Nouveau Monde - Février 2020
Tags : Roman noir Polar politique Flic France Années 2010 Original Plus de 400 pages
Publié le : 19 juin 2025
Le récit s’engage du côté de Syrte en Libye, le 20 octobre 2011, qui signe la fin de Kadhafi.
Un homme est là qui suit le déroulé des opérations, y participe au risque d’y laisser sa vie, jusqu’au moment où il tire deux balles dans la poitrine du dictateur, le réduisant définitivement au silence.
Trois mois ont passé depuis l’affrontement qui a vu s’opposer deux flics aux aspirations opposées : Gabriel Prigent et Christian Kertesz (cf. La Sirène qui Fume). Le premier sort tout juste de l’hôpital psychiatrique tandis que le second vient d’être blanchi à l’issue d’un procès incertain. Les deux hommes sont abîmés par leur lutte : dépression sévère pour l’un, une gueule défigurée, un œil en moins pour l’autre.
Pour autant, à peine les portes du tribunal refermées, les affaires reprennent pour Kertesz : arrangements auprès d’un gros promoteur engagé dans la reconstruction en Libye avec toutes les magouilles qui en découlent ; remettre sur pied un trafic de coke avec ses amis Corses ; jouer les gros bras pour son compère de toujours, Michel Morroni, l’ancien flic reconverti en truand.
Laurence Verheaghen est capitaine au sein de la brigade criminelle, ni flic pourri comme Kertesz, ni une réputation de balance comme Prigent, mais beaucoup d’ambition. C’est elle qui est en charge de l’enquête sur le saccage d’un hôtel particulier organisé par Kertesz pour le compte de Morroni, et qui a mal tourné : un apprenti corse a mal géré son stress, il y a eu mort d’homme. La voilà plongée au cœur des montages financiers complexes et des magouilles immobilières, là où la truanderie classique n’est jamais bien loin. L’argent sale a toujours besoin d’être blanchi pour pouvoir servir, voire servir le pouvoir.
Quand à Kertesz, il poursuit ses investigations autour de Pommier, le promoteur concurrent. Il s’avère que ça n’est pas tout à fait un petit poisson, que l’homme a le bras long et gravite dans les sphères du pouvoir, en relation avec Claude Guéant ou un certain Ziad Takieddine.
Verheaghen a une obsession : mettre Kertesz et Morroni, ses anciens collègues, derrière les barreaux ; elle en fait une affaire personnelle. Il faut dire que les deux anciens flics le méritent amplement, ils sont de tous les trafics, de toutes les magouilles, recourant sans vergogne à la violence lorsqu’elle s’avère nécessaire.
Sur fond de fin de règne de Kadhafi en Libye, et de Sarkozy en France, Benjamin Dierstein met en scène un nouveau couple de personnages profondément attachants quand bien même ils ne sont guère « reluisants ». Le rythme est toujours aussi serré, entretenu par une tension perpétuelle. On n’a jamais beaucoup le temps de se reposer dans cette lecture, à l’instar de ceux qui en composent le récit.
Ce second volet de la trilogie prend des accents politiques plus affirmés. On y découvre l’agitation qui règne au sein du clan sarkoziste après la défaite aux présidentielles et son prolongement dans les rangs de la police où l’ancien président a longtemps régné en tant que ministre de l’Intérieur. Depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande, la chasse aux sorcières est lancée et si elle se veut discrète, la purge est néanmoins bien réelle.
C’est une guerre d’influence qui se joue, une guerre aux méthodes sales. Fidèle à sa « stratégie », Benjamin Dierstein nous propose de plonger dans ce grand bain à l’eau trouble en compagnie d’un duo de personnages qui s’opposent. On retrouve un Christian Kertesz bien amoché qui a définitivement abandonné son costume de flic pour endosser celui de truand ; comme une façon pour l’auteur de suggérer que la frontière est forcément mince entre les deux statuts. Face à lui, une femme, opiniâtre, ambitieuse, pas encore trop abîmée par l’atmosphère magouilleuse et la suspicion qui gangrène le quai des Orfèvres.
L’intrigue est touffue à souhait, se ramifiant dans de multiples directions et mélangeant adroitement fiction et réalité sur la base d’une solide documentation bien digérée. Les années Sarkozy et leurs arrangements avec la légalité sont mises à plat avec en fond les sordides histoires de financement de campagne par les pétrodollars libyens, mais aussi les agissements des mafias corses, l’apparition des réseaux djihadistes, les trafics de drogue.
Malgré toute cette complexité et cette densité, impossible de lâcher la lecture de ce pavé de plus de six cents pages tant le style nerveux, presque hargneux, de Benjamin Dierstein vous prend aux tripes. C’est souvent violent, quasiment toujours noir, mais complètement addictif.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Cette survitaminée première trilogie de grande qualité de Benjamin Dierstein a commencé avec La Sirène qui Fume et se poursuit avec La Cour des Mirages. Trois personnages de flics au détour des années Sarkozy se mêlant en trois duos successifs. Incontournable.
Les dix premières lignes...
Jeudi 20 octobre 2011
Le soleil se lève sur Syrte.
Un homme attend, debout sur un toit.
Treillis militaire. Torse nu. Cheveux rasés.
Un tatouage de cobra tout le long du dos.
Jusqu’à son cou, où vient se loger la tête du serpent.
Il fait face au district 2, où sont cachés les derniers dignitaires du régime : Moatassem Kadhafi, le général Mansour Dhao, le ministre de la Défense Abou Bakr Younès Jaber, et surtout le Guide lui-même.
Les tirs se sont calmés depuis quelques heures. L’artillerie rebelle a arrêté de pilonner le quartier. Le jour se lève dans un silence déconcertant.
L’homme au tatouage fouille du regard. Il guette parmi les bâtiments détruits. Parmi les décombres. Parmi les immeubles ravagés par les tirs. Il cherche. Il sait que c’est pour bientôt.
Il reçoit l’info sur son téléphone satellitaire Thuraya un peu après huit heures. Une colonne de 4x4 est en mouvement. Enfin. Ça devait être pour cette nuit.
Quatrième de couverture...
Octobre 2011: ancienne gloire des Stups de Paris, le policier déchu Christian Kertesz est recruté par des truands corses pour relancer un trafic de cocaïne. En parallèle, il espionne pour une société de renseignement privée le haut responsable d’une multinationale du BTP afin de l’écarter d’un marché prometteur en Libye. Le pays est en pleine ébullition ; Kadhafi vient d’être renversé et tué.
En France, François Hollande sort vainqueur de la primaire des socialistes. L’UMP et le PS entrent dans la phase finale d’une guerre qui les mènera jusqu’à l’élection présidentielle. Alors que Squarcini, Péchenard, Neyret et d’autres sont inquiétés par des affaires qui mettent à mal l’image de la police, la capitaine Laurence Verhaeghen de la Brigade Criminelle de Paris, proche des sarkozystes, est plus que jamais déterminée à freiner la montée en puissance des troupes de Hollande.
La découverte d’un cadavre va rapidement la mettre sur la piste de son ancien collègue Kertesz et de quelques fantômes de la Police parisienne qu’elle s’est jurée de détruire, quitte à affronter des ordures chevronnées — anciens kadhafistes, terroristes proches d’AQMI, mercenaires issus de la DGSE ou mêmes cadres de la DCRI. Pris en étau entre une cellule sarkoziste qui cherche à sauver sa peau, et d’anciens barons de la mitterrrandie qui œuvrent pour le retour de la gauche au pouvoir, Kertesz et Verhaeghen vont se livrer un duel à mort au cœur de la corruption moderne.
Sa trombine... et sa bio en lien...
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