Tags :  Roman noir Roman d'enquête Trafic Flic France Années 2010 Original Plus de 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 30 juin 2025

Recommandé Juin 2012. Alors que les socialistes emportent haut la main les législatives après la victoire de François Hollande face à Nicolas Sarkozy aux présidentielles, la commandante Laurence Verhaeghen tient enfin sa vengeance et assure sa sécurité et celle de sa fille Océane en logeant une balle dans la tête de son ex-patron à la brigade criminelle, Michel Morroni, flic ripou retiré des affaires (cf. La Défaite des Idoles).
Quant au capitaine Gabriel Prigent, après un an de mise à pied et plusieurs séjours en HP, il réintègre enfin la brigade criminelle. Il a pris trente kilos et ses collègues le considèrent toujours comme un traître. Il pleure toujours la disparition de sa fille Juliette, enlevée six ans plus tôt à Rennes, mais l’obsession s’est transformée en résignation. Désormais il accepte que sa fille puisse être morte.

Juliette pour Prigent, Océane pour Verhaeghen, ce sont bien les enfants qui seront au cœur du troisième volet de cette trilogie autour de la police et du monde politique des années 2010 en France, après les réseaux de prostitution de luxe dans La Sirène qui Fume, puis les magouilles politiques du clan Sarkozy dans La Défaite des Idoles.

Avec la victoire de la gauche, c’est l’heure des purges dans les rangs de la police. Verhaeghen, qui a servi le clan Sarkozy à la DCRI est dans le collimateur. On lui propose néanmoins de jouer les informatrices en réintégrant la brigade criminelle. Elle va même se retrouver dans le groupe de Prigent, son ancien collègue.
Pour son premier week-end de permanence, Prigent écope de trois cadavres découverts dans un hôtel particulier à Neuilly ; un couple et un petit garçon d’une dizaine d’années. Le père s’est visiblement suicidé après avoir étouffé sa femme et massacré son fils. Manque au tableau une fillette, disparue. Quant au père, il s’agit d’une huile à la réputation sulfureuse, un ancien cadre du PS.

Chaque flic, bien qu’appartenant au même groupe et travaillant sur la même affaire, suit sa propre intuition. Pour Prigent, c’est la piste de l’argent qui est privilégiée, quant à Verhaeghen, elle enquête sur ce qui ressemble fort à un réseau pédophile.

Le troisième volet de cette fresque d’envergure est une lecture éprouvante par son réalisme. Benjamin Dierstein nous propose une plongée horrible dans les profondeurs insoupçonnées des réseaux pédophiles. C’est glaçant, troublant, dérangeant, parfois à la limite du supportable et pour autant jamais gratuit.
Fidèle à son schéma de départ, l’auteur met en scène un duo de flics parmi les trois personnages principaux de son triptyque. On avait eu droit à l’opposition entre Prigent et Kertesz dans La Sirène qui Fume, puis au combat entre Kertesz et Verhaeghen pour La Défaite des Idoles, la conclusion se fera en compagnie de Prigent et de Verhaeghen. La boucle est bouclée.
La tension est omniprésente, mais en s’en prenant aux enfants, l’enquête au cœur du roman prend un tour plus personnel pour chacun des protagonistes, eux-mêmes parents et confrontés, d’une manière ou d’une autre, à la « disparition » de leur progéniture.
Plus de huit cents pages, et pourtant jamais on ne se lasse, jamais on ne s’ennuie. Les développements sont innombrables ; l’intrigue est touffue à souhait tout en demeurant intelligible ; les personnages ont pris au fil des tomes une épaisseur remarquable ; l’ancrage dans la réalité de la France des années 2010 constitue toujours un des fils rouges de l’écriture ; la documentation, sérieuse, volumineuse, a été suffisamment intégrée pour être « régurgitée » à bon escient et montrer toute l’horreur du phénomène.
Les réseaux pédophiles sont une abomination, les enfants les victimes de trafiquants toujours plus ignobles et Benjamin Dierstein ne prend aucune pincette pour le montrer, jusqu’à l’écœurement, prenant même soin de remonter le temps pour mettre en lumière ce que certains, dans les années soixante-dix, considéraient comme une liberté émancipatrice.

– On était jeunes, on avait des idéaux.
— Quels idéaux ?
— On a connu 68, on était au PSU, on croyait à la révolution sexuelle.
— Ouvre les yeux, Borrel, le PSU c’est devenu un ramassis de libéraux. Les révolutionnaires de 68 sont devenus des capitalistes, et les prosélytes du sexe libre et de la pédophilie comme Desclos de la Cotardière sont devenus des businessmen du viol.

La Cour des Mirages vient conclure brillamment, le mot est faible, cette première trilogie de l’auteur, travail considérable sur la mémoire de notre époque, alors même qu’il s’est déjà engagé dans une seconde épopée au long cours autour des années soixante-dix et des années Giscard cette fois avec Bleus, Blancs, Rouges (02/2025).
On attend la suite avec impatience.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Lisez bien sûr l’ensemble de la trilogie, ce serait un sacrilège pour tout amateur de roman noir et de polar de s’en priver.

Le début...

Les dix premières lignes...

Dimanche 17 juin 2012
Le soleil de vingt heures sur le Vieux Port…
Les terrasses bondées…
Les rires…
Les voix qui portent au loin…
Les coups de gueule…
Les discussions animées — comme à chaque jour d’élection.
… Claude Guéant est battu à Boulogne-Billancourt. L’ancien ministre de l’Intérieur, qui avait seulement 3,5 points d’avance sur le dissident UMP Thierry Solère au premier tour, a finalement perdu contre lui aujourd’hui. Thierry Solère devient le nouveau député de la circonscription, avec 39,35 % des voix, contre 38,41 % pour Claude Guéant…
Verhaeghen a des fourmis dans les jambes…
Elle a des fourmis dans les bras…
Elle a des fourmis dans les oreilles, à force d’écouter les mêmes informations en boucle dans ses écouteurs…


La fin...

Quatrième de couverture...

Juin 2012. Triomphe politique pour la gauche et gueule de bois pour la droite. Les têtes tombent. Les purges anti-sarkozystes au sein du ministère de l’Intérieur commencent. La commandante Laurence Verhaeghen quitte la DCRI et rallie la Brigade criminelle de Paris. Elle est rapidement rejointe par son ancien collègue Gabriel Prigent, hanté par la disparition de sa fille six ans plus tôt.
Pour leur retour au 36, les deux flics écopent d’une scène de crime sauvage : un ancien cadre politique a tué sa femme et son fils avant de se suicider. L’enquête débouche sur la découverte
de réseaux puissants, à mi-chemin entre l’organisation pédocriminelle, la prostitution de luxe et l’évasion fiscale. Désabusés par leurs erreurs et leurs doutes, tourmentés par leurs obsessions,
Verhaeghen et Prigent vont partir pour un voyage sans retour vers la barbarie moderne.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Benjamin Dierstein










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Réédition Réédition poche

Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

La Sirène qui Fume La Défaite des Idoles Un Dernier Ballon pour la Route Bleus, Blancs, Rouges